Basta ! actualise son recensement des décès liés à l’action de la gendarmerie et de la police nationale. Pour rappel, notre décompte intègre l’ensemble des interventions létales des forces de l’ordre, quelles que soient les circonstances, que le recours à la force y soit légitime, discutable ou illégal – ce n’est pas à Basta ! d’en juger mais à la justice lorsqu’elle est saisie (voir notre méthodologie ici).
Au cours de l’année 2020, 27 personnes sont, selon les informations à notre disposition, décédées suite à une mission des forces de l’ordre. À cela s’ajoute, une femme tuée par un agent en dehors de ses heures de travail. Depuis 1977, nous recensons au total au moins 746 personnes décédées du fait d’une intervention des forces de l’ordre ou de l’action de l’un de ses représentants. Parmi elles, 26 sont décédées au cours d’une opération classée antiterroriste et 78 du fait d’un agent hors-service (consulter la visualisation de notre base de données ici).
L’année 2020 confirme ainsi la tendance à la hausse observée depuis 2016 (sans les décès liés à un agent en dehors de son service) : 24 en 2019, 26 en 2018, 24 en 2017, 22 en 2016. Nous vous proposons une série d’infographies récapitulant les causes, les circonstances de ces interventions létales ainsi que les unités impliquées sur ces cinq dernières années (2016-2020).
Dix personnes ont été tuées par l’ouverture du feu d’un policier ou d’un gendarme. Parmi elles, on compte deux interventions suite à une attaque classée terroriste : Abdoullakh Anzorov, l’assassin de l’enseignant Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine, Nathan C. qui a poignardé en début d’année deux personnes à Villejuif (Val-de-Marne) avant d’être abattu par des agents de la brigade anticriminalité (Bac).
Autre situation particulière, Pascale Casarre abattu par le GIGN en Gironde alors qu’il s’était retranché chez lui armé d’un fusil, après avoir agressé un de ses voisins. Dernièrement, Fabien Badaroux, est tué à Avignon après avoir agressé avec une arme de poing un chef d’entreprise d’origine maghrébine.
Lors d’interventions plus classiques, et parfois controversées, quatre personnes ont été tuées alors qu’elles étaient potentiellement armées (les versions policières et de certains témoins peuvent diverger), dont trois d’une arme blanche. En février, à Mayotte, la Bac tire sur un homme muni d’une matraque qui agressait une tierce personne. L’agent auteur du coup de feu a été placé en garde à vue, puis sous le statut de témoin assisté.
Les versions divergent autour de la mort de Mehdi Bourogaa, tué le 22 février par un membre la Bac à Marseille. Arrivés dans la cité des Maronniers suite à une tentative de braquage d’un supermarché, les policiers auraient été « mis en joue par un des malfaiteurs armés d’un fusil », d’après le parquet. Ce récit est contesté par plusieurs témoins de la scène. Selon ces derniers, le jeune homme avait son arme pointée vers le sol et a été « menotté et roué de coups » avant de mourir [1]. Malgré ces divergences, l’enquête de l’IGPN est classée sans suite pour légitime défense, huit mois après les faits.
SOUTENEZ UNE INFORMATION INDÉPENDANTE
Le 4 avril, Jimmy B., un Réunionnais de 47 ans, meurt dans son appartement toulousain sous les balles de policiers appelés en raison de possibles violences conjugales. L’homme était-il armé au moment de s’effondrer ? Selon la presse, cet ancien légionnaire « alcoolisé » se serait rué sur les fonctionnaires muni d’un couteau. La compagne du défunt, présente sur les lieux, dit n’avoir jamais vu une telle arme. Son avocat demande pourquoi avoir usé d’une arme à feu. L’Inspection générale de la police nationale (IGPN) est saisie.
Le 14 avril, Zar Muhammad Miakhil, un demandeur d’asile Afghan, est tué dans le Parc de La Courneuve (Seine-Saint-Denis). Souffrant de troubles psychologiques et ne parlant pas français, Zar Muhammad se serait jeté sur une patrouille avec son couteau avant d’être atteint de trois balles sur les cinq tirées par les fonctionnaires. « La police pouvait cibler sa jambe. Il faut une enquête complète pour comprendre pourquoi il a été tué », interpelle le frère de la victime auprès de Streetpress. L’IGPN a été saisie.
Deux personnes n’étaient pas armés au moment où les forces de l’ordre ont ouvert le feu. Olivio Gomes, 28 ans, est atteint de trois balles dans l’épaule et l’omoplate. L’agent de la Bac a tiré alors qu’Olivio se trouvait dans son véhicule en bas de chez lui, à Poissy. Alors que la Bac voulait interpeller Olivio, celui-ci aurait redémarré en « mettant en danger » le policier. Cette version est rapidement remise en cause par les expertises balistiques et les proches de la victime, interrogés par la journaliste Sihame Assbague. Fait rare, l’auteur du coup de feu est mis en examen pour « homicide volontaire ».
À ce sujet : Gaye Camara, Olivio Gomes, Ibrahima Bah : trois jeunes tués par la police dans des circonstances troubles |
Autre affaire : un routier intérimaire qui s’est soustrait à un contrôle des forces de l’ordre, près de Montauban, n’était pas armé. Il a été tué de deux balles par un gendarme qui tentait de stopper sa fuite. [2].
L’année a tristement commencé en janvier avec l’agonie filmée de Cédric Chouviat. La mort de ce livreur de 43 ans, asphyxié suite une « fracture du larynx », a relancé la polémique sur les gestes et techniques d’immobilisation, comme la clef d’étranglement ou le plaquage ventral (Lire ici). Les derniers éléments dévoilent qu’il a répété sept fois « j’étouffe » avant de succomber.
Ce drame n’empêchera pas le décès, deux mois plus tard, de Mohamed Gabsi, dans des conditions similaires. Étouffé par des policiers municipaux de Béziers, ce père de famille, âgé de 33 ans, que les médias vont présenter comme sans-abri, est maintenu au sol, menotté, pendant plusieurs minutes avant d’être transporté au commissariat où, inconscient, les pompiers ne peuvent le réanimer. L’autopsie, en partie occultée par les autorités, mentionne une « asphyxie » causée par la méthode d’interpellation.
Cinq personnes ont également péri alors qu’elles se trouvaient en cellule, dans des circonstances troubles. La plupart de ces affaires se sont déroulées pendant le premier confinement.
« Le fonctionnaire de police ayant la garde d’une personne dont l’état nécessite des soins doit faire appel au personnel médical et, le cas échéant, prendre des mesures pour protéger la vie et la santé de cette personne », précise le code déontologie de la police nationale. |
Le 15 avril, un sexagénaire placé en garde à vue pour état d’ivresse à Rouen, aurait fait un malaise lorsque les policiers seraient venus le chercher pour l’auditionner. Selon le procureur, l’autopsie « n’a pas mis en évidence d’intervention extérieure ». Circonstance similaire le 10 avril pour un homme dans une gendarmerie de Sorgues (Vaucluse).
Le 28 avril, Dine Benyahia, souffrant d’asthme, succombe dans une cellule de dégrisement du commissariat d’Albi. Son père a porté plainte. Le 1er mai, Romain B., interpellé en bas de chez lui en état d’ébriété à Saint-Denis, dans le nord de Paris, est emmené au commissariat et placé en cellule de dégrisement. À 1 h 30 du matin, son corps est découvert inanimé. Sa famille porte plainte pour « non-assistance à personne en danger ». Une enquête est menée par les fonctionnaires du commissariat où est décédée la victime...
Le 23 août, Toufik Sahar, de nationalité algérienne, meurt dans des conditions troubles au commissariat central de Lille-Sud. Selon les informations du journal lillois La Brique, la famille aurait été contrainte de reconnaître le corps sur la base de photographies en raison du coronavirus.