En conclusion de sa "Conférence sociale", le gouvernement envisage déjà une mesure censée répondre à une préoccupation centrale des libéraux : diminuer le coût du travail. Il s'agirait de réduire les cotisations patronales pour les transférer vers la CSG, qui rappelons-le est un impôt touchant tous les revenus - ce qui la fait apparaître comme plus juste que la TVA par exemple -, et qui s'apparente à une cotisation sociale - prélevée sur le salaire brut, elle est affectée aux prestations sociales.
Cette mesure correspond parfaitement à l'orthodoxie néolibérale, ce qui la rend inefficace économiquement et injuste socialement. Les cotisations salariales représentent 30 % des cotisations sociales, les cotisations patronales 70 %. Les recettes de la CSG se répartissent tout autrement : 75 % proviennent des salaires, 15 % des retraites et allocations chômage et 10 % seulement sont versés par les revenus du capital. Ainsi, transférer vers la CSG le financement de la protection sociale revient à le faire peser à 90 % sur les salariés, les retraités et les chômeurs !
Le gouvernement demeure prisonnier d'un raisonnement libéral qui n'a jamais prouvé sa pertinence : le chômage serait dû à un coût du travail excessif ; en d'autres termes, pour créer des emplois, il faudrait diminuer les "charges sociales" des employeurs. En réalité, les cotisations sociales constituent un salaire indirect, qui contribue à l'activité économique et à l'emploi.
La Sécurité sociale financée par les cotisations a permis de consolider la condition des salariés, en faisant participer les employeurs à la couverture des besoins sociaux d'un pays développé : assurance maladie, allocations familiales, retraites, plus tard allocations chômage... Cette citoyenneté sociale a été l'un des piliers du plein-emploi et de la croissance durant les Trente Glorieuses.
Au contraire, un financement de la "Sécu" quasi-exclusivement par les contribuables affaiblirait leur pouvoir d'achat et aggraverait la récession et le chômage, conséquences inévitables des politiques d'austérité salariale. Plutôt que d'exonérer les employeurs de leurs responsabilités sociales, il serait plus judicieux d'explorer d'autres pistes : élargir l'assiette des cotisations patronales (en les faisant reposer aussi sur le capital, et pas seulement sur la masse salariale), ou encore taxer davantage les bénéfices non réinvestis afin de financer la protection sociale - qui sera de plus en plus coûteuse à l'avenir, ce qui est parfaitement légitime. Les employeurs ne sont pas seulement redevables envers leurs actionnaires. Ils doivent prendre leur juste part dans le financement de la protection sociale, qui doit reposer sur l'ensemble des richesses produites, et non sur les seuls salariés.
ERIC BARBOT