Marianne s’est procuré des documents (voir ci-dessous) datés de fin 2011 et début 2012 qui montrent, dans le détail, l’art et la manière de mener une opération de lobbying. Rien que de très classique, selon le président de Vae Solis, Arnaud Dupui-Castérès, que nous avons contacté : « Notre métier est de permettre à toutes les parties prenantes de faire entendre leur point de vue. Dans ce dossier, la Lyonnaise n’arrivait pas à faire entendre sa voix. » Vae Solis propose pourtant de « limiter et réduire, en la discréditant sur le fond, la communication » jugée « agressive », voire « outrancière » du président de la communauté d’agglomération. En somme, de faire taire sa voix… Le cabinet préconise aussi de fournir en « informations », « éléments de langage » et « notes blanches » (sic) les opposants au projet, comme Jean-Marie Vilain, un élu du groupe UMP-Nouveau Centre de Viry, et d’œuvrer enfin « à la publication de quelques articles dans la presse nationale et locale ». Mais, comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, le cabinet de conseil, est-il écrit, « continuera à alimenter » un blog, « MonVirynature », pourtant censé être animé par un simple citoyen de Viry-Châtillon « touché par le virus de l’écologie » !
L’affaire, qui donne à voir à l’échelle locale comment agit une multinationale pour mettre sous pression un élu, prend un tour cocasse quand on constate à la lecture des documents que l’homme
devant mener le « pilotage de la mission » est… un socialiste ! Et pas n’importe lequel : Antoine Boulay, alors directeur général de Vae
Solis, est aujourd’hui… chef de cabinet du ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll ! Voilà qui fait désordre quand on sait que d’autres éminents membres du
gouvernement, comme Manuel Valls à Evry et Pierre Moscovici à Montbéliard, ont enclenché, eux aussi, le passage à une régie publique.
Antoine Boulay, lui, explique ne « plus se souvenir très bien » de cette mission ; et si son nom apparaît sur ce genre de document, il n’était pas toujours
directement à l’œuvre. D’ailleurs, il explique avoir choisi « de changer de vie » et se dit aujourd’hui « content de ne plus avoir de clients » et
« d’œuvrer à l’intérêt général » !
« Œuvrer à l’intérêt général », c’est aussi ce que Gabriel Amard pense avoir fait sur son territoire. L’élu se montre finalement peu surpris d’avoir été l’objet d’une telle
attention de la part de la Lyonnaise des eaux : « Je les comprends. A chaque fois qu’ils ont tenté de nous barrer la route, ils se sont cassés les dents. Moralement, ça devait être
dur pour eux ! » En revanche, sur le cas Boulay, Amard se montre beaucoup moins compréhensif : « C’est l’exemple même du compromis intellectuel auquel s’adonnent
certains socialistes… »