
Les États-Unis font le pari du risque systémique selon Serge Halimi : « Trois jours avant l’entrée de M. Donald Trump à la Maison Blanche, le président chinois Xi Jinping se rendit à Davos. Il y mit en garde les États-Unis contre le protectionnisme. Aujourd’hui, c’est la politique de relance impulsée par M. Joseph Biden qui alarme les dirigeants chinois. Ils y voient un « risque systémique » pour l’ordre économique actuel.
Les États-Unis viennent en tout cas d’adopter une des lois les plus sociales de leur histoire. Elle s’écarte des stratégies économiques mises en œuvre ces dernières décennies, qui ont favorisé les revenus du capital – « startupeurs » et rentiers mêlés — et accru le décrochage des classes populaires.
Elle rompt avec des politiques publiques hantées par la crainte d’une reprise de l’inflation et d’une flambée de l’endettement. Elle ne cherche plus à amadouer les néolibéraux et leurs bailleurs de fonds avec des baisses d’impôts dont le produit atterrit souvent en Bourse et gele la bulle financière. »
Pour Stefano Palombarini, l’Italie est devenue un laboratoire politique européen : « Dix ans après M. Mario Monti et son gouvernement de technocrates, un autre ancien cadre de Goldman Sachs vient de s’installer au palais Chigi.
Comme son prédécesseur, et comme M. Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle française de 2017, M. Mario Draghi prétend dépasser le clivage entre la droite et la gauche en s’élevant au-dessus des partis et en apportant la vision éclairée de l’expert, tout en restant scrupuleusement dans les clous fixés par Bruxelles : orthodoxie budgétaire et néolibéralisme.
L’ancien président de la Banque centrale européenne (BCE) a réussi à rassembler toutes les formations italiennes, de la gauche à l’extrême droite, y compris celles qui ont prospéré en s’opposant à ce programme. Il a en effet reçu le soutien conjoint du Mouvement 5 étoiles (M5S) et de la Ligue, deux partis qui, trois ans plus tôt, remportaient les élections législatives sur la promesse de rompre avec l’austérité et de s’opposer aux diktats européens. »
L’Italie où, selon Giovanni Ierardi, la mafia s’enracine toujours et encore : « Moins connue que Cosa Nostra en Sicile ou la Camorra napolitaine, la ’Ndrangheta, la Mafia calabraise, est pourtant l’une des plus redoutables. Exerçant son emprise sur l’économie et la politique, et contrôlant ainsi de vastes territoires, elle se trouve aujourd’hui au cœur d’un procès historique. Mais la répression ne peut suffire si l’on ne s’attaque pas également aux racines de cette criminalité organisée. »
Alex Alber, Joël Cabalion et Valérie Cohen analysent le fiasco de la déradicalisation : « La question brûlante qui occupait le débat public après les attentats de 2015 à Paris n’a rien perdu de son acuité : qu’est-ce qui a pu susciter l’explosion d’une telle violence ? Comment bascule-t-on dans l’innommable ? La « radicalisation » violente, initialement pensée comme une catégorie de signalement policier.
s’est ainsi imposée comme un marronnier médiatique et comme l’objet d’intarissables querelles entre chercheurs orientalistes qui resurgissent à chaque assassinat impliquant de près ou de loin des mobiles politico-religieux.Ces événements renforcent le parti de ceux qui jugent les « valeurs de la République » remises en question par le « communautarisme » musulman.
Celui-ci minerait de l’intérieur la cohésion de la société française ; il appellerait un sursaut propre à restaurer l’unité perdue et à inculquer le « respect de nos valeurs » à une partie de la jeunesse, particulièrement dans les quartiers populaires, toujours suspects d’un déficit de citoyenneté.
Philippe Baqué demande si c’est un crime de combattre les djihadistes : « Le Parlement français a adopté de nombreuses lois « antiterroristes » qui permettent de substituer le soupçon à la preuve. Comble de la perversité, ces textes servent aujourd’hui de base juridique pour traquer ceux qui ont voulu combattre le djihadisme en Syrie. Avoir pris les armes contre l’Organisation de l’État islamique devient un élément à charge pour la machine policière. »
Pour Roger Erkirch, le sommeil a une histoire : « Aux premiers jours de l’automne 1878, Robert Louis Stevenson, alors âgé de 27 ans, passa douze jours à crapahuter dans les Cévennes. Son seul compagnon de voyage était une ânesse du nom de Modestine. Stevenson ne devait publier L’Île au trésor et connaître la célébrité littéraire que cinq ans plus tard.
Au beau milieu de son expédition, il installa son campement dans une petite clairière entourée de pins. Après un souper roboratif, alors que le soleil venait de terminer sa course, il s’étendit dans son « sac de couchage », une casquette sur les yeux.
Mais, plutôt que de dormir d’une traite jusqu’à l’aube, il s’éveilla peu après minuit, le temps de fumer nonchalamment une cigarette et de jouir d’une heure de contemplation. Jamais auparavant il n’avait savouré « une heure plus parfaite » — libéré, se réjouissait-il, de l’« embastillement de la civilisation ». « Par quelle suggestion informulée, par quel délicat contact de la nature, se demandait-il, tous ces dormeurs sont-ils rappelés, vers la même heure, à la vie ? ».
Pour Philippe Descamps, la montagne s’émancipe du ski alpin : « Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Ici, les pentes sont douces. On se réapproprie la montagne ! » En ce mardi 26 janvier, ensoleillé et glacial, quarante centimètres de neige poudreuse recouvrent les pistes de La Plagne. Retraitée à Aime, au pied de cette station savoyarde de plus de cinquante mille lits, Christiane monte tous les jours faire une balade à skis de randonnée.
Avec son amie Agnès, monitrice de ski qui bénéficie du chômage partiel, elle profite de la fermeture des remontées mécaniques qui, depuis 1961, ont accaparé le « deuxième plus grand domaine skiable du monde ». Une légère brise thermique fait tourner à vide un canon à neige devenu inutile depuis le 15 mars 2020.
Au « village » (artificiel) de Belle Plagne, un seul commerce sur une dizaine reste ouvert. L’office du tourisme tente de s’adapter à la situation sanitaire en sortant de nouveaux prospectus sur la luge, le ski de fond ou la « peau de phoque ». Des engins ont même damé quelques secteurs pour les moins aguerris qui seraient néanmoins prêts à remonter par leurs propres moyens, grâce aux peluches antirecul placées sous leurs planches. »
Romain Mielcarek explique comment la France sous-traite sa guerre au Sahel : « Confrontée au coût exorbitant — près de 1 milliard d’euros par an — de sa présence militaire au Sahel, la France peine à obtenir le soutien de ses partenaires européens. Après avoir envoyé du matériel et des conseillers techniques, une poignée de pays ont finalement accepté de dépêcher de petits contingents de soldats. Mais ces gestes symboliques ne sont pas sans contrepartie. »
Pour Ndongo Samba Sylla, cinq coléreuses secouent le Sénégal : « Le Sénégal a connu entre le 4 et le 8 mars derniers un soulèvement populaire d’une ampleur inédite. La répression des émeutes a coûté la vie à onze manifestants âgés de 12 à 35 ans. La façade lisse de la « démocratie » dans ce pays d’Afrique de l’Ouest s’est subitement effondrée. La contestation sociale, avivée par les restrictions dues à la pandémie de Covid-19, a des racines profondes. »
PourYuta Yagishita, les fonctionnaires japonais sont en plein burn-out » : « Une heure et demie du matin. Dans le quartier de Kasumigaseki, à Tokyo, qui regroupe la plupart des institutions du pays, d’interminables files de taxi entourent les bâtiments imposants des ministères. Ayant raté le dernier métro, des fonctionnaires marchent d’un pas lourd et s’engouffrent dans les voitures, qui disparaissent dans les profondeurs de la nuit.
Cette scène illustre le quotidien des agents d’État au Japon. Bien qu’ils bénéficient d’un statut enviable, sans risque de chômage, leur vie ressemble à un chemin de croix. Au motif qu’ils travaillent pour l’intérêt général et doivent parer aux urgences le cas échéant, le code du travail, qui limite le nombre d’heures supplémentaires à quarante-cinq par mois pour les autres salariés, ne s’applique pas à eux. Leurs syndicats sont également privés du droit de grève. »
Pour Franck Gaudichaud, le Chili fait le pari de la Constitution : « Depuis longtemps, la colère gronde au Chili, un pays façonné par la dictature du général Augusto Pinochet. Mais comment rompre avec le passé et réparer la société ? Confronté à un mouvement social puissant, le président conservateur Sebastián Piñera a avancé l’idée d’une nouvelle Constitution. Cédait-il à la contestation ou venait-il de trouver un moyen de la torpiller ? »