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21 février 2021 7 21 /02 /février /2021 01:35

Biographie sommaire plus d’une centaine d’année après sa disparition le 9 janvier 1905 et un cortège funèbre immense le 21 janvier 1905.

De tous les personnages de la Commune de Paris, Louise Michel est la première femme à avoir triomphé de la conspiration du silence et de l’oubli.

Combattante, oratrice, éducatrice, poète, accusée transformant les tribunaux en tribune, elle campe un personnage qui servira de référence à toutes les révolutionnaires d’idéologies diverses depuis la fin du 19e Siècle jusqu’à nos jours.

Louise Michel naît à Vroncourt (Haute-Marne), le 29 Mai 1830. Fille d’une servante, elle est née au château appartenant à la Mr et Mme Demahis qui l’éduquent dans la connaissance des Lumières et le souvenir de la Première République.

Cette éducation lui fera prendre conscience d’abord de l’injustice, puis de la nécessité de la combattre.

En 1853, elle devient institutrice mais elle refuse de prêter serment à l’Empereur Napoléon III. Elle enseignera donc dans des écoles « libres », c’est-à-dire sans lien avec le pouvoir, d’abord en Haute-Marne, puis à Paris à partir de 1856.

Ses méthodes pédagogiques s’inspirent de quelques grands principes : l’école doit être pour tous, pas de différence entre les sexes, nécessité d’une éducation à la sexualité, l’enseignant doit en permanence accroître son savoir.

Sur ces idées, elle rencontre tout ce que Paris compte de républicains et l’avant-garde socialiste.

En 1870, après la défaite de Napoléon III, Louise Michel se bat pour une République démocratique, inspirée de la Convention de l’an II, et sociale dans le prolongement de juin 1848.

Elle sera de tous les combats pour la défense de Paris et pour réclamer l’élection de la Commune. Elle préside le Comité de vigilance des femmes de Montmartre.

Le 18 Mars 1871, elle est au premier rang des femmes de Montmartre qui mettent en échec la tentative de Thiers de s’emparer des canons de la Garde Nationale.

Pendant la Commune, elle combat dans la Garde nationale. Elle se bat sur les barricades de la Semaine sanglante. Le 24 mai, sa mère ayant été prise en otage par les Versaillais, elle se constitue prisonnière. Elle connaîtra l’horreur des prisons de Satory et des Chantiers à Versailles.

Le 16 Décembre, elle passe devant un Conseil de guerre qu’elle transforme en tribune pour la défense de la révolution sociale. Elle est condamnée à la déportation dans une enceinte fortifiée. Elle est incarcérée à la prison d’Auberives en (Haute-Marne), jusqu’à son départ pour la Nouvelle Calédonie le 24 août 1873 où elle arrive le 8 décembre.

Au bagne, elle reprend son travail d’institutrice auprès des Canaques. Elle les approuve quand ils se révoltent contre la colonisation. Elle se prend de sympathie pour les Algériens déportés après leur révolte de 1871.

Libérée après la loi d’amnistie du 12 Juillet 1880, elle revient en France où elle débarque à Dieppe le 9 Novembre et est accueillie triomphalement à Paris, gare Saint-Lazare.

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Elle reprend son action révolutionnaire marquée par sa fidélité aux idéaux de la Commune de Paris. Elle est devenue anarchiste pendant sa déportation ce qui ne l’empêche pas d’entretenir des relations courtoises avec ses anciens compagnons d’armes engagés dans la propagation du socialisme. Jusqu’à la fin de sa vie elle ira de ville en ville porter la parole révolutionnaire ce qui lui vaudra de séjourner à nouveau en prison à plusieurs reprises.

Elle décède le 9 janvier 1905 à Marseille après une ultime réunion publique. Le 21 janvier 1905, une foule considérable suit son cortège funèbre de la gare de Lyon à Paris jusqu’au cimetière de Levallois où elle est inhumée a côté de sa mère.

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9 janvier 2021 6 09 /01 /janvier /2021 02:36

RÉPUBLICAINEMENT VÔTRE

L’éducation populaire mise au pas

 

paru dans CQFD n°193 (décembre 2020), par Tom Vieillefond, illustré par 
mis en ligne le 30/12/2020 - commentaires

Parce qu’elles sont soumises à un contrôle accru et à un conditionnement de leur financement, certaines associations d’éducation populaire finissent par accompagner l’État dans ses dérives réactionnaires. Du soutien au Service national universel à la ratification d’une déclaration contre le « séparatisme », l’éduc’ pop’ prend l’eau.

Par Clément Buée {JPEG}

« Un dialogue de sourds » : c’est par ces mots que la Fédération des centres sociaux (FCSF) décrit sur son site la rencontre qu’elle a organisée en octobre entre la secrétaire d’État à la Jeunesse et une centaine de jeunes de toute la France. Réunis à Poitiers, ces derniers ont reçu la visite de Sarah El Haïry à l’issue de trois jours de débats sur « la place des religions dans la société ». Le rendez-vous a rapidement tourné au fiasco.

D’un côté, des adolescent·es et des jeunes adultes dénonçant les discriminations dont ils sont victimes ; de l’autre, Sarah El Haïry qui crée le malaise en déroulant un catéchisme pseudo-républicain hors-sol [1], avant de tenter de couper court au débat en entonnant La Marseillaise devant une salle incrédule.

Avec ses collègues de La Boîte sans projet, une association d’éducation populaire basée à Amiens, Romain Ladent a animé des ateliers pendant cette semaine de débats.

Il raconte : « La secrétaire d’État ne s’attendait visiblement pas à trouver en face d’elle des jeunes qui s’interrogent sur les contours des règles sur la laïcité, qui pointent du doigt des incohérences, en argumentant. Pourquoi sont-ils autorisés à porter des signes religieux dans un centre social ou un lycée privé, mais pas dans un établissement public  ? Quand ils ont parlé de discriminations liées à leur couleur de peau et à leur religion, elle s’est enfermée dans le déni, alors que les jeunes cherchaient à montrer qu’ils ne témoignaient pas d’exemples individuels, mais d’une réalité structurelle. »

Répression des associations

Sarah El Haïry pensait sans doute arriver en terrain conquis. Deux jours plus tôt, le 20 octobre, elle avait obtenu des principales associations et fédérations d’éducation populaire (dont la FCSF) qu’elles signent une déclaration commune « afin de renforcer leur action dans la lutte contre le séparatisme ».

Une vingtaine de poids lourds du secteur se sont ainsi embarqués dans la nouvelle croisade du gouvernement contre le « repli communautaire », qui vise explicitement la pratique de l’islam en France et doit bientôt donner lieu à la présentation d’un projet de loi « confortant les principes républicains ».

C’est d’ailleurs sous prétexte de comprendre comment les jeunes de Poitiers avaient pu tenir des propos « pas adaptés à notre pacte républicain » [2] que la secrétaire d’État a diligenté une inspection contre la Fédération des centres sociaux et La Boîte sans projet.

Pour Romain Ladent, ce genre de réaction n’a rien de nouveau, mais témoigne du contrôle institutionnel qui s’exerce sur les pratiques associatives. Un contrôle qui peut se traduire par une forte répression [3] quand sont abordées des questions jugées trop sensibles – ici, la laïcité.

C’est ce que documente le sociologue Julien Talpin dans son livre Bâillonner les quartiers [4], où sont notamment évoqués la marginalisation puis la suppression de l’agrément Caf d’un centre social de la banlieue bordelaise au sein duquel des jeunes s’étaient emparés de la question des discriminations systémiques.

Le cadre est posé : d’une part, en signant la déclaration du 20 octobre, les fédérations d’éducation populaire s’engagent à « aider les populations à retrouver fierté dans la Nation et confiance dans la République » ; d’autre part, interdiction est faite de questionner les contours de ce « socle républicain » ou la réalité de la mise en œuvre des promesses d’égalité qui y sont associées.

Au garde-à-vous !

Ce n’est pas la première fois que le secteur de l’éduc’ pop’ s’aligne sur les orientations idéologiques de l’État, voire accompagne ses lubies réactionnaires. Le soutien apporté par de grosses structures au Service national universel (SNU), qui vise à faire enfiler un uniforme à tous les jeunes de 15 à 17 ans pour leur donner le goût de la citoyenneté, avait entraîné de vives critiques.

Les Ceméa Pays-de-Loire, acteurs historiques de l’éducation populaire, avaient fermement dénoncé le dispositif, faisant valoir que la logique militariste du SNU était incompatible avec les objectifs d’émancipation qu’ils se fixaient. Le syndicat Asso accusait le secteur de l’éduc’ pop’ d’être devenu « un vassal de l’État sans éthique ni ligne directrice », tandis qu’EPA (syndicat unitaire de l’éducation populaire, de l’action sociale, socioculturelle et sportive) contestait toute dimension éducative ou émancipatrice au projet.

Cela n’a pas empêché des structures comme l’Afev (dédiée à l’accompagnement scolaire) ou la Ligue de l’enseignement de participer au dispositif. Cette dernière s’est notamment impliquée dans le recrutement des encadrants nécessaires au déroulement des « séjours de cohésion », la phase initiale du SNU pendant laquelle les recrues doivent se fader deux semaines d’internat.

Apparemment, du statut d’animateur au grade fantoche de « capitaine de compagnie », il n’y a qu’un pas – que la Ligue a choisi de franchir. Du côté de l’Afev, la participation au SNU s’est notamment traduite par l’animation de modules sur la notion d’engagement. Christophe Paris, le directeur général de l’association, un ancien objecteur de conscience, ne semble pas gêné par l’idée d’imposer à toute une classe d’âge de saluer le drapeau chaque matin.

Chantage aux financements

Avec ses 430 000 associations, ses 680 000 salariés et ses 6 millions de bénévoles déclarés, l’éducation populaire est un secteur qui pèse lourd et brasse large, de la formation d’animateurs / animatrices à la gestion de centres sociaux, en passant par l’organisation de colonies de vacances. Au fil de son institutionnalisation et de sa professionnalisation, il s’est retrouvé à gérer pour le compte de l’État un nombre croissant de politiques publiques, ce qui s’est traduit par un double phénomène : une dépendance économique et une dépolitisation des pratiques.

Cette dépendance s’est accrue à mesure que se développait une logique de financement par projets, conditionnant les moyens des associations à leur capacité à répondre aux appels d’offres des institutions. C’est sans doute cette situation de dépendance aux financements publics qui explique la collaboration des grosses structures à des projets comme le SNU ou la ratification de déclarations comme celle « contre le séparatisme ».

La signature de ce genre de chartes par les dirigeant·es d’associations et de fédérations n’entraîne pas forcément d’évolution dans les pratiques, et leur contenu n’est pas forcément rediffusé vers les structures locales. Mais elles produisent tout de même des effets. En 2017, la Région Île-de-France, dirigée par le parti Les Républicains, avait élaboré une « charte des valeurs de la République et de la laïcité », conditionnant ses financements à la signature du document.

À l’époque, le Collectif des associations citoyennes (qui lutte contre l’instrumentalisation des associations) avait dénoncé un texte illégal et inutile « qui transforme un principe de liberté [la laïcité] en une série d’interdits et un principe de discrimination » et appelait à refuser de signer cette charte. Refus qui, pour un centre social parisien, s’était traduit par la perte d’une subvention de 18 000 €, selon un animateur.

Beaucoup d’autres associations avaient signé, pour éviter ce genre de mesure de rétorsion. Une charte du même type, qui s’appliquerait à l’échelle nationale, est en cours d’élaboration par les services de la ministre déléguée à la Citoyenneté, Marlène Schiappa.

Et les jeunes de Poitiers, dans tout ça ? La contre-offensive menée par la secrétaire d’État suite à sa prestation catastrophique a rendu inaudibles les propositions qu’ils avaient élaborées pendant leurs rencontres.

Pire, elles ont été instrumentalisées pour en remettre une couche sur la nécessité d’une loi contre le séparatisme, alors qu’il était simplement question d’agir contre les discriminations dans l’espace public, scolaire et médiatique. Des enjeux apparemment secondaires : la seule chose à sauver, ce sont les valeurs de la République.

Tom Vieillefond

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27 octobre 2018 6 27 /10 /octobre /2018 23:20

 

Le maoïsme libertaire de VLR
Dans le bouillonnement des années 1968, le gauchisme se renouvelle. Le souffle libertaire de VLR embrasse toutes les luttes pour bouleverser la vie quotidienne.
 

 

Dès 1970 apparaît le journal Tout ! Son style humoristique et provocateur tranche avec le discours du gauchisme militant. Le « nouveau journal de la gauche révolutionnaire » puise dans l’anarchisme et surréalisme, mais surtout dans la culture underground américaine.

 

Dans l’esprit de Mai 68, Tout ! propose une révolution de la vie quotidienne contre la routine capitaliste abrutissante du « métro-boulot-dodo ». Deux ans après Mai 68, le président Pompidou s’engage dans une modernisation industrielle et bénéficie d’une forte croissance économique. Raymond Marcellin, ministre de l’Intérieur, s’inquiète de l’agitation gauchiste. Les groupuscules trotskistes, maoïstes ou anarchistes gagnent en influence.

 

Vive la Révolution (VLR) évolue à partir du maoïsme pour incarner une mouvance « spontanéiste ». Tout !, l’organe de presse de VLR, s’adresse à un large public. Ce journal réinvente les mouvements sociaux. Il s’appuie sur la plume de Guy Hocquenghem et sur le soutien prestigieux de Jean-Paul Sartre. Ce journal disparaît dès 1971. Mais il incarne la révolte de la France du début des années 1970. La presse alternative évoque de nouveaux thèmes comme la libération sexuelle, l’écologie, l’immigration, l’antipsychiatrie, les prisons et tous les nouveaux mouvements sociaux. L’historien Manus McGrogan retrace cette aventure dans le livre Tout ! Gauchisme, contre-culture et presse alternative dans l’après-Mai 68.

 

         

 

                           <em>Tout ! Gauchisme, contre-culture et presse alternative dans l’après-mai 68</em>

 

 

 

Autonomie des luttes

 

La révolte de Mai 68 explose la pacification sociale. A Nanterre émerge le mouvement du 22 mars qui dénonce la répression sexuelle. La révolte s’embrase. Les comités d’action se multiplient et les relations humaines sont bouleversées. Le journal Action et les affiches des écoles d’art expriment un désir de liberté contre la censure.

 

L’explosion sociale secoue également les groupuscules gauchistes et remet en cause leur posture d’avant-garde qui doit guider le peuple. La révolte spontanée s’organise au contraire en dehors des partis. La classe ouvrière rejoint le mouvement.

 

Une grande vague de grèves paralyse l’économie. C’est l’action spontanée des travailleurs qui guide le mouvement. Les vieux schémas léninistes volent en éclats. Mai 68 apparaît également comme une grande fête. Une humeur joyeuse se propage. Les hiérarchies, les statuts et les positions sociales sont remis en cause. Tout le monde discute à égalité.

 

Après le mouvement, Roland Castro et Tiennot Grumbach s’éloignent des maoïstes de l’UJCml et de leur dogmatisme autoritaire. Les trotskistes de la JCR excluent sa tendance « sexy et drôle » qui participe au comité de Censier. Pour ces militants, la révolution sociale doit aussi s’accompagner d’une révolution culturelle qui bouleverse aussi les relations humaines.

 

A Nanterre, Roland Castro crée le groupe Vive le communiste (VLC) pour prolonger l’agitation étudiante. Mais il entend également se tourner vers le prolétariat et les immigrés qui vivent dans le bidonville près de l’université. L’autodérision et la spontanéité tranchent avec le dogmatisme rigide des maoïstes de la Gauche prolétarienne (GP). VLC valorise l’action directe avec des occupations et des perturbations de cours. L’objectif n’est pas de construire une organisation mais de permettre la résurrection d’un mouvement.

 

Le groupe de Censier valorise une « révolution de la vie quotidienne » inspirée par le philosophe Henri Lefebvre. La révolution culturelle se développe également à l’université de Vincennes. « C’était le désir de révolution, pas simplement pour changer la politique, c’était pour changer la vie », témoigne Jean-Paul Dollé. La critique sociale du marxisme doit fusionner avec les mouvements artistiques comme les surréalistes ou les situationnistes. Ce maoïsme libertaire devient influent dans les universités, mais aussi dans les lycées. VLC se lie avec ces diverses composantes pour devenir VLR.

 

 

Les luttes des immigrés sont considérées comme centrales dans la lutte des classes. Les ouvriers immigrés sont considérés comme les plus exploités. VLR participe à l’occupation des locaux du CNPF (Centre national du patronat français). Surtout, VLR organise une occupation de la mairie de Meulan et prend des documents qui montrent l’existence d’un trafic sur le dos des immigrés. A la fac de Nanterre, les étudiants ouvrent une crèche et un restaurant gratuit pour le public du bidonville voisin.

 

VLR s’inspire de mouvements étrangers. Le mouvement autonome italien incarne une radicalité nouvelle. Des grèves sauvages se développent en dehors des syndicats. Lotta continua (LC), organisation italienne proche de VLR, propose des pratiques nouvelles avec des assemblées pour impulser les luttes. Les ouvriers sont aussi nombreux que les étudiants. « Ce que nous voulons : tout », devient un slogan qui va inspirer VLR. Les Black Panthers radicalisent la lutte afro-américaine. VLR s’inspire de leurs crèches et repas gratuits. 

 

La presse underground américaine valorise la libération sexuelle. Guy Hocquenghem, mal vu en raison de son homosexualité, dénonce le conformisme gauchiste imprégné de morale bourgeoise. Les femmes se réunissent entre elles pour ne pas subir les petits chefs. Ce sont souvent les hommes qui monopolisent la parole et les rôles publics. VLR relie contre-culture et contestation, notamment avec l’organisation d’un concert sauvage.

 

 

 

Contre-culture

 

VLR lance le journal Tout ! Ce média doit rompre avec le langage et l’esthétique gauchiste. Ce journal devient particulièrement coloré. Le ton privilégie le sarcasme et la satire. Les grèves ouvrières apparaissent comme des moments de joie qui expriment un refus du travail. « L’équipe cherche à dénoncer le ronron de la vie quotidienne sous la domination du capitalisme français et à suggérer d’autres formes de résistances et de modes de vie », décrit Manus McGrogan. Tout ! donne la parole à toutes les luttes sauvages qui brisent la routine du quotidien. L’école, la famille ou les loisirs sont remis en cause. Cette critique de la vie quotidienne tranche avec les revendications gauchistes traditionnelles.

 

Deux sensibilités s’expriment dans le journal. Roland Castro s’appuie sur l’action autonome de la classe ouvrière, dans le sillage de Mai 68. Guy Hocquenghem valorise le sabotage et la paresse. Le journal tente alors de relier lutte collective et libération individuelle, transformer le monde et changer la vie. Nourrit par la contre-culture américaine, Tout ! se penche sur l’écologie, la drogue, la sexualité, la jeunesse, la famille, l’antipsychiatrie.

 

Les dessins de Crumb, figure de la BD alternative américaine, ou les caricatures des dessinateurs politiques du magazine satirique Hara-Kiri Hebdo illustrent Tout ! Dessins humoristiques et slogans provocateurs incarnent le style subversif du journal. Les articles restent anonymes tandis qu’une centaine de personnes discutent en assemblée ouverte des textes et de l’orientation du journal.

 

 

Tout ! ne cesse d’attaquer l’Etat et le capitalisme. Des patrons et des exploiteurs sont ciblés. Ensuite, le conservatisme des syndicats est critiqué. L’autonomie des travailleurs est valorisée. « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes », devient le slogan reprit de l’Association internationale des travailleurs (AIT). En revanche, les syndicats, notamment la CGT, sont perçus comme les alliés des patrons. Les assemblées d’ouvriers doivent décider de l’orientation de la lutte, et non les délégués syndicaux.

 

Tout ! critique la récupération du rock pour mieux valoriser des festivals sauvages et non commerciaux. La Force de libération et d’intervention pop (FLIP) dénonce l’industrie musicale et les artistes « vendus ». Les jeunes de VLR créent le Front de libération de la jeunesse (FLJ) en 1970. Ils parviennent à entrer de force dans un concert pour dénoncer le prix des billets.

 

Des articles sont consacrés aux yippies qui mêlent théâtre et politique. Ils jettent des billets pour ridiculiser les traders de Wall Street. L’action directe et l’humour leur donne un style qui tranche avec le gauchisme français. Mais VLR ne tente pas d’importer un modèle. Il faut agir par rapport à la situation en France. VLR semble mitigé à l’égard des Weather underground, ces étudiants américains qui passent à la lutte armée.

 

 

 

Sortir du gauchisme

 

Tout ! tente de sortir du gauchisme. Les militants apparaissent prétentieux, égocentriques et coupés du reste de la population. La critique de la vie quotidienne doit permettre de sortir des vieilles revendications. VLR ne se focalise pas sur les luttes sur le lieu de travail mais évoque toutes les révoltes autonomes. Néanmoins, la dimension festive de VLR est jugée avec mépris par les autres gauchistes.

 

Henri Weber, alors dirigeant de la LCR, estime qu’il faut construire une organisation révolutionnaire. Mais les nombreuses ventes de Tout ! impressionnent. Le journal trouve un public qui dépasse largement le petit milieu gauchiste.

 

Mais VLR est également contesté de l’intérieur. Le Mouvement de libération des femmes (MLF) publie dans Tout ! une charge contre le militantisme machiste. Le texte tourne en dérision les références au leadership, à la hiérarchie et aux diverses prouesses intellectuelles ou guerrières.

 

Le MLF soutient également les grèves des ouvrières. La lutte pour l’avortement devient centrale. Mais certaines femmes quittent VLR à cause du pouvoir de chefs gauchistes comme Roland Castro. Néanmoins, Tout ! continue de publier des textes du MLF.

 

Le numéro 12 de Tout ! est consacré à la libération des corps. Les luttes des homosexuels attaquent les tabous et les normes sociales. Mais VLR finit pas s’auto-dissoudre. La révolte du quotidien est devenue une multiplicité de divers mouvements autonomes les uns des autres. La dimension globale semble disparaître.

 

La disparition de Tout ! se traduit dans les nouveaux mouvements sociaux. Sans perspective politique, les militants ouvriers de Flins rejoignent la CFDT. Des rédacteurs de Tout ! composent le pôle désirant du journal Libération. Ensuite, de nouveaux titres apparaissent. Une presse de la libération sexuelle se développe. Le journal du MLF, Le torchon brûle, valorise la subjectivité et le plaisir fémininLe fléau social reprend une esthétique colorée et un style humoristique pour évoquer la lutte homosexuelle. L’antinorm semble plus théorique, à travers des références au marxisme et aux théories de Wilhelm Reich.

 

 

 

 

 

Limites de l’après 68

 

Le livre de Manus McGrogan permet une présentation complète de VLR et du journal Tout ! Si ce groupe mythique reste incontournable dans l’après 68, c’est le premier livre qui lui est entièrement consacré. VLR reste le mouvement qui reflète le mieux l’esprit libertaire des années 1968.

 

VLR propose une démarche politique particulièrement séduisante. Ce groupe s’appuie sur la spontanéité des luttes plutôt que sur la volonté de construire un parti. L’auto-organisation, la créativité et la spontanéité doivent prédominer. Ces sources intellectuelles puisent dans le meilleur de la contestation des années 1968.

 

VLR se réfère à l’autonomie ouvrière qui secoue l’Italie. La lutte des classes doit sortir des partis et des syndicats. Ensuite, VLR se réfère à toute la culture underground américaine. Il en puise un individualisme libertaire qui remet en cause les normes et les contraintes sociales, mais aussi les institutions capitalistes comme le travail ou la famille. Le style provocateur et la critique de la vie quotidienne reflètent également l’influence situationniste.

 

 

Néanmoins, VLR accompagne aussi les dérives du gauchisme. Malgré son style qui tranche avec le militantisme traditionnel, VLR se soumet à l’air du temps d’une jeunesse radicalisée. VLR ne se centre plus autour de la classe ouvrière. Les mouvements sociaux ne se cantonnent plus dans les usines. Les luttes des femmes, des homosexuels, des jeunes, des écologistes ne se réduisent pas aux rapports sociaux d’exploitation. VLR a permis l’éclosion de ces nouvelles luttes.

 

Néanmoins, la valorisation des marges ne permet plus de s’adresser à l’ensemble des classes populaires. Le public de Tout ! reste surtout jeune et cultivé. Malgré son succès, le journal s’adresse à un lectorat spécifique.

 

Ensuite, l’individualisme libertaire de Tout ! comprend quelques ambiguïtés. Changer la vie devient progressivement changer sa propre vie. Ce ne sont plus les luttes sociales qui doivent permettre de transformer le monde et la vie quotidienne. C’est à chaque individu de réenchanter sa propose existence à travers les communautés et un style de vie rebelle.

 

La critique de l’austérité militante ne doit pas devenir une fin en soi. L’alternativisme semble alors prédominer. Le reflux des luttes sociales renforce cette tendance. Lorsque les grèves échouent, les militants se replient sur leur communauté. A défaut de changer le monde, ils préfèrent expérimenter des modes de vie alternatifs.

 

 

VLR subit également son absence de perspective globale. La critique de l’ordre existant est décapante, mais les propositions politiques n’émergent pas. Comment changer le monde n’est pas la question centrale de Tout ! C’est sans doute la principale cause de la disparition de VLR. Sans perspective de changement global, le mouvement se fond dans diverses luttes spécialisées et séparées.

 

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19 octobre 2018 5 19 /10 /octobre /2018 23:20

Il y a 40 ans, les travailleurs et travailleuses de Lip venaient d’être expulsés par la police. Le gouvernement et le patronat ne pouvaient plus supporter plus longtemps la prise de possession par ces salariés de leur usine. Pour lutter contre les licenciements, ils avaient décidé d’être en grève, d’occuper l’usine, mais en plus de fabriquer, vendre des montres et se payer.

Plus qu’une grève classique, ils montraient en pratique qu’ils pouvaient faire tourner l’entreprise sans patron, ils avaient osé bafouer l’autorité patronale, la justice faite pour la classe dominante. Et pourtant, comme l’écrit un texte collectif de salariés de Lip datant de 1975 : « Les acteurs de cette lutte étaient des travailleurs ‘‘moyens’’, c’est-à-dire un peu syndicalisés, pas du tout politisés (pour la grande masse), de toute façon très marqués par les idées dominantes de la société bourgeoise dans presque tous les domaines.

« On comprend mieux alors combien, à chaque heurt, à chaque frottement avec les rouages de cette société, des pans entiers de leur façon de voir vacillaient. Toutes les idées intériorisées étaient bouleversées. Tout arrivait très vite et de tous les côtés: interrogation sur l’information diffusée par les organes d’information, presse-télé-radio; à quoi sert un député ?

Est-ce possible qu’un préfet nous raconte des histoires, tienne des propos aussi peu consistants ? Et surtout, très vite, découverte qu’il n’y a rien dans l’arsenal des lois, rien du côté de l’Administration publique, aucun arbitrage sérieux.

On est seul, face à tout ; on ne peut compter que sur soi, sur la force collective. Il faut participer. A partir de là, l’autoformation s’accélère. Alors l’école de formation qu’est la lutte ouvrière marque profondément chacun de nous, éclate de tous côtés. »

Les « hors-la-loi de Palente »

Lorsque le 10 juin 1973 les Lip décident d’occuper totalement l’usine du quartier de Palente à Besançon, il y a plusieurs semaines que l’entreprise familiale passée sous le contrôle du groupe Ebauches SA a déposé le bilan. 

Avant l’occupation, les Lip ont commencé par créer le Comité d’action, structure non élue qui regroupe les travailleurs combatifs, des syndiqués CGT et CFDT et des non-syndiqués. La CFDT appuie, la CGT est contrainte d’en admettre l’existence et de le reconnaître. Le CA  va ensuite s’élargir sur la base d’une représentation des différents ateliers. C’est lui qui fait les propositions en AG, et joue un rôle majeur tout au long de la phase aiguë du conflit, en atteignant jusqu’à 130 personnes.

Les Lip décident d’abord de baisser des cadences, entre 10 et 40 % selon les jours. Ils passent autant de temps à lutter qu’à travailler. Chaque problème, chaque question est débattue sur le champ : les délégués ou des militants du CA passent avec la sono dans les ateliers. Immédiatement, les ouvriers et ouvrières stoppent le travail et engagent le débat. 

Ils manifestent en Suisse, à Besançon et à Paris. Au bout de deux jours d’occupation, lors d’une réunion de CE, ils découvrent dans la serviette d’un des administrateurs des notes sur les licenciements : « intérêt uniquement horlogerie » « larguer armement industrie mécanique », « allègement du personnel horlogerie », « 480 à dégager » et l’estimation du coût des « mouvements sociaux ». 

Les administrateurs sont séquestrés pour avoir des renseignements plus précis sur le sort de l’entreprise. Leur libération par la police fait encore monter la pression, provoque de violentes bagarres devant l’usine et une réaction sans précédent : dans la nuit, le stock de 25 000 montres, environ 500 000 millions d’anciens francs, est mis à l’abri par les grévistes dans des caches disséminées dans la région1. 

Ils vont plus loin le 18 juin : une assemblée générale historique décide la remise en route de la chaîne de montage horlogère (48 travailleurs) pour assurer « un salaire de survie ». La banderole à l’entrée de l’usine occupée affiche « C’est possible : on fabrique, on vend, on se paie ». Pour organiser la lutte, la production, les ventes, la popularisation, la sécurité, des commissions sont mises en pace, qui rendent compte devant l’assemblée générale quotidienne. 

Le soutien aux Lip est énorme. 400 CE prennent contact en une semaine pour acheter des montres. La vente est un succès : en six semaines, le chiffre d’affaires réalisé correspond à 50 % du total d’une année ordinaire. La première paie sauvage est versée aux 900 grévistes le 3 août 1973.

D’autres usines en lutte se mettent également à vendre leur production en référence à Lip, comme les ouvrières d’une confection à Cerisay. Enfin l’usine de Palente est ouverte à tous, y compris aux journalistes. Certains visiteurs participent aux assemblées générales, restent une ou plusieurs semaines. 

Le gouvernement et les patrons ne peuvent supporter. Deux moyens vont être mis en œuvre pour que cesse cette grève bien trop populaire. Ils tentent une diversion avec une négociation bidon qui essaie de diviser le front syndical puis, le 15 août, envoient les gardes mobiles investir l’usine et chasser les ouvriers2.

Plusieurs entreprises voisines (comme Rhodiaceta, la « Rhodia », dont la grève de 1967 est considérée comme annonciatrice de mai 1968) se mettent en grève par solidarité et viennent crier leur colère jusque devant les flics. Les affrontements durent trois jours3. Les Lip sont accueillis dans des locaux prêtés et continuent la production dans des ateliers clandestins puis se déplacent régulièrement : l’usine est là où sont les travailleurs ! Le 29 septembre, une marche nationale de solidarité à Besançon regroupe 100 000 personnes4, venues de toute la France et de l’étranger.

Après avoir refusé un premier protocole qui prévoyait 180 licenciements, les Lip acceptent fin janvier 1974 le second qui prévoit la réembauche progressive des 850 salariés. Après avoir distribué la septième paie sauvage, ils restituent le trésor de guerre.

Le 11 mars 1974, après 329 jours de lutte, les 135 premiers réembauchés reprennent le travail en chantant l’Internationale. Les autres suivent des stages de formation. Il faudra attendre le 31 mars 1975 pour que tous reprennent effectivement le travail. Cette phase de la lutte pour la réintégration de tous est plus souterraine et ne connaît ni la médiatisation ni l’enthousiasme de la première lutte.

 

Unité et démocratie ouvrière

Le contexte politique et social est celui du « cycle d’insubordination ouvrière »5 ouvert par 1968 et qui s’achève par la défaite des sidérurgistes en 1979. Cette séquence est notamment caractérisée par un grand nombre de luttes ouvrières dynamiques, radicales, longues, le refus de « l’ordre usinier », les débats sur le pouvoir ouvrier.

Mais c’est aussi l’histoire spécifique de cette usine qui a permis que se construise une unité profonde d’un millier de salariés dans une lutte audacieuse, tranquillement illégale et ouverte sur l’ensemble de la société. Les deux sections syndicales, CFTC puis CFDT en 1964, et CGT ont toujours entretenu de bonnes relations, et recherché l’unité. Du côté de la CFDT, la section syndicale était atypique, avec un fonctionnement très collectif et une forte autonomie vis-à-vis de la confédération. 

La grève de 1968 a été une première expérience de démocratie ouvrière en profondeur. S’installe alors une pratique systématique des assemblées générales. On présente les propositions en AG, on suspend l’AG, les gens discutent librement, puis on prend des décisions très réfléchies et très majoritaires, on élit un comité de grève.

L’obtention d’une heure d’information syndicale trimestrielle permet l’organisation de « rencontres super préparées, avec débats, pour donner l’envie de réfléchir ensemble »6. Le droit à l’affichage se traduit par un gigantesque panneau syndical de trois mètres de long et deux de haut, éclairé, qui permettait une information libre, rapide et claire pour les salariés qui passent en bus de ramassage.

« Et là nous mettons au point rapidement ce qu’on appellera l’école de la lutte. C’est simple: un atelier en grève sur le tas, deux délégués s’y rendent. Tout le monde s’assoit en cercle, souvent par terre, et le débat commence. Les salariés expliquent ce qu’ils veulent, ensemble on traduit tout cela en revendications écrites et on les discute une à une (…) les deux délégués accompagnent une représentation de l’atelier à la négociation.

A la sortie, les délégués montrent la nécessité de se concerter, d’éviter les interprétations, les paroles reflétant une vue personnelle, de découragement, etc. Un compte-rendu doit être vrai mais tonique. Au retour, l’ensemble de l’atelier juge les résultats, réfléchit, pèse le pour et le contre, se prononce sur leur mouvement. On continue ? Ou on arrête ? Comment ? Pourquoi ? Décision du groupe.»7

Ce texte collectif explique comment ces pratiques démocratiques permettent de briser les habitudes, la crainte, le respect hiérarchique. Tolérer, faciliter la prise de parole à partir de comptes rendus collectifs par exemple, et comprendre que si les AG sont nécessaires pour être nombreux, « elles ne peuvent suffire à la démocratie. Il y a lieu de multiplier les organes plus petits où l’on s’exprime davantage, plus naturellement, et où ces réflexions sont saisies et remontent à la coordination de la lutte.»

 C’est ainsi que se construisent des consensus très majoritaires, un collectif démocratique qui permettent à l’action de révéler « la capacité et l’imagination des travailleurs. L’utilisation par les travailleurs de leurs outils de travail (ceux du patron en droit) marque déjà le franchissement des barrières : un apprentissage du contrôle ouvrier. » Alors on utilise la machine à tirer les plans, puis la reproduction de tracts, puis la menuiserie pour les pancartes, puis toute l’usine !

Cette lutte radicale et imaginative a pris de court bureaucrates syndicaux comme apparatchiks des partis de gauche. Pour la CGT, c’est une lutte locale. La confédération CFDT, si elle soutient officiellement sa section syndicale, au moment où elle n’est pas avare de grandes déclarations sur l’autogestion, ne veut pas que le conflit déteigne au-delà de Besançon. Lors du congrès CFDT du 30 mai au 3 juin 1973, le secrétaire général Edmond Maire s’inquiète de la montée du « basisme » et du « gauchisme » dans le syndicat.

La lutte des Lip, qui reprendra en 1976, marquera de manière indélébile celles et ceux qui combattent pour l’émancipation sociale  et pour lesquels « vivre demain dans nos luttes d’aujourd’hui » n’est pas qu’un slogan.

Patrick Le Moal

Notes

1 Aujourd’hui encore, les Lip conservent secret le lieu où ils dissimulèrent leur trésor de guerre, car, expliquent-ils, « ça peut resservir ».

2 Les CRS occuperont l’usine jusqu’en février 1974.

3 34 condamnations seront prononcées contre les manifestants (33 ouvriers des usines bisontines et un étudiant).

4 Dont un tiers de militants d’extrême gauche .

5 Xavier Vigna, L’insubordination ouvrière dans les années 68, Presses universitaires de Rennes, 2007.

6 Texte collectif de grévistes de Lip, écrit en 1975.

7 Ibid.

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12 octobre 2018 5 12 /10 /octobre /2018 23:20

VMC : La lutte continue 32 ans après l’assassinat de Pierre Maître.

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Il y a 32 ans, en juin 1977, était assassiné devant son usine l’ouvrier Pierre Maître, deux de ses camarades grévistes étaient quant à eux grièvement blessés par les tirs des nervis d’extrême droite venus mater la grève des ouvriers de l’usine VMC (Verreries mécaniques champenoises).
Ça s’est passé à Reims.
Pierre Maître avait 32 ans, il est mort d’une balle en pleine tête.

On apprendra que les auteurs de ce crime odieux appartenaient à la CFT (Confédération française du travail), faux syndicat dissout en 77 et vrai outil de répression antisyndicale, que le grand patronat et la droite ont tenté d’implanter dans les entreprises dans les années soixante et soixante-dix.

Le chef du commando, un certain Claude Leconte, appartenait aussi au SAC (service d’ordre de la droite gaulliste fondé par Charles Pasqua) de triste mémoire.
Leconte à été condamné à 20 ans de prison, son complice à 7 ans de prison.
Lire le récit de cette journée tragique ICI.

30 ans après rien n’a vraiment changé à Reims et ailleurs, il n’y a que les méthodes du patronat qui ont évolué.

 

Jeudi 4 Juin – Devant VMC reims
Vidéo envoyée par VMC-reims

De nos jours le patronat n’assassine plus les ouvriers grévistes, il ne cherche plus a corrompre leurs syndicats,  il les précarise, il délocalise leurs usines à la recherche de nouveaux esclaves plus dociles.

30 ans après la lutte continue pour les ouvriers de VMC, leur usine sera délocalisée.
L’usine qui fait des profits devrait fermer en juillet, laissant sur le carreau 146 personnes.
Les petits pots fabriqués à Reims seraient trop chers selon le propriétaire américain de l’usine (le groupe Owens Illinois).
Chers ouvriers de VMC je ne sais que vous dire, mais je suis de tout coeur avec vous, car votre lutte est juste.

REIMS / 146 emplois en sursis
Les VMC sur la piste de repreneurs

DEPUIS l’annonce il y a à peine une quinzaine de jours de la fermeture de leur entreprise par leur direction américaine d’Owens Illinois, les 146 verriers de la rue Pierre-Maître spécialisées dans la production de bocaux et de petits pots, s’activent sans relâche, encouragés par des élus de gauche comme de droite, pour contester ce lâchage et trouver un repreneur.Les VMC avec la maire de Reims


Et hier, Eddy Lefèvre, secrétaire du CE et tout le personnel de la verrerie ne savaient plus s’ils devaient verser une larme ou retrouver le sourire. Verser une larme pour leur copain David Dervin parti en 2005 de leur usine pour celle d’à côté et victime hier d’une crise cardiaque au travail, ou retrouver le moral en apprenant que deux repreneurs s’étaient fait connaître, intéressés par l’activité petits pots.


Qui sont-ils ? Quelles sont leurs propositions ? Il est encore trop tôt pour communiquer leurs noms semble-t-il, mais un rendez-vous prévu mardi à 10 heures devrait permettre d’en savoir plus.


Toujours est-il que la partie avec leur direction d’OI prend maintenant une autre tournure. Dans une petite salle, sous le portrait de Pierre Maître, assassiné le 5 juin 1977 par un commando fasciste, ils s’en sont expliqués hier notamment avec la maire Adeline Hazan, présidente de Reims métropole accompagnée par Alain Lescouet, maire de Saint-Brice-Courcelles.


Obliger OI à vendre


« Owens Illinois veut se séparer du site de la rue Pierre-Maître pour délocaliser sa production de petits pots et de bocaux soit disant trop coûteuse à Reims sur son site du Massif Central et faire encore de plus grosses marges. Parallèlement, il raréfie la production de ce type de verre pour faire augmenter les prix. Mais il n’est pas vendeur de son usine rémoise » ont expliqué aux élus les salariés. « Il faut donc tout faire pour obliger OI à vendre. Ça ne sera pas simple. »


La maire de Reims qui a rencontré le préfet pour évoquer la situation de l’entreprise a d’ores et déjà assuré les verriers de tout faire pour qu’une solution soit trouvée. Le maintien de l’activité verre constitue la priorité, et si cela ne pouvait pas se faire, au moins d’une activité industrielle sur le site qui ne doit pas devenir une friche.


En attendant un piquet de grève auquel se sont joints femmes et enfants marque sa présence sur le site. Si certains jouent aux boules, d’autres surveillent l’outil de travail. Et pestent contre les coups de fusil qu’ils entendent la nuit du côté du quartier Saint-Charles. Qui leur rappelle de bien mauvais.


Alain MOYAT

  1. Il y a 40 ans, Pierre Maître était assassiné

05/06/2017 |

Reims. Dimanche 5 juin 1977. Au petit matin, une rafale de balles déchire la nuit et frappe un piquet de grève installé devant les Verreries Mécaniques Champenoises (VMC). Trois militants de la CGT, Serge Vermeulen, Raymond Richard et Pierre Maître, sont touchés. Ce dernier, grièvement blessé à la tête, décède quelques heures plus tard à l’hôpital. La veille dans la soirée, une première attaque, visant la banderole apposée sur les grilles de l’usine, avait été repoussée.

Le commando à l’origine du raid assassin est composé de cinq hommes, membres de l’équipe chargée de la surveillance du personnel de l’usine Citroën de Reims, adhérents de la Confédération française du travail (CFT) et, pour deux d’entre eux, du Service d’action civique (SAC), le service d’ordre du général de Gaulle et de ses successeurs.

Cet acte immonde n’est alors que le dernier en date d’une trop longue liste d’atteintes aux libertés et aux droits les plus élémentaires des travailleurs. En effet, la contre-offensive menée après les grèves de mai-juin 1968 par une frange « dure » du patronat, en particulier automobile, s’était traduite par le financement de syndicats-maison, la mise en place de milices antisyndicales et antigrèves, le flicage des salariés, la répression envers les militants syndicaux et politiques.

Un climat antisyndical

Dans cette usine de 1 750 salariés, le climat est volontiers antisyndical. Il faut dire que l’ancien préfet de police Maurice Papon, responsable de la répression sanglante des manifestations du 17 octobre 1961 et du 8 février 1962, siège au conseil d’administration de l’entreprise. Le directeur de production, formé chez Citroën, est particulièrement allergique au syndicalisme.

Le syndicat CGT, fort de ses 500 adhérents, soutient l’appel à l’organisation, à partir du 24 mai 1977 et durant six jours, d’un arrêt quotidien de travail d’une heure pour obtenir une amélioration des conditions de travail, des augmentations de salaires ainsi que le treizième mois.

La riposte de la direction ne tarde pas. Le 27 mai, elle annonce le licenciement de deux délégués syndicaux, Daniel Nouvion et Pierre Mathieu. Quelques mois plus tôt, la direction avait déjà tenté, sans succès, de mettre à la porte Henri Didion, un autre délégué syndical.

Réuni en assemblée générale, le personnel décide la grève pour le 31 mai et un piquet de grève est installé. Le lendemain, les gardes mobiles interviennent et délogent avec brutalité les grévistes et leurs familles. Le soir même, le piquet reprend sa place.

Cette détermination inquiète le patronat de la Marne qui craint que la grève ne fasse tâche d’huile, d’autant plus que les élections municipales de mars 1977 ont vu la victoire à Reims, dès le premier tour, de la coalition de gauche emmenée par le communiste Claude Lamblin.

Pour stopper nette la contestation, le patronat peut compter sur la quarantaine de membres que comptent les brigades volantes de l’usine Citroën, dont le rôle est d’assurer sur le territoire la « paix sociale » et la « liberté du travail ». Chausson, Tiss-Metal ou encore Nord-Est Alimentation furent ainsi, avant les VMC, surveillées par des commandos composés essentiellement de militants de la CFT et du SAC connus pour leur anticommunisme et leurs sympathies gaullistes.

En ce matin du 5 juin, l’opération commando pour briser la grève se solde par la mort d’un homme.

Une riposte immédiate

L’émotion est immense parmi les travailleurs et la riposte immédiate. Dès neuf heures, une première réunion de six cents personnes est organisée à l’Union locale CGT. Des représentants de la CFDT, des partis de gauche, de l’UNEF, de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC) et des Jeunesses Communistes (JC) sont présents.

À quatorze heures, les travailleurs des VMC se rendent à la manifestation. Silencieux, en rangs serrés, se tenant par le bras qu’ils ont ceint d’un brassard noir, ils viennent d’apprendre la mort de Pierre Maître. Ils peuvent compter sur la présence des deux-tiers des salariés de Citroën Reims et de délégations venues de Chausson, Saint-Gobain, Renault, Arthur-Martin, Creusot-Loire, Schlumberger, ITT-Claude. En tout, trente mille personnes défilent durant quatre heures.

À Paris, en fin de soirée, une conférence de presse est organisée par la CGT, la CFDT et la FEN pour dénoncer les agissements du commando et appeler les travailleurs à un arrêt de travail de cinq minutes le mardi 7 juin à midi. Ce jour-là, la ligne 9 du métro parisien s’arrête, tandis qu’à Montpellier ou à Sète les églises font sonner les cloches. Dans les usines Citroën et Chrysler, les débrayages sont imposants. De partout s’élève une exigence : « dissoudre la CFT et les autres milices patronales ». Tel est le sens de la demande faite par les trois centrales syndicales à Raymond Barre, premier ministre.

Le jour des obsèques de Pierre Maître, près de 50 000 personnes défilent dans les rues de Reims après avoir écouté Charles Julliard, militant CGT aux VMC et Bernard Collet, prêtre-ouvrier CGT chez BSN, une verrerie appartenant au groupe Danone.

Le gouvernement reste droit dans ses bottes et s’en tient à attendre les résultats de l’enquête. Son inaction est lourde de sens et illustre l’impunité dont bénéficient la CFT et les milices patronales.

La lutte contre la CFT et les milices patronales

La police judiciaire interpelle rapidement les membres du commando à leur domicile et les preuves s’accumulent. Pour autant, la CGT doit affronter les multiples allusions patronales et gouvernementales sur le climat de violences qu’elle aurait soi-disant alimenté par son attitude « intransigeante ».

La CGT rappelle qu’elle mène depuis 1971 une campagne conjointe avec la CFDT pour la défense et l’extension des droits et libertés des travailleurs, relancée en 1974 sur le thème de la défense des libertés syndicales. Elle dénonce plus particulièrement les activités de la Confédération Française du Travail et des milices patronales depuis 1975, à partir du travail effectué par Marcel Caille, secrétaire confédéral chargé du secteur Droits, libertés et action juridique.

Les documents reproduits, les faits relatés par la CGT témoignent du caractère pseudo-syndical de la CFT, de ses liens avec le patronat, les réseaux gaullistes ou encore avec ceux du grand banditisme. Ses agissements crapuleux ont fait l’objet, à plusieurs reprises, de dépôt de dossiers auprès du gouvernement et de parlementaires. En vain.

Si la CFT change de dénomination dès 1977, pour devenir la Confédération des Syndicats Libres (CSL), les méthodes ne changent guère. Ainsi, le 5 juillet 1977, un mois après le crime de Reims, Bechir Demir-Tas, délégué syndical CGT à l’usine Citroën Aulnay est agressé alors qu’il travaille à son poste. Après neuf jours d’hospitalisation, il apprend qu’il est mis à pied et qu’une autorisation de licenciement est demandée à l’inspection du travail pour avoir « agresser » ses agresseurs, membres de la CFT-CSL.

Le 24 novembre 1977, le procès des deux principaux accusés se clôt devant les Assises de Paris après six jours d’audience. Il est l’occasion, pour la défense, de dénoncer les visées antisyndicales et les méthodes musclées de la CFT et des milices patronales, afin que le meurtre de Pierre Maître ne se résume pas à un tragique fait divers entre grévistes et non-grévistes, comme certains le souhaiteraient.

Le tireur fut condamné à vingt ans de réclusion criminelle, le conducteur du véhicule à sept ans.

La CFT-CSL et les milices patronales perdent de leur superbe durant les années 1980, notamment après la dissolution du SAC en août 1982 et après la victoire des grèves de la dignité dans l’automobile en 1982-1984. L’action de la CGT, et dans une moindre mesure de la CFDT y est bien évidemment pour quelque chose. La CSL se mit officiellement en sommeil en 2002, bien que certains de ses syndicats existent toujours aujourd’hui.

Fin 2009, les VMC ferment leurs portes. La rue porte toujours le nom Pierre-Maître, adoptée en 1978, tandis qu’une plaque commémorative rappelle que « Le 5 juin 1977 est tombé Pierre Maître, militant de la CGT, assassiné par un commando fasciste alors qu’il luttait pour la liberté et le progrès social. »

En ces temps d’état d’urgence, de répression antisyndicale, il est important de ne pas oublier cet épisode tragique de l’histoire ouvrière.

Repères bibliographiques

Citroën par ceux qui l’ont fait. Un siècle de travail et de luttes, Ivry-Montreuil, Editions de l’Atelier – VO éditions, 2013.

Claude Angeli, Nicolas Brim, Une milice patronale : Peugeot, Paris, Maspéro, 1975.

Daniel Bouvet, L’usine de la peur, Paris, Stock, 1975.

Marcel Caille, Dominique Decèze, Les truands du patronat, Paris, Éditions sociales, 1977.

Marcel Caille, Dominique Decèze, L’assassin était chez Citroën, Paris, Éditions sociales, 1978.

Patrice Chairoff, Dossier B… comme Barbouzes, Paris, Éditions AM, 1975.

Didier Favre, Ni rouge, ni jaune, de la CGSI à la CSL, l’expérience du syndicalisme indépendant, Paris, Éditions midi moins le quart, 1998.

Robert Linhart, L’Établi, Paris, Éditions de minuit, 1978.

René Mouriaux, Syndicalisme et politique, Paris, Éditions ouvrières, 1985.

Henri Rollin, Militant chez Simca-Chrysler, Paris, Éditions sociales, 1977.

Joseph Tréhel, Un Homme de Poissy, Paris, Éditions sociales, 1982.

Xavier Vigna, L’insubordination ouvrière dans les années 68, essai d’histoire politique des usines, Rennes, PUR, 2007.

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21 septembre 2018 5 21 /09 /septembre /2018 23:20

Résistante de la première heure, Marie-Claude Vaillant-Couturier remplit tous les critères qui permettent en principe d’accéder par la panthéonisation au rang de héros national. Pourtant, les présidents français qui se succèdent semblent ignorer l’existence de celle qui fut par son engagement total une des fers de lance de la lutte antinazie et par la suite une militante acharnée au service des droits humains.

Journaliste engagée

1933, Marie-Claude Vaillant-Couturier réalise son premier reportage en Allemagne pour le magazine VU créé et dirigé par Lucien Vogel qui n’est autre que son père. Ce travail effectué dans la clandestinité fut intitulé « Vu explore incognito le IIIe Reich ». Seulement quelques temps après l’accession d’Hitler au pouvoir, cet exposé composé de photos prise par Marie-Claude permit de mettre en évidence la réalité des deux premiers camps de concentration nazis que furent Dachau et Oranienburg.

A l’automne 1937, elle épouse celui dont elle portera le nom toute sa vie Paul-Charles Vaillant-Couturier, journaliste, homme politique et rédacteur en chef du journal L’Humanité. Ce dernier sera blessé une première fois par un éclat d’obus en septembre 1915, et une seconde fois en 1918, par une attaque au gaz.

Ces évènements le conforteront dans ses convictions pacifistes. Surmené, Paul décède d’une crise cardiaque seulement trois semaines après la cérémonie de mariage. Enterré au Père-Lachaise, une foule impressionnante défilera devant son cercueil durant six heures.

Plus tard, en 1939, Marie-Claude épouse Pierre Villon, l’homme qui assurera la rédaction clandestine de l’Humanité au début de la guerre. Pierre fut également un membre très actif du Conseil National de la Résistance.

1938, Marie-Claude se retrouve en Espagne. Elle y rencontre les Brigades internationales qui sont composées de volontaires antifascistes qui se battent aux côtés des Républicains espagnols contre les nationalistes communément appelé « franquistes ».

Une expérience qui lui permet de croiser la route de Henri Tanguy, qui sera connu plus tard sous le patronyme de Henri Rol-Tanguy, ou plus exactement Colonel Rol-Tanguy. Syndicaliste (CGT) et militant communiste, Henri Tanguy sera démobilisé en août 1940 après avoir été cité à l’ordre du régiment. Dès octobre 1940, il rentre dans la clandestinité pour participer à la mise ne place de l’Organisation spéciale (OS).

Son épouse Cécile fut également membre de la Résistance. Après la capitulation de l’Allemagne, il est décoré le 18 juin 1945 de la Croix de la Libération par le général de Gaulle.

Féminisme et Résistance

A cette même époque, Marie-Claude milite à l’Union des jeunes filles de France (UJFF). Cette association réellement féministe dénonce l’inégalité entre les sexes. L’UJFF a fait progresser la CGT, le Parti communiste, et par effet rebond la société toute entière sur la question des inégalités.

Du fait que la plupart des Communistes (hommes) aient été mobilisés ou incarcérés par le pouvoir politique, cette structure permettra la mise en place de la future résistance communiste clandestine.

Danielle Casanova est élue présidente lors du premier Congrès. Dès l’automne 1940, Danielle aide à la mise en place de Comités féminins en zone occupée et participe à l’implication des Jeunesses communistes dans la lutte armée.

Nous retrouvons parmi d’autres figures illustres de l’UJFF Rose Blanc, entrée dans l’organisation clandestine du Parti communiste en 1940, qui décèdera en déportation à Auschwitz en mars 1943. Claudine Chomat participe en 1939 à la réorganisation du Parti communiste français clandestin.

En 1941 elle dirige les Comités féminins de la Résistance. Charlotte Delbo, aux côtés de Georges Politzer et Paul Nizan (tous deux morts pour la France), découvre le marxisme et rejoint les Jeunesses communistes en 1934. Charlotte est déportée à Auschwitz en 1943 pour fait de résistance.

Josette Dumeix dirige avec Claudine Chomat l’édition féminine clandestine de l’Humanité. Arrêtée par la police de Vichy, elle passe 22 mois en prison. Mounette Dutilleul, résistante et communiste, est déportée à Ravensbrück en 1943.

Madeleine Vincent s’engage dans la Résistance dès juillet 1940. Madeleine est en charge de la Résistance dans le Nord et le Pas-de-Calais au sein des Jeunesses communistes. Déportée à Kreuzburg, elle poursuit la lutte au péril de sa vie en refusant de travailler pour les Allemands.

Georgette Cadras est membre du PCF. Georgette devient très vite Capitaine de la Résistance. Arrêtée le 26 mars 1941, elle est condamnée à 10 ans de prison par le Tribunal français (collaborateur).

Lise Ricol-London milite pour le Parti communiste depuis le début des années 30. Sous l’occupation elle devient très vite Capitaine de la Résistance. Lise est arrêtée par la police française en août 1943. Livrée aux Allemands elle est déportée au camp de concentration de Ravensbrück, puis à Buchenwald.

Marie-Claude elle, rentre en résistance en participant au 1er numéro (clandestin) de L’Université libre, un des premiers groupes de Résistance créé par trois communistes, Georges Politzer, Jacques Decour et Jacques Solomon.

Ce regroupement d’intellectuels vit le jour en septembre 1940, avant que le Pacte germano-soviétique ne prenne fin le 22 juin 1941. N’en déplaise à certains, les Communistes n’ont pas attendu l’invasion de l’URSS par l’armée nazie pour entrer dans la Résistance (nous y reviendrons dans un prochain billet).

Un Ange en enfer

Début 1942, Marie-Claude est arrêtée par la police parisienne, dès lors elle découvre la vie en prison, et apprend à communiquer avec d’autres détenues en particulier Marie-José Chombart, une résistante qui toute sa vie a milité pour les droits de l’enfant.

Le convoi appelé convoi 31000 du 24 janvier 1943 emporte 1530 hommes et 230 femmes vers le camp de concentration d’Auschwitz et Birkenau. 119 d’entre elles étaient communistes ou proches du Parti communiste.12 appartenaient à des réseaux gaullistes. 51 avaient été arrêtées pour divers actes de Résistance. Seules 49 d’entre elles ont survécu à leur déportation.

A Birkenau, Marie-Claude porte des briques de douze à quatorze heures par jour. Comme elle comprend bien l’Allemand elle se retrouve interprète au bloc. Là, elle retrouve Danielle Casanova qui avant la guerre avait suivi une formation de médecin-dentiste.

Pourquoi soigner les dents à Birkenau ? Principalement pour servir la propagande que les nazis envoient à la Croix-Rouge et secondairement pour le “gratin” du camp qui était composé pour la plupart de détenus de droit commun. Cependant cette place a l’avantage de pouvoir procurer des renseignements sur les informations qui circulent à l’extérieur, mais aussi sur les besoins immédiats des autres camarades. Suite à une virulente épidémie de typhus, Danielle Casanova décède le 9 mai 1943.

Elle sera décorée de l’ordre national de la Légion d’honneur à titre posthume. Deux moi auparavant Marie Politzer est morte elle aussi du typhus. Mariée à Georges Politzer et militante communiste, elle était rentrée en Résistance dès août 1940.

En août 1944, Marie-Claude est transférée Ravensbrück où elle est dans un premier temps affectée aux travaux de terrassement. Par la suite, elle retrouve un poste de secrétaire en raison de ses connaissances en allemand.

A Ravensbrück, Marie-Claude et ses camarades intègrent l’organisation de la Résistance interne du camp. Résister c’est avant tout refuser de travailler pour l’industrie d’armement nazi. Et ça, c’est ce que font les prisonnières de guerre russes. Cette insoumission est bien entendu sévèrement réprimée par les nazis.

D’autre part, résister c’est aussi assurer autant que possible le soutien des plus faibles. Cette prise en charge fut rendue possible grâce à une belle complicité avec ses amies, notamment Geneviève_de_Gaulle-Anthonioz (nièce de Charles de Gaulle) et Martha_Desrumaux, la résistante communiste à l’origine du premier mouvement de résistance de masse que l’on appelle simplement grève des mineurs du Nord-Pas de Calais (1941).

Le 28 avril 1945, les SS abandonnent le camp de Ravensbrück, ils laissent 2 000 femmes malades. Certaines détenues dont Marie-Claude se portent volontaires pour s’occuper des malades. Le lendemain les Russes arrivent et libèrent le camp des femmes puis celui des hommes.

Epaulée par des médecins russes et d’autres déportées, Marie-Claude prend en main l’administration du camp. Elles restent à Ravensbrück pour soigner les malades jusqu’à ce que tous les français aient été évacués. Ce qui fait que Marie-Claude ne revient en France que le 25 juin 1945.

Au tribunal de Nuremberg, Marie-Claude témoigne le 26 janvier 1946. Sur le bancs sont assis Hermann Göring, Rudolf Hess, Joachim von Ribbentrop, et les autres (21 dignitaires nazis au total). Marie-Claude s’approche d’eux et les dévisage lentement. Puis face aux juges la jeune femme calmement raconte l’horreur de l’univers concentrationnaire.

Aux obsèques d’Henri Moraud, président de l’Association Fonds de la Mémoire d’Auschwitz, Marie-Claude Vaillant-Couturier est aux côtés de Henri Krasucki, juif, communiste et torturé, qui fut lui aussi un résistant de la première heure avant de défendre courageusement la cause ouvrière. (Un autre candidat potentiel pour le panthéon ?).

Discrète mais efficace

Juste après la Libération, pour Marie-Claude, l’engagement politique reprend ses droits. Désormais elle siège à l’Assemblée consultative provisoire qui fut créée le 3 novembre 1943 à Alger pour faire valoir au niveau international les idées hostiles à la Collaboration.

Elle est nommée membre de la Commission de l’éducation nationale et des beaux-arts, de la jeunesse, des sports et des loisirs le 26 juin 1946. Marie-Claude est élue députée communiste de la Seine pour les périodes de 1946 à 1958 et de 1962 à 1967. Puis du Val-de-Marne jusqu’en 1973. Plus tard, elle devient Vice-Présidente de l’Assemblée Nationale de 1956 à 1958 et de 1967 à 1968.

En tant que parlementaire, Marie-Claude se positionne à l’avant garde d’un nouvel ordre social. Son acharnement va au fil du temps considérablement faire évoluer les mentalités. Ainsi elle va proposer (entre autres) les lois suivantes :

  • – Accorder une subvention de fonctionnement de 100 francs par enfant et par jour de colonies de vacances, n° 3699 (17 juin 1952).
  • – Instituer l’assistance aux veuves civiles sans ressources et faciliter l’accès des veuves civiles à l’exercice d’une profession, n° 4803.(19 novembre 1952).
  • – Fixer à 18 ans l’âge de la majorité électorale, n° 328 [7 juin 1963].
  • – Renforcer la protection des femmes salariées en état de grossesse, n° 676 [21 novembre 1963].
  • – Aménager le temps de repos de certaines mères de famille et stimuler la création de crèches à l’intérieur des entreprises privées, n° 677 [21 novembre 1963].
  • – Améliorer les conditions de travail des femmes salariées, n° 678 [21 novembre 1963].
  • – Constater l’imprescriptibilité du génocide et des crimes contre l’humanité, n° 1279 [18 décembre 1964].
  • – Contribution patronale obligatoire à titre de participation au financement de la construction et du fonctionnement de crèches, n° 1872 [1er juin 1966].
  • – L’application du principe de non-discrimination du travail féminin, n° 2010 [29 juin 1966].
  • – L’application du principe d’égalité de rémunération à travail égal et à qualification égale entre les hommes et les femmes, sans discrimination, n° 193 [18 mai 1967].
  • – Étendre à toutes les mères de famille les congés supplémentaires dont bénéficient les salariées âgées de moins de vingt et un ans, n° 1902 [24 juin 1971].
  • – Améliorer les conditions d’ouverture du droit des femmes seules assurées sociales aux prestations de l’assurance maladie, n° 1908 [24 juin 1971].
  • – Rendre obligatoire le dépistage de la phénylcétonurie, n° 2460 [22 juin 1972].
  • – Assurer un minimum de ressources aux veuves, n° 2672 [22 novembre 1972].

Moderne et visionnaire

Entre octobre 1963 et juin 1964 en Afrique du Sud a lieu le procès de Rivonia qui aboutit à la condamnation à la prison à vie de Nelson Mandela et de sept autres militants anti-apartheid.

Alors que les “BHL” de l’époque (les indignés sélectifs) sont plongés comme toujours quand il s’agit d’un allié des États-Unis dans un profond mutisme, une fois encore Marie-Claude est à la pointe du combat. Depuis la France, elle intervient à l’Assemblée nationale pour dénoncer l’injustice, le racisme et la brutalité du régime de Pretoria.

Rappelons que l’arrestation de Nelson Mandela en 1962 est le résultat d’une dénonciation de la CIA américaine (Central Intelligence Agency). Mandela a purgé 27 ans de prison pour avoir résisté au régime minoritaire blanc d’Afrique du Sud.

Oubliée du pouvoir, absente de notre mémoire ?

A la question “Pourquoi Marie-Claude Vaillant-Couturier qui fut pourtant à de nombreuses reprises décorée n’est pas panthéonisée ?” nous apportons deux réponses :

Premièrement la grande bourgeoisie qui emploie la bourgeoisie intellectuelle et médiatique est, cela va de soi, contre-révolutionnaire. C’est-à-dire pour le maintien des privilèges. Cette caste désigne ses icônes selon des critères bien définis. Ses choix astucieux ont pour objectif de faire oublier les héros de l’entreprise révolutionnaire.

Aussi ne soyons pas surpris que des personnalités qui ont contribué à l’émergence des programmes sociaux soient (inconsciemment ou pas ?) oubliées par les mass-médias. Parmi les exemples les plus probants de cette amnésie, nous retrouvons aussi Ambroise Croizat, qui dirigea la mise en place du système de protection sociale et d’assurance maladie.

Aujourd’hui, qui se rappelle du père de la protection sociale ? Et que dire du député PCF Marcel Paul qui sauva la vie entre autres de l’industriel Marcel Dassault.

Deuxièmement l’abnégation totale dont a fait preuve tout au long de sa vie Marie-Claude Vaillant-Couturier est écrasante pour beaucoup d’entre nous. Involontairement elle nous renvoie à nos propres limites, parfois dérangeantes, et à l’interrogation suivante : “Que suis-je capable de faire pour le bien commun ?” Bien entendu on ne peut pas tous s’appeler Vaillant-Couturier ou Jean Moulin.

Évidemment, le héro est un héro du fait que ses actions sortent de l’ordinaire. Néanmoins depuis les années 1990, la notion de devoir de mémoire nous invite à un effort qui se traduit par l’obligation morale de ne jamais oublier les victimes, mais également les héros.

A l’instar de quelques autres, Marie-Claude Vaillant-Couturier à la particularité d’ajouter l’héroïsme à la souffrance de l’univers concentrationnaire nazi. C’est bien pour cette raison “surhumaine” qu’elle mérite elle aussi la panthéonisation.

Conclusion

Il est très difficile en quelques lignes de condenser plus de soixante ans d’engagement. Le défi se corse d’autant plus que cette femme exceptionnelle est directement liée à une période de l’ histoire qui a favorisé l’émergence de parfaits salauds mais aussi de héros et d’héroïnes qui ont fait preuve d’un sacrifice total au bénéfice des générations suivantes.

Dès lors, ce recueil est forcément incomplet. Il aura malgré tout le mérite nous l’espérons de faire redécouvrir la trajectoire d’une véritable militante des droits humains. Elle est la preuve tangible que l’engagement n’est pas lié aux origines sociales, et que l’héroïsme est dans l’Histoire autant l’affaire des hommes que des femmes. Comme nous venons de le voir, Marie-Claude Vaillant-Couturier était loin du charity-business. Le savant oubli dont elle fait l’objet a même le mérite de nous aider à en détecter les fraudeurs et les faussaires.

Source primaire de l’article : « Une vie de résistante : Marie-Claude Vaillant-Couturier » de Gérard Streiff

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