Ajouté par Michel Kemper le 21 juin 2020.
Sauvé dans Anne-Marie Panigada, Hommage
Tags: Joan-Pau Verdier, Nouvelles
Joan Pau Verdier (photo extraite de la pochette du 33 tours « Faits divers », de 1975)
Vous pouvez ne pas connaître ce chanteur occitan qui, pourtant, dans les années soixante-dix, caracola au fronton de la chanson d’engagement, au même titre que François Béranger, Gilles Servat et Bernard Lavilliers.
Selon qui nous étions, nous l’avons rangé dans un tiroir ou dans un autre. « Chanteur régionaliste », « chanteur engagé », « chanteur folk » même. On a souvent oublié de lui adjoindre le terme, plus vrai encore, de « chanteur libre, indomptable ».
Libre, il l’était. Et l’a payé. Il fut un temps où les « minorités nationales » (dans lesquelles on trouvait des artistes comme Roger Siffer, Gilles Servat, Claude Marti et quelques autres d’un même et excellent tonneau) furent à la mode, avec des attentes chez le public fort différentes.
Si Verdier entreprend de recouvrer sa langue comme on recouvre une créance (selon la jolie formule de l’historien Louis-Jean Calvet), il n’en abandonne pas la langue française pour autant. Ces trois premiers albums comprennent autant de titres en occitan qu’en français, comme d’ailleurs le faisait Stivell, le breton. « Lo parlar daus païsans, amar torna flurir / Jos la pluma de fer de jaùnes trobadors… [Le parler des paysans refleurit amer / Sous le plume de fer de jeunes troubadours...] ».
Comme le produit bâtard d’une éducation : la langue du grand-père et celle des écoles. Ce que lui reprocheront amèrement les militants occitans purs et durs, dans une querelle qui a tout d’une guerre sans merci, s’étalant à couteaux tirés dans la presse, même parisienne. D’autant plus que Verdier est le premier artiste occitan à signer avec une major : ce qui est pour beaucoup une inexpiable trahison.
Combat d’arrière-garde désormais, quand on sait que c’est grâce à Joan Pau Verdier et à quelques autres que la langue occitane a progressé dans les consciences.
Verdier aurait pu se contenter d’une chanson « folklorisante » comme l’était le folk également en vogue à cette époque, par des groupes d’importance (Mélusine, La Bamboche, Malicorne, La Chiffonie…), mais ce ne pouvait être son propos. Lui est un enfant de Léo Ferré, libertaire, rebelle, insoumis, qui cherche la poésie du maître, qu’il interprétera souvent.
Dont il fera deux albums, dont l’un en occitan. Il est aussi enfant de son époque, de la pop, du rock, d’un son qui va chercher un public plus large : comme Béranger en ces années-là, comme bientôt Lavilliers, il électrisa avec talent sa chanson. Ne gardons pas le souvenir de Joan-Pau Verdier comme un chanteur folk (ce qui du reste ne serait pas déshonorant) comme aimeraient visiblement s’en souvenir les quelques hommages déjà publiés ce jour dans la presse.
C’est une voix (et un son) poétique et politique : il est et restera une des figures majeures de ces années-là. Comme la plupart des artistes d’alors, les années quatre-vingt l’amenèrent dans un relatif et regrettable oubli public.
Joan Pau Verdier en 2009 au « 1er mai jour Ferré », au Trianon à Paris (photo Anne-Marie Panigada)
Collaborateur de Radio-bleu depuis près d’un quart de siècle, par une émission en langue d’òc, co-fondateur du groupe Bigaroc et membre du groupe Peiraguda, Joan Pau Verdier est à la hauteur de dix-sept albums dont Tabou le chat et Le Chantepleure, disques auto-réédités en 2010.
Son dernier opus est Les Rêves gigognes, paru en 2010. Verdier est décédé, au matin du jour où se fête la Musique, d’un cancer.
Tabou-le-chat
Christie (Léo Ferré)