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9 janvier 2021 6 09 /01 /janvier /2021 02:23

 

 

Le 6 décembre, comme l’exige leur Constitution, les citoyens de la République bolivarienne du Venezuela ont été appelés aux urnes pour élire 277 députés à l’Assemblée nationale.

Dès l’annonce de la consultation, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a donné le ton : « La communauté internationale est de plus en plus consciente que les élections prévues par le régime de [Nicolás] Maduro ne seront ni libres ni justes.

Trente-quatre pays nous ont rejoints en faveur d’un Gouvernement de transition. » Suivant à la lettre ces instructions, les secteurs extrémistes de l’opposition, emmenée par le « président autoproclamé » Juan Guaido, ont donc appelé au boycott d’un scrutin déclaré par avance « frauduleux ».

Nonobstant cette injonction, les élections ont pu avoir lieu à la date prévue et, malgré la pandémie, dans des conditions sanitaires satisfaisantes. Regroupé autour du Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) au sein d’un Grand Pôle patriotique (GPP), le chavisme l’a très largement remporté avec 68,43 % des suffrages. L’Alliance démocratique (droite), au sein de laquelle figurent deux formations historiques de la vie vénézuélienne (le Copei et une scission d’Action démocratique) engrange 17,52 % des voix.

Une deuxième coalition conservatrice, Venezuela Uni, recueille 4,15 % des votes. Sur le flanc gauche de l’arc politique, le Parti communiste vénézuélien (PCV) et quelques satellites rassemblés dans l’Alternative populaire révolutionnaire (APR) sont crédités de 2,7 %. En ordre dispersé, d’autres organisations politiques se partagent 6,48 % (voir l’encadré).

Au-delà de cette victoire incontestable du chavisme, deux faits, bien entendu, retiennent l’attention. D’une part, la faible participation (30,1 % du corps électoral). D’autre part, le fait que pour montrer ses muscles, l’opposition radicale organise en parallèle une « consultation populaire ». Débutant le 6, jour des législatives, celle-ci se terminera le 12 décembre par une « démonstration de force » préludant à la proclamation des résultats.

Décryptage d’un processus électoral atypique auquel ne peuvent s’appliquer les commentaires consciencieux et orthodoxes, les critères classiques et généralement admis d’analyse et d’explications.

LE CONTEXTE

Elus le 6 décembre 2015, les députés sortants, dont Guaido (représentant de l’Etat de Vargas avec 90 000 voix), termineront leur mandat de cinq ans le 4 janvier 2021. Pour avoir fait impudemment prêter serment à trois députés non élus (car accusés d’avoir eu recours à des achats de votes), cette Assemblée nationale, dominée par la droite, a été depuis 2016 déclarée en « desacato » (outrage à l’autorité) par le Tribunal de justice (TSJ).

Tout en continuant à se réunir, elle n’a pu exercer ses prérogatives du fait de cette illégitimité.


Dans leur obsession d’en terminer avec le « chavisme », la droite vénézuélienne, depuis 2013, a fait du renversement de Maduro une véritable obsession. Barack Obama d’abord, mais ensuite et surtout Donald Trump, lui ont servi de boussole et de soutien. Emeutes insurrectionnelles en 2014 et 2017 (les « guarimbas »), tentative d’assassinat du chef de l’Etat (août 2018), coup d’Etat raté (avril 2020), incursion paramilitaire (mai 2020), blocus économique, commercial et financier, pression maximum et diabolisation des dirigeants chavistes se sont succédés sans discontinuer.

Depuis janvier 2019, en s’autoproclamant président, le député Guaido a établi une sorte de gouvernement parallèle, dont la capitale se situe non pas à Caracas, mais à Bogotá (où l’ambassade des Etats-Unis fait office de « palais présidentiel » vénézuélien).


Si toutes ces manœuvres – mais essentiellement les mesures coercitives unilatérales et la confiscation des biens vénézuéliens à l’étranger – ont mis le pays à genou, économiquement asphyxié, il n’en demeure pas moins que le pouvoir n’est pas tombé et que Guaido a échoué. Même Trump, le véritable patron du cirque, a lâché qu’il le considérait comme « un enfant » qui n’a pas « ce qu’il faudrait » (sous-entendu : dans le pantalon) [1] et a laissé filtrer en juillet dernier qu’il semblait avoir perdu « son autorité » (si tant est qu’il en ait jamais eu).

LES MODALITÉS DU SCRUTIN

En mars 2020, un attentat criminel a détruit par incendie un hangar où étaient entreposés 50 000 machines de vote et 582 ordinateurs utilisés par le système électoral. Le genre d’événement qui en dit long sur le caractère fanatique de certains acteurs de l’opposition. Néanmoins, tout au long de cette même année 2020, les discussions entre le gouvernement et d’autres secteurs résolus à rejoindre le chemin constitutionnel ont conduit à l’établissement de garanties électorales, unanimement acceptées (elles ont également permis la libération de cent dix opposants emprisonnés pour délits et crimes à caractère politique).

Cinq nouveaux recteurs du Conseil national électoral (CNE) ont été nommés en juin par le Tribunal suprême de justice (TSJ). Dans une situation classique, ceux-ci auraient dû être élus par la majorité des deux tiers de l’Assemblée nationale. Malgré l’alliance des députés chavistes (minoritaires) et de représentants de la droite modérée, cette majorité qualifiée ne put être atteinte pendant de longs mois. Devant la situation de blocage, les protagonistes de la Table de dialogue national s’accordèrent sur une nomination par le TSJ (comme le stipule, en cas d’« omission législative », la Constitution [2]).

Une réforme (très critiquée par la droite dure et abstentionniste) a fait passer le nombre des députés de 167 à 277 de façon à favoriser la représentation des « petits partis » – 28 organisations nationales, 52 formations régionales et 6 organisations de peuples et communautés indigènes participant aux élections [3].
Tant les représentants des partis politiques que les observateurs internationaux ont participé aux audits du système électoral et des nouvelles machines de vote. Organisme pluraliste et indépendant regroupant, indépendamment de leur tendance politique, des juristes, des magistrats professionnels et des présidents de tribunaux électoraux de tous les pays du sous-continent, le Conseil des experts électoraux d’Amérique Latine (CEELA) a été en première ligne de cette observation.

Le dernier audit a duré dix-sept jours et a pu compter sur une participation en présentiel et partiellement en virtuel (pour raisons de pandémie). Relatant cette expérience qu’il a vécu sur place, le chef de la mission du CEELA, Guillermo Reyes, a qualifié de « fiable et crédible » le système électoral vénézuélien [4]. Difficile, dans son cas, d’évoquer un comparse de Maduro : colombien, Reyes a été vice-ministre de la justice dans le gouvernement du très droitier Álvaro Uribe, pendant 22 mois, jusqu’en 2008.

L’OPPOSITION « MADE IN USA »

Depuis 2015, les quatre partis d’opposition les plus importants – Voluntad Popular (VP ; extrême droite) Primero Justicia (PJ ; droite), Acción Democrática et Un Nuevo Tiempo (respectivement AD et UNT ; ex-socio-démocrates) forment ce qu’on appelle le G4. Ils dominent et imposent leur agenda. Sans aucune voix à la parole, une nébuleuse de groupuscules conservateurs se conforme de plus ou moins bonne grâce à leurs prescriptions.

Toute honte bue, à l’instar d’un Nicmer Evans, quelques transfuges ou « repentis » de gauche les ont rejoints. A l’extrême de l’extrême droite, María Corina Machado (Vente Venezuela) et sa poignée de pyromanes réclament plus ouvertement que les autres un apocalypse « yankee » immédiat, sous forme d’intervention militaire, pour faire tomber le « castro-chavisme » honni.

Las ! Malgré ses appuis nationaux et internationaux – l’administration Trump, le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA) Luis Almagro, les supplétifs du Groupe de Lima [5], l’Union européenne, le régime macroniste français –, le « pinochétisme » n’est pas parvenu à s’imposer.


« Pinochétisme » ! Il ne s’agit là ni d’un écart de langage, ni d’un terme excessif, ni d’un jugement outrancier. Conçue à Washington, l’ « opération Guaido » n’a eu, depuis l’origine, qu’un seul objectif : obtenir que la chaîne de commandement de la Force armée nationale bolivarienne (FANB) se retourne contre Maduro et le fasse tomber. Comme en leur temps Richard Nixon et la CIA pour renverser Salvador Allende et le socialisme chilien, trouver au sein de l’institution militaire un Augusto Pinochet. Depuis janvier 2019, pas un jour n’est passé sans que Guaido, son entourage, la Maison-Blanche ou le Dépa

rtement d’Etat américain, ne lancent de pressants appels du pied ou d’ouvertes exhortations au soulèvement des militaires. Seule différence avec les « golpes » des années de Guerre froide : si un quelconque quarteron de généraux était passé à l’acte et avait réussi, il aurait immédiatement rendu le pouvoir à un « gouvernement de transition » civil, après avoir fait « le sale boulot », pour éviter que puisse être employée l’expression « coup d’Etat ». Ainsi eut lieu la tentative de « golpe » contre Hugo Chávez en avril 2002 et le renversement du président Manuel Zelaya, en juin 2009, au Honduras [6].

« Pinochétisme » : n’en déplaise aux classes politiques et chefs d’Etat européens qui, relayés par leurs médias, « blablatent » à n’en plus finir sur la démocratie et l’Etat de droit, voilà ce qu’ils appuient, voilà leur véritable camp... Pour l’heure, un camp cynique, honteux et immoral, mais, nonobstant son apparente puissance, un camp perdant : malgré quelques centaines de déserteurs et une poignée de putschistes qui ont pu être neutralisés, les militaires vénézuéliens, inspirés par Simón Bolivar et Hugo Chávez, n’ont pas flanché.

Dans ces conditions, trente-sept organisations politiques emmenées par le G4 ont donc annoncé leur décision de ne pas participer aux élections du 6 décembre (comme elles avaient boycotté l’élection de l’Assemblée nationale Constituante, en juillet 2017, et la présidentielle de mai 2018 remportée par Maduro [7]). Guaido a annoncé une « nouvelle offensive » dont on a pu comprendre qu’elle s’appuierait sur la Responsabilité de protéger (R2P) – débouchant par nature sur une intervention militaire étrangère –, le renforcement de la pression internationale – c’est à dire des « sanctions » – contre son pays et la préparation d’un Gouvernement d’urgence nationale. Le Département d’Etat américain a immédiatement rendu public son soutien à cette option.

LES PROTESTATAIRES

Lorsque, avec son physique de « gendre idéal », Guaido a annoncé (sur ordre de Washington) qu’il s’emparait du pouvoir, il a déclenché une vague d’enthousiasme au sein de l’opposition. Maduro et le chavisme allaient s’effondrer en quelques semaines, au pire quelques mois. Résultat final : rien ! Guaido parle, Guaido parle et, pendant que Guaido parle, rien ne se crée, rien ne s’accomplit. Au fil des mois, le scepticisme et la lassitude se sont emparés des anti-Maduro.

Le combat n’est plus tout à fait le même, les derniers appels aux mobilisations de rue ont débouché sur autant de fiascos. Provoquée par le blocus étatsunien, la désastreuse situation économique transforme peu à peu la vie quotidienne de tous – opposants non privilégiés compris – en parcours du combattant. Et nombre de gens, nul n’en ignore, contribuent à perpétuer ce cauchemar. A commencer par Guaido.

Depuis toujours, les dirigeants de l’opposition se chamaillent, se querellent, se jalousent, se menacent. Une lutte à mort oppose les factions qui tentent de se supplanter par tous les moyens. On touche désormais au paroxysme. Certains posent ouvertement la question : ont-ils tant travaillé, tant œuvré, tant fait souffrir leurs compatriotes, pour en arriver là ?

Le clé est comme souvent : beaucoup d’argent. Financés par les agences de Washington et le pillage des biens vénézuéliens à l’étranger – Citgo aux Etats-Unis, Monómeros en Colombie, les tonnes d’or confisquées par la Banque d’Angleterre, pour ne parler que des cas les plus connus [8] –, les « Guaido boys » s’en mettent plein les poches, ne laissant que des miettes, et parfois même pas, aux protagonistes de second rang. Désormais en exil, les Julio Borges (en Colombie), Henry Ramos Allup, Antonio Ledezma et depuis peu Leopoldo López (en Espagne) [9], Carlos Vecchio (aux Etats-Unis), plus des dizaines d’et cætera en costume cravate, vivent sur un grand pied et dépensent sans compter. Contre l’entourage du président fantoche, les accusations (et les preuves) de corruption se multiplient.

Lorsque la droite a pris le contrôle de l’Assemblée nationale, après sa victoire de décembre 2015, le G4 a décidé d’en exercer la présidence par rotation – chacun des partis l’assumant pendant une année. Ce qui fut fait (indépendamment des conséquences institutionnelles du « desacato ») : Henry Ramos Allup (AD ; 2016-2017), Julio Borges (PJ ; 2017-2018) ; Omar Barboza (UNT ; 2018-2019), Juan Guaido (VP ; 2019-2020). Désormais habitué à usurper les fonctions officielles, Guaido a refusé, début 2020, de laisser se perpétrer cette alternance.

Le titre de président de l’Assemblée nationale lui procure le seul argument susceptible de justifier son auto-proclamation comme chef de l’Etat. Perdre ce statut mettrait par ailleurs en danger la cohésion de la coalition internationale engagée « derrière lui » dans la lutte contre Maduro.

Ce refus de passer la main a provoqué une première révolte dans une partie du bloc de la droite. Le 5 janvier 2020, alors que Guaido se livrait à une comédie pitoyable, devant les caméras de télévision, pour faire croire que la police « du régime » lui interdisait l’accès au Parlement (ce qui était faux) [10], une fraction substantielle des députés de droite, avec le soutien de leurs collègues chavistes, ont élu Luis Parra (PJ) au perchoir.

Sans souci du ridicule, car fort du soutien de ses amis de l’étranger, Guaido a immédiatement été se faire « réélire » président de l’AN par une escouade de ses partisans lors d’une session parallèle tenue au siège d’El Nacional, un quotidien d’opposition. Parra a bien entendu été exclu de PJ (sous une accusation de corruption). Néanmoins, la contestation ne s’est pas arrêtée là.


Fin octobre 2020, Juan Carlos Caldera, dirigeant influent de Primero Justicia, révélera qu’ont effectivement été proposés au G4 une rotation à la présidence du gouvernement dit intérimaire, la limitation de ses compétences et la « remise à zéro » de la stratégie de l’opposition en vue de 2021. Du cœur d’Action démocratique sont montées les mêmes revendications.


Depuis son annonce, même la fameuse Consultation populaire de Guaido fait débat.

UN VELLÉITAIRE

Entre temps, quelque peu marginalisé, laissé dans l’ombre par les projecteurs rivés aux gesticulations de Guaido, un dirigeant de poids est réapparu : Henrique Capriles Radonski. Leader historique de Primero Justicia, ex-gouverneur de l’Etat de Miranda, deux fois candidat de la droite à la présidence, contre Chávez (2012) et Maduro (2013), Capriles émet régulièrement des doutes sur la stratégie de Guaido et de son mentor Leopoldo López, le véritable leader de VP.

« Le vrai débat est de savoir si nous nous battons ou non, si nous faisons quelque chose ou non, s’est emporté Capriles, début juillet. Nous n’allons pas accompagner les fictions et les fantasmes qui ne font que donner plus de frustration aux Vénézuéliens et détruire davantage l’opposition, si tant est qu’ils n’aient pas déjà fini de la détruire [11]. »

Le 2 septembre dernier, Capriles va jusqu’au bout de la logique : il appelle les citoyens à se mobiliser et à participer aux législatives. Jusqu’alors très proche conseiller de Guaido, le député Stalin González (UNT) prend ses distances avec ce dernier et se rallie. Ancien président de l’association patronale Fedecamaras, toujours très influent au sein de ce lobby, Jorge Roig déclare le 9 septembre qu’il s’engage sur le chemin tracé par Capriles, sachant que celui de Guaidó est « dynamité ».

Tenant en effet des propos particulièrement sévères sur le « gouvernement Internet », Capriles remet en question le manque d’explications concernant le pseudo soulèvement militaire du 30 avril 2020 et l’incursion ultérieure d’un groupe armé venu de Colombie et dirigé par des mercenaires (l’« opération Gedeon ») [12]. « Il y a une grande déconnexion entre la classe politique et les gens dans la rue, s’insurge Capriles. Non seulement ils parlent mal du régime, mais ils parlent aussi mal de nous, l’opposition. »

L’épisode approfondit la crise du G4, les brèches qui s’ouvrent à l’intérieur même des formations politiques et la perplexité des militants. Membres du même parti que Capriles (PJ), mais tous deux en exil,Julio Borges (pseudo ministre des Affaires étrangères) et Miguel Pizarro (président de la Commission spéciale de suivi de l’aide humanitaire !) appartiennent au cercle rapproché de Guaido.

Il est temps pour les commanditaires de siffler la fin de la récréation. Depuis Bogotá, l’« ambassadeur » des Etats-Unis auprès du Venezuela imaginaire de Trump et Guaido », James Story, ordonne plus qu’il ne dit : « C’est le moment d’unir nos forces. Seule l’unité autour des pouvoirs légitimes garantit la pression et le soutien internationaux.

Nous soutenons pleinement le projet du président Guaidó. » Fin octobre, lors d’une vidéoconférence organisée depuis le Bureau des affaires vénézuéliennes (ouvert le 28 août 2019 dans l’ambassade US en Colombie), James Story et Rafael Foley taperont à nouveau sèchement sur les doigts de Tomás Guanipa. Dirigeant de Primero Justicia et bien qu’ « ambassadeur » du régime imaginaire de Guaido à Bogotá, Guanipa a osé remettre en cause l’absence de rotation à la tête de l’opposition ; il a également exprimé les doutes de son parti quant à l’utilité de la Consultation populaire de l’« autoproclamé ». Il ne va pas tarder à changer prudemment d’avis...

Capriles a lui aussi compris les messages. Le 15 janvier, le Département du trésor américain a mis sur sa liste noire et sanctionné Luis Parra, opposant élu au perchoir de l’AN avec l’appui des chavistes, ainsi que ses deux vice-présidents et quatre autres députés de droite en raison de leur « tentative infructueuse (sic !) de prise de contrôle du Parlement ».

Cela signifie que leurs (éventuels) actifs aux Etats-Unis sont bloqués et qu’ils ne peuvent plus faire affaire avec des entreprises ou des citoyens américains. En ce qui les concerne, et comme nombre de chavistes (ou dirigeants nicaraguayens) nominalement sanctionnés par Washington, rien ne prouve qu’ils disposent de tels actifs au pays du Destin manifeste [13] (et nous l’ignorons). Il s’agit souvent d’effets d’annonce, destinés à l’opinion publique internationale, et d’intimidation.

Tout autre est la situation de Capriles. Issu d’une famille dont la fortune a été faite dans l’immobilier, le secteur des services, les chaînes de cinéma et les médias, avec des ramifications dans d’autres pays du monde, lui possède des avoirs aux Etats-Unis.

Capriles se couche. Par chance pour lui, l’Union européenne vient de faire la même chose en refusant d’envoyer une mission d’observation électorale pourtant invitée par le gouvernement vénézuélien. Capriles peut donc se cacher derrière aussi couards que lui. Début octobre, il fait volte-face et demande que les élections soient ajournées. « Comme le dit l’Union européenne, il n’y a pas les conditions, en raison de la pandémie et d’autres choses, pour qu’une élection ait lieu.

Une élection qui serve le Venezuela doit être reportée. » Une sorte de mauvaise conscience le ronge-t-elle ou tente-t-il de camoufler son manque de cran ? Quelques jours plus tard, lors d’une réunion publique via Zoom, il demandera aux représentants de la communauté des affaires vénézuélienne de trouver un moyen de faire pression sur le Congrès américain et les politiciens de Washington afin d’alléger les mesures coercitives unilatérales imposées au Venezuela.

LES OPPOSANTS AUX OPPOSANTS

L’interminable pièce de théâtre En attendant Guaido amuse de moins en moins de Vénézuéliens. Contrairement à Capriles, et suivant l’exemple de Parra et de ses apparentés, d’autres ont franchi le Rubicon. Début août, le Front large Venezuela uni (coalition regroupée autour du G4) a dû expulser la gouverneure de l’Etat de Táchira, Laidy Gómez (AD), élue en 2017 car s’étant présentée malgré la consigne de boycott, et le secrétaire régional du même parti, Miguel Reyes : ils ont manifesté l’intention de participer à nouveau aux élections. Comme mentionné précédemment, Stalin González informe qu’il quitte l’UNT, en mentionnant qu’il « respecte sa position » de non-participation au scrutin, mais qu’il « ne la partage pas ».


Les partis traditionnels tanguent. Ecartés de décisions que désormais ils contestent, militants, députés et députés suppléants « de l’intérieur » se rebellent contre les diktats de leaders vivant confortablement « à l’étranger » tout en séquestrant les partis. Depuis parfois plus de dix ans, ils ont omis ou refusé d’organiser des élections internes et d’en renouveler les directions.

Ce qui provoque un clash spectaculaire au sein d’Action démocratique. « Je propose un référendum pour que les militants décident » de participer ou non aux législatives, lance Bernabe Gutiérrez, bras droit et ami du leader historique Ramos Allup. Silence glacial de ce dernier. Gutiérrez en tire ses propres conclusions : Ramos Allup a « des engagements » liés à des « cadeaux et des faveurs extérieures » qui freinent l’option électorale. Gutiérrez fait sécession.


Les dissidents d’AD et de PJ se tournent vers le Tribunal suprême de justice. Ils veulent pouvoir participer aux législatives. On a vu des motivations plus honteuses ! Le TSJ leur donne raison. Des directions provisoires sont nommées. Au sein d’AD, Isabel Carmona de Serra, la présidente, est écartée. Le secrétaire général Ramos Allup est remplacé par Gutiérrez.

Le nouveau « comité directeur ad hoc » « pourra utiliser le logo, les symboles, les emblèmes, les couleurs et toutes autres propriétés » d’AD [14]. La direction de PJ passe un temps aux mains d’un militant de cette organisation, José Brito, avant que le TSJ ne revienne sur sa décision (sans doute pour ménager Capriles et ne pas insulter l’avenir). Les « ultras » hurlent à la trahison, les « commentocrates » de l’appareil médiatique global dénoncent « un nouveau coup de force contre l’opposition ».

Ces nouveaux venus renforcent le camp de l’anti-chavisme à visage légal qu’occupaient déjà les partis et dirigeants ayant participé à l’élection présidentielle de 2018 (en particulier Henri Falcón et Javier Bertucci). L’Alliance démocratique regroupe donc les deux partis historiques du XXe siècle vénézuélien, le Copei (social-chrétien) et Acción Democrática (social-démocrate), plus Avanzada Progresista (centre-gauche), Cambiemos (centre) et Esperanza por el Cambio (démocratie chrétienne).

Faute d’accord avec cet ensemble, Venezuela uni emmène une autre coalition que dominent la fraction dissidente de Primero Justicia, devenue Primero Venezuela, et une émanation de Voluntad popular. Se présentent de façon indépendante, dans presque tout le pays, d’autres partis qu’on dira « périphériques », traditionnellement ignorés ou exclus par le G4 : Soluciones, Movimiento al socialismo (MAS), ProCiudadanos, Unión Progreso, Nuvipa, UPPP89...

LES MÉCONTENTS

D’autres voix ont pris leur indépendance, mais dans l’autre camp. Habituellement membres du Grand Pôle patriotique (GPP) – coalition de gauche rassemblée autour du Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) créé par Chávez – le Parti communiste (PCV) et des fraction dissidentes de Patria para todos (PPT) et des Tupamaros figurent au sein d’une inédite Alternative populaire révolutionnaire (APR), en compagnie d’autres formations d’extrême gauche – Corriente Marxista Internacional, Somos Lina, etc [15].


Revendiquant le socialisme, l’anti-impérialisme et l’héritage de Chávez, précisant que leur ennemi « n’est pas Maduro », ils se positionnent en « critiques de gauche », contestent l’hégémonie « excluante » du PSUV et l’absence de débat qui en résulte, réclament des mesures plus sociales, s’inquiètent de la loi anti-blocus récemment votée par l’Assemblée nationale constituante, dont ils pensent qu’elle pourrait préluder à des privatisations. Sans le dire, ils estiment également que, destinée à favoriser la participation et la présence des petits partis au sein de l’AN, l’augmentation du nombre des députés pourrait leur permettre de tirer leur épingle du jeu.

LES RÉSULTATS

Tant les sondages que le sens commun avaient prévu une faible participation. Dans un dernier effort pour l’éviter et mobiliser leurs troupes respectives, l’opposition démocratique et le chavisme, dans les derniers jours de la campagne, font monter les enjeux. Pour la droite, la consultation devient « un plébiscite contre Maduro ». Relevant le gant (sans trop de risque), celui-ci rétorque : « Je ne me suis jamais rendu, je ne me rendrai jamais, et c’est pourquoi je dis à toute l’opposition que, dimanche prochain, j’accepte le défi.

Voyons qui gagne. Si nous gagnons, nous irons de l’avant, mais je dois aussi dire, au peuple je dis : je laisse mon destin entre vos mains. Si l’opposition gagne, je quitterai la présidence ; si l’opposition gagne les élections, je ne resterai pas là. Je laisse mon destin entre les mains du peuple vénézuélien. »

Efforts vains. Les inconditionnels de l’anti-chavisme ont suivi les consignes de Guaido en restant à la maison. Cela n’eut pas suffi à une abstention à ce point massive, mais la volte-face de Capriles a soustrait aux bureaux de vote une masse considérable d’opposants de la « société civile » soucieux de participer à une normalisation de la vie du pays.

S’y sont joint ceux qui, parmi les mêmes opposants, ont renoncé à aller voter pour des candidats décrits comme « des alliés déguisés du parti au pouvoir ». Ceux qui, dans les milieux populaires, face aux désordres et aux sabotages, ont fini par se démoraliser. Ceux qui rejettent à la fois Guaido et Maduro, rendus conjointement responsables de la crise. Ceux qui, à droite et à gauche, au vu des déclarations des puissances hostiles, ont estimé qu’une nouvelle Assemblée nationale ne changerait rien au harcèlement venu de l’étranger, et donc à leurs difficultés quotidiennes.

Ceux qui, toujours au sein de l’opposition, avaient compris que le torpillage de la droite modérée par le camp Guaido favoriserait in fine la victoire des partisans de Maduro, et n’ont pas pris la peine de se déplacer. Ceux qui, enfin, mais il ne s’agit pas là d’un phénomène majeur, ont préféré éviter la promiscuité des bureaux de vote en période de pandémie [16].

On retiendra sans doute que le taux de participation de 31 % a été inférieur à celui de l’élection présidentielle de 2018 et ses 46,1 %. Toutefois, une autre comparaison s’impose. En 2005, sous Chávez, lorsque l’opposition refusa également de participer aux législatives, la participation ne fut que de 25,3 %.

Fort de son noyau dur de militants et d’une machine électorale bien rôdée, le PSUV (et par extension le GPP) l’a donc fort logiquement remporté et contrôle désormais confortablement l’Assemblée nationale. Refus des diktats de l’étranger, défense de la souveraineté et de la dignité nationales, rejet d’une droite « assassine », parfaite compréhension des tenants et aboutissants de la crise, « communauté émotionnelle » rassemblée autour du souvenir de Chávez, il s’est agi là d’un vote de résistance et de loyauté à l’égard de Maduro.

Avec leur maigre solde de 2,74 %, le Parti communiste et l’Alliance populaire révolutionnaire ont échoué à imprimer leur marque « depuis la gauche ». Le PCV obtiendra même moins de députés que lorsqu’il appartenait au GPP. Parmi les vainqueurs, figurent tous les poids lourds du chavisme : Diosdado Cabello (président de l’Assemblée nationale constituante, qui va disparaître, ayant perdu sa raison d’être), Cilia Flores (épouse de Maduro), Tania Díaz, Iris Varela, Jesús Farias , Ileana Medina (PPT), Mario Silva (journaliste), etc...

La gauche latino-américaine ne s’est pas trompée sur la nature et l’importance de ce scrutin. Elle avait entre autres délégué à Caracas les ex-présidents Rafael Correa (Equateur) ; Manuel Zelaya (Honduras) et Fernando Lugo (Paraguay), renversés respectivement par des coups d’Etat en 2009 et 2012 ; Evo Morales (défenestré en 2019), accompagné d’Andrónico Rodríguez, nouveau président du Sénat bolivien après l’éclatante victoire du Mouvement vers le socialisme (MAS) et de Luis Arce en octobre dernier ; accompagné de quelques eurodéputés, l’ex-chef du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero s’est chargé de sauver l’honneur du Vieux continent [17].


Quant aux opposants élus (voir l’encadré), tout aussi respectables, car il s’agit bien d’opposants, ils espèrent négocier avec le pouvoir des projets de loi urgents, notamment en matière économique, mais aussi agir pour une levée des sanctions américaines, ces mesures illégales qui aggravent le profond marasme économique et social que connait le Venezuela. En quoi ces élus – Bernabé Gutiérrez ou José Brito, pour ne citer qu’eux – seraient-ils moins légitimes et moins représentatifs que les « terroristes modérés » et les « extrémistes démocrates » de la bande à Trump et Guaido ?

LA « MANIP »

La tâche est claire, a proclamé Guaido, dans sa fuite en avant : le 6D (6 décembre), laisser les bureaux de vote vides et le 12, au terme de la Consultation populaire, descendre massivement dans la rue.

Trois questions ont été annoncées le 19 novembre par les organisateurs de cette « consulta » :

Exigez-vous la fin de l’usurpation de la présidence par Nicolás Maduro et demandez-vous des élections présidentielles et parlementaires libres, justes et vérifiables ?


Refusez-vous l’événement du 6 décembre organisé par le régime de Nicolás Maduro et demandez-vous à la communauté internationale de l’ignorer ?


Ordonnez-vous que les mesures nécessaires soient prises devant la communauté internationale pour activer la coopération, l’accompagnement et l’assistance afin de sauver notre démocratie, de faire face à la crise humanitaire et de protéger les populations des crimes contre l’humanité [18] ?


On notera que l’ensemble du questionnaire a pour évident destinataire la « communauté internationale » et que la dernière question se réfère de façon à peine subliminale à la fameuse « responsabilité de protéger » – et donc à une intervention militaire.

Qui pourra voter ? Tout « Vénézuélien de naissance », quelle que soit la ville du monde où il se trouve, inscrit ou non sur les listes électorales, en virtuel (en raison de la pandémie) ou en présentiel. Virtuellement, du 6 au 12 décembre, à travers Whatsapp, Facebook, une application mobile (Voatz) disponible sur Google Store et un site Web (www.consultaporvzla.com). Le 12 décembre, dans n’importe lequel des 3 000 « Points de liberté » installés sur le territoire vénézuélien.


Le but de l’opération et son résultat ont déjà été annoncés par Tomás Guanipa, interrogé par la radio internationale allemande Deutsche Welle : « Il faut mobiliser massivement, et les sondages indiquent qu’il y a davantage de Vénézuéliens prêts à participer à la consultation populaire de l’opposition (qu’au scrutin du 6 décembre). » CQFD. Oui, mais, justement... Qui contrôlera l’opération, en l’absence du Conseil national électoral, par définition écarté de l’opération ? Qui garantit les droits de ceux qui voteraient « non » ? Réponse : personne ! Il n’y aura pas plus de liste électorale, votera qui veut. Afin d’« éviter les persécutions ou les représailles du régime », les données recueillies ne seront pas étayées physiquement.

Même au sein de l’opposition, cette Consultation est désavouée. Plusieurs dirigeants d’Action démocratique – dont Ramos Allup – et de Primero Justicia ont contesté son utilité. Dans son zig-zag incessant, opportuniste et sans réelle conviction, Capriles a décrit l’initiative comme « un appel à une mobilisation sans solutions tangibles ». L’« ultra » María Corina Machado y va de ses anathèmes : « Aujourd’hui, nous, les Vénézuéliens, ne tombons plus dans les manipulations ou les pièges.

Ni farces électorales ni mécanismes qui, à travers des consultations débiles, donnent du temps pour que dure ou se rallonge la tyrannie au pouvoir. » Dans la rue, on le sait, le citoyen de base ne s’intéresse nullement à la question. Beaucoup même ignorent cette initiative


Tout cela n’a qu’une influence relative. Le résultat proclamé après le 12 décembre n’aura aucun rapport avec le vrai ou le faux. Sans aucun contrôle d’aucune sorte ni de qui que ce soit, et connaissant les chiffres de participation aux législatives, il suffira d’annoncer un nombre de votants « infiniment supérieur » et le tour sera joué. Le « gouvernement Guaido » aura démontré qu’il a « le soutien » d’une « immense » majorité des Vénézuéliens. Ce que répéteront, sans aucune possibilité ni volonté de vérification, les commissaires politiques de l’information.

Fort de cette onction, et au nom d’une « continuité administrative » fantasmée, Guaido pourra ensuite prétendre prolonger l’existence de l’actuelle Assemblée nationale, et donc son « gouvernement intérimaire », sans déterminer quand ils se termineront... Ce qui, bien entendu, n’a ni queue ni tête d’un point de vue légal et constitutionnel. Ce qui, entre parenthèses, oublie (ou feint d’oublier) que, dans le « Statut de transition » élaboré en janvier 2019 par le clan Guaido, l’article 13 stipule que l’Assemblée nationale exercera ses fonctions jusqu’au... 4 janvier 2021.


On l’aura compris, la vraie question n’est pas là. S’il ne parvient pas à imposer cette fiction de la « continuité », Guaido n’est plus ni député, ni supposé président de l’AN, ni chef d’Etat imaginaire... Guaido n’est plus rien. En janvier, il ne pourra même plus compter sur ses sponsors Donald Trump, Eliott Abrams ou Mike Pompeo...

SOUS-IMPÉRIALISME ET IMPÉRIALISME

Dès le 7 décembre, le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borrell, a déclaré que l’UE ne reconnaît pas le résultat des élections, « décision approuvée à l’unanimité par les ministres », a-t-il ajouté. Mais Guaido ? « Un processus de discussion concernant l’actuelle Assemblée nationale et le président en exercice s’ouvre aujourd’hui et s’achèvera le 5 janvier », a précisé sans trop se mouiller Arancha González Laya, ministre des Affaires étrangères du gouvernement (socialiste !) espagnol.

Borrell a annoncé son intention de convoquer une réunion ministérielle du Groupe international de contact (GIC) sur le Venezuela – Royaume-Uni, France, Allemagne, Espagne, Italie et plusieurs pays latino-américains –, mais il s’agit là d’un rideau de fumée. Comme toujours, l’UE fera ce que Washington décidera. Sans surprise, les Etats-Unis ont annoncé leur décision de « continuer à reconnaître » Guaido comme « président par intérim » du Venezuela.

Sauf que, dans quelques semaines, avec l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche, les Etats-Unis ne seront plus ce qu’ils étaient. Quant à savoir si, nonobstant un changement de style, ils seront réellement différents...

Dans l’équipe qui va piloter la politique étrangère, tous ont travaillé au sein des administrations démocrates précédentes. Nommé Secrétaire d’Etat, Antony Blinken a été le numéro deux du Département d’Etat sous la présidence de Barack Obama, alors que Biden était vice-président. C’est l’époque pendant laquelle Obama a signé l’absurde et criminel décret exécutif (EO) déclarant une urgence nationale suite à la « menace inhabituelle et extraordinaire du Venezuela pour la sécurité nationale et la politique étrangère des Etats-Unis ».
Prochain conseiller à la fameuse Sécurité nationale, Jake Sullivan a été le bras droit d’Hillary Clinton et, sur les dossiers chauds – Libye, Syrie, Ukraine – a toujours défendu une politique musclée. Plutôt que de spéculer à n’en plus finir sur l’attitude du prochain gouvernement américain, on se référera ici à l’une des déclarations récentes de ce « faucon démocrate » sur la manière dont Washington entend « manger » le Venezuela : « Vous savez, je dirais qu’une solution militaire menée par les Etats-Unis est un trop grand risque ; les Etats-Unis devraient donc se concentrer sur tous les outils non militaires.

Cela signifie qu’il faut doubler les sanctions et continuer à construire la coalition internationale et se concentrer particulièrement sur la séparation de la Chine, de Cuba et de la Russie du Venezuela, par tous les moyens dont nous disposons, car ce sont ses gilets de sauvetage. Maintenant, si les pays de la région, si la Colombie, le Brésil et d’autres, décident qu’ils veulent prendre des mesures plus agressives, c’est à eux de décider. Mais cela ne devrait pas être [19]... »

Un « ce ne devrait pas être » pas vraiment vigoureux. Moins vigoureux en tout cas que la capacité de Cuba à résister au chantage – « vous lâchez Caracas, on assouplit les sanctions » – et que la volonté des Vénézuéliens de ne pas céder aux pressions et aux agressions.Les résultats

*GAUCHE
Grand pôle patriotique (PSUV, PPT, Unidad Popular Venezolana [UPV], Organización Renovadora Auténtica [ORA], Movimiento Electoral del Pueblo [MEP], Podemos, Tupamaro, Somos Venezuela, Alianza para el Cambio) : 4 277 926 voix (68,43 %).
Parti communiste (PCV) et Alternative populaire révolutionnaire (APR) : 168 743 voix (2,7 %)

DROITE
Alliance démocratique (Acción Democrática [AD], Copei, Cambiemos Movimiento Ciudadano [CMC], Avanzada Progresista [AP], El Cambio) : 1 950 170 voix (17,52 %).Venezuela uni (Primero Venezuela, Voluntad Popular) : 259 450 voix que (4,15 %),

AUTRES
Organisations diverses (Soluciones, Movimiento al socialismo [MAS], ProCiudadanos, Unión Progreso, Nuvipa, UPPP89) : 404 017 voix (6,48 %).

* Résultats sur la base d’une transmission de 98,63 % des résultats (Conseil national électoral, deuxième communiqué, 7 décembre 2020).


[1] John Bolton, The Room Where it Happened, Simon & Schuster, New York, 2020.

[2] Cette procédure a déjà dû être utilisée en 2014.

[3] Cinquante-deux pour cent des sièges sont attribués par scrutin de liste à la proportionnelle et 48 % par scrutin uninominal, c’est-à-dire sur le nom d’un candidat.

[4] Telesur, Caracas, 15 novembre 2020.

[5] Argentine, Brésil, Canada, Chili, Colombie, Costa Rica, Guatemala, Honduras, Panamá, Paraguay, Pérou (et à l’origine Mexique, qui s’est retiré). Officiellement non membre, les Etats-Unis tirent les ficelles derrière le rideau.

[6] Sur ce thème : Maurice Lemoine, Les enfants cachés du général Pinochet. Précis de coups d’Etat modernes et autres tentatives de déstabilisation, Don Quichotte, Paris, 2015.

[7] Pendant la présidence de Hugo Chávez, l’opposition, qui redoutait une nouvelle défaite, a également boycotté les élections législatives de 2005.

[8] Citgo : filiale (d’une valeur de 8 milliards de dollars) de la compagnie pétrolière nationale PDVSA. Monómeros : entreprise publique vénézuélienne du secteur de la pétrochimie confisquée par le gouvernement colombien et remise au clan Guaido.

[9] Fondateur de Voluntad Popular, Leopoldo López, le mentor de Guaido, a été condamné pour son rôle dans le déclenchement des violences insurrectionnelles de 2014. Bénéficiant d’une détention à domicile, il a été libéré par les factieux lors de la tentative de coup d’Etat du 30 mai 2020. Il est arrivé le 25 octobre à Madrid après avoir quitté le Venezuela où il était réfugié dans la résidence de l’ambassadeur d’Espagne.

[10] https://elcomunista.net/2020/01/12/puro-show-el-video-que-muestra-como...

[11] El País, Madrid, 6 juillet 2020.

[12] Lire https://www.medelu.org/Une-inoculation-de-bleuite-sous-controle-au-Venezuela et https://www.medelu.org/Baie-des-Cochons-ou-Operation-Mangouste

[13] Expression inventée par le journaliste John O’Sullivan et repris par le représentant du Massachusetts au Congrès, Robert C. Winthrop, en 1845 : « C’est notre destin manifeste de nous déployer sur tout le continent. »

[14] Frère de Bernabe, Luis Gutiérrez, qui avait précédemment affiché son appui à Guaido, avait auparavant accepté de devenir membre du nouveau CNE.

[15] En désaccord avec la décision de faire « bande à part » au sein de cette APR, des militants et dirigeants de Patria para todos et des Tupamaros ont pris le contrôle de leurs partis et se présentent, comme d’habitude, en alliance avec le PSUV.

[16] Le Venezuela n’a comptabilisé à ce jour que 102 000 cas de Covid-19 et un peu moins de 900 morts.

[17] De nombreux intellectuels européens ont signé la pétition de 3 500 personnes remise le 1er décembre au Service européen d’action extérieure (SEAE) : « L’Union européenne doit respecter le résultat des élections législatives au Venezuela ».

[18] Sur les accusations de crimes contre l’humanité, lire : https://www.medelu.org/Venezuela-Contes-et-mecomptes-de-curieux-defens...

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8 janvier 2021 5 08 /01 /janvier /2021 03:07

Le Monde Diplomatique (janvier 2021)

Qui sera le prochain ennemi, demande Serge Halimi : « La carte de vœux de M. Anders Fogh Rasmussen n’a pas attendu la Saint-Sylvestre. L’ancien secrétaire général de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) a résumé ainsi la mission que celle-ci devrait remplir, selon lui, sitôt que M. Donald Trump aura quitté la Maison Blanche : « En 2021, les États-Unis et leurs alliés auront une occasion qui ne se présente qu’une fois par génération.

Celle d’inverser le repli global des démocraties face aux autocraties comme la Russie et la Chine. Mais il faudra pour cela que les démocraties principales s’unissent (1). » Ce qu’ont fait nombre d’entre elles, il y a une génération, justement, en envahissant l’Afghanistan, puis l’Irak. Il est donc temps de s’attaquer à des adversaires plus puissants… »

Laurent Cordonnier nous projette vers le monde d’avant : « À quoi ressemblera l’après-pandémie ? Les politiques déployées pour faire face à la crise sanitaire ont accéléré les tendances de fond qui traversaient les sociétés et inquiétaient les populations : incertitude, précarité, machinisme dévorant, désincarnation des rapports humains. Pour l’essentiel, cette transition vers le capitalisme numérique aura été pilotée par l’État. »

Pour Stéphane Beaud et Gérard Noiriel, les politiques identitaires sont dans l’impasse : « S’il s’enracine dans une longue histoire, le langage identitaire a explosé avec les réseaux sociaux et les chaînes d’information en continu. Jadis réservé à la droite, il imprègne désormais les discours des militants et dirigeants politiques de tous bords, au point de transformer la « race » en variable bulldozer, qui écrase toutes les autres. ».

Alessia Lo Porto-Lefébure décrit la formation à l’américaine pour les dirigeants chinois : « Le président Xi Jinping ne cesse de vilipender les valeurs occidentales et de mettre en avant les « caractéristiques chinoises ». Pourtant, les autorités de son pays ont adopté le programme de l’école d’administration publique de la prestigieuse université Harvard pour former leurs fonctionnaires. Des milliers d’agents suivent ce master, inauguré au début des années 2000 et adapté au contexte national. »

Élisa Perrigueur nous emmène à la frontière gréco-turque, « épicentre des tension » : « L’Union européenne entend sanctionner la politique de plus en plus expansionniste de la Turquie, qui ravive en Grèce les souvenirs des conflits du passé. Ligne de rupture, mais aussi d’échanges entre Orient et Occident, la frontière gréco-turque ne respire plus depuis la crise sanitaire. De Kastellorizo à la Thrace en passant par Lesbos, les deux pays ont pourtant tant de choses en commun, autour de cette démarcation qui fut mouvante et rarement étanche. »

Pour Olfa Lamloum, les braises persistantes de l’esprit de révolte brûlent toujours en Tunisie : « En janvier 2011, la révolte des Tunisiens contre le pouvoir de Zine El-Abidine Ben Ali provoquait une onde de choc dans le monde arabe. Du Maroc à Bahreïn en passant par la Libye, l’Égypte ou la Syrie, le slogan « Le peuple veut la chute du régime » témoignait de la vigueur de la tempête. Aujourd’hui, seule la Tunisie demeure engagée dans une transition démocratique – décevante aux yeux de la population. »

… Où « il n’y a que des faux-culs et des vendus qui veulent te palper : « En janvier 2011, la révolte des Tunisiens contre le pouvoir de Zine El-Abidine Ben Ali provoquait une onde de choc dans le monde arabe. Du Maroc à Bahreïn en passant par la Libye, l’Égypte ou la Syrie, le slogan « Le peuple veut la chute du régime » témoignait de la vigueur de la tempête. Aujourd’hui, seule la Tunisie demeure engagée dans une transition démocratique — décevante aux yeux de la population. »

Pour Pierre Bernin, les menées saoudiennes au Yémen vont vers le fiasco : « Malgré l’intervention militaire d’une coalition dirigée par l’Arabie saoudite et soutenue par les puissances occidentales, la rébellion houthiste accroît son emprise sur le Yémen. Au-delà des ressorts locaux du conflit, ses implications régionales, avec la rivalité irano-saoudienne et l’émergence des Émirats arabes unis en tant que puissance militaire, transforment les équilibres du Proche-Orient et du Golfe. »

Au Cameroun, selon Fanny Pigeaux, Bolloré est en disgrâce : « Soupçonné par la brigade financière italienne d’avoir manipulé les cours de titres financiers, accusé de promouvoir l’extrême droite sur sa chaîne de télévision CNews, l’homme d’affaires français Vincent Bolloré voit également son étoile pâlir dans le fleuron de son empire logistique africain : le Cameroun. S’il y demeure puissant, la perte de la concession du port de Douala signe la fin d’une époque. »

Arnaud Dubien se demande sir le retour de la Russie en Afrique n’est qu’un trompe-l’œil : « Après une longue éclipse, la Russie reprend pied en Afrique, comme le montre son soutien militaire appuyé à la Centrafrique. Présenté par Paris comme une manœuvre sournoise, ce retour signe en réalité la banalisation de la puissance russe. Moscou, qui, par le passé, a soutenu la décolonisation, se contente de remplir son carnet de commandes et de renforcer ses partenariats sécuritaires. »

Pour Owen Hatherley, le parti travailliste britannique se purge et vire à droite : « L’ancien chef du Parti travailliste britannique Jeremy Corbyn vient d’annoncer le lancement du Projet pour la paix et la justice, manière de poursuivre son combat contre les inégalités et l’impérialisme. L’initiative profitera sans doute de la dérive droitière de son successeur à la tête du Labour, M. Keir Starmer, élu pour réconcilier un parti divisé, mais qui s’emploie à en museler l’aile gauche. »

Marlène Benquet et Théo Bourgeron reviennent sur le rôle de la finance britannique lors de la campagne pour le Brexit : « « Folie », « erreur », « coup de poker »… Depuis le référendum de 2016, le Brexit a souvent été présenté comme le fruit d’un malheureux concours de circonstances. Il répond toutefois parfaitement aux attentes d’une frange émergente de la finance, que la réglementation européenne – pourtant soucieuse de cajoler les puissants – dérange encore trop. »

Un dossier d’Étienne Peyrat sur l’origine des conflits en Transcaucasie : « Une haine féroce, des récits irréconciliables : la guerre du Haut-Karabakh a vu s’affronter deux nations que tout semble opposer. Pourtant, Arméniens et Azerbaïdjanais ont longtemps cohabité au sein des empires russe, ottoman ou perse. Dans un espace de peuples mêlés au sud du massif du Grand Caucase, la fondation d’États sur une base territoriale ethno-religieuse a mis le feu aux poudres. »

Pour Martine Bulard, le libre-échangisme contribue au dynamisme économique en Asie : « Pas de trêve attendue dans la confrontation sino-américaine. En signant avec quatorze autres pays asiatiques le partenariat économique régional global, le plus grand accord de libre-échange jamais conclu dans le monde, Pékin a marqué un point. Plus que des retombées économiques, cet accord apporte l’image d’une Asie dynamique, qui sait s’entendre malgré ses divergences politiques et stratégiques. »

Eugénie Mérieau explique pourquoi la jeunesse thaïlandaise est dans la rue : « a jeunesse thaïlandaise est dans la rue. Le 24 juin 2020, ils n’étaient qu’une petite cinquantaine à se retrouver au Monument de la démocratie, dans le centre de Bangkok, pour commémorer l’anniversaire de la révolution de 1932 ayant mis fin à la monarchie absolue dans ce qui s’appelait encore le « Siam », alors seul État indépendant d’Asie du Sud-Est. Trois mois plus tard, le 19 septembre, jour anniversaire du coup d’État militaire de 2006 qui mit un coup d’arrêt à la « transition démocratique », ils étaient plusieurs dizaines de milliers face au Palais royal.

La contestation actuelle s’inscrit dans la continuité du mouvement des « chemises rouges ». né en opposition à ce coup d’État — lequel appelait à « achever » la révolution de 1932 et à réhabiliter sa figure historique, Pridi Panomyong, juriste formé en France dans les années 1920, dans une IIIe République devenue le centre de formation des jeunes révolutionnaires de toute l’Asie.

Mais, en 2010, ce mouvement est réprimé dans le sang : l’armée ouvre le feu sur les manifestants, en tuant quatre-vingt dix et en blessant près de deux mille, de quoi faire taire la contestation sociale. »

Pour Richard Keiser, les États Unis d’Amérique sont de plus en plus désunis : « a jeunesse thaïlandaise est dans la rue. Le 24 juin 2020, ils n’étaient qu’une petite cinquantaine à se retrouver au Monument de la démocratie, dans le centre de Bangkok, pour commémorer l’anniversaire de la révolution de 1932 ayant mis fin à la monarchie absolue dans ce qui s’appelait encore le « Siam », alors seul État indépendant d’Asie du Sud-Est. Trois mois plus tard, le 19 septembre, jour anniversaire du coup d’État militaire de 2006 qui mit un coup d’arrêt à la « transition démocratique », ils étaient plusieurs dizaines de milliers face au Palais royal.
La contestation actuelle s’inscrit dans la continuité du mouvement des « chemises rouges ». né

en opposition à ce coup d’État — lequel appelait à « achever » la révolution de 1932 et à réhabiliter sa figure historique, Pridi Panomyong, juriste formé en France dans les années 1920, dans une IIIe République devenue le centre de formation des jeunes révolutionnaires de toute l’Asie. Mais, en 2010, ce mouvement est réprimé dans le sang : l’armée ouvre le feu sur les manifestants, en tuant quatre-vingt dix et en blessant près de deux mille, de quoi faire taire la contestation sociale. »

Romain Migus analyse la confusion politique au Pérou : « Les Péruviens éliront leur prochain chef d’État en avril 2021, pour la plupart sans grand espoir. Après une cascade de démissions et de destitutions, quatre présidents se sont succédé à la tête du pays depuis la dernière élection, en 2016. Des quatre précédents, élus à partir de 2001, trois ont été inculpés pour corruption et le dernier a préféré se suicider. Comment expliquer une telle instabilité ? »

Sonia Combe pose la question de l’antisémitisme en Allemagne de l’Est : « Dans le débat sur le racisme et la xénophobie qui agite l’Allemagne, l’antisémitisme occupe une place à part. Son écho résonne parfois bruyamment, comme en juillet dernier, à l’ouverture du procès de l’auteur de l’attaque contre la synagogue de Halle, le 9 octobre 2019, qui fit deux morts parmi les passants.

Halle se trouve sur le territoire de l’ex-République démocratique allemande (RDA), cette Allemagne communiste née en 1949 et disparue en 1990. Bien que l’assassin soit né après la chute du Mur, ce fait a conforté les partisans d’une thèse à la mode : si les Juifs sont à nouveau en danger en République fédérale, la faute en incombe à la défunte RDA, comme l’affirme par exemple le professeur de sciences de l’éducation (ouest-)allemand Micha Brumlik.

Dans un article intitulé « À quel point la RDA était-elle brune ? » (c’est-à-dire « nazie »), l’universitaire avance plusieurs éléments à charge : cet État reposait sur des « structures hiérarchiques autoritaires » qui attesteraient une continuité avec le IIIe Reich ; il aurait refusé de procéder à une « confrontation avec son passé » ; il aurait réintégré d’anciens nazis pour s’assurer de leur fidélité en les faisant chanter. Enfin, la RDA, non contente de ne pas indemniser les victimes du génocide et l’État d’Israël, aurait mené une politique antisioniste douteuse avec le soutien de Juifs est-allemands.

« L’antisémitisme est le “socialisme des imbéciles”, avait déclaré le dirigeant social-démocrate Auguste Bebel. L’antisémitisme est le socialisme d’une dictature nommée RDA, est-on tenté de compléter », conclut Brumlik. »

Laurent Binet nous propose un retour salutaire sur les Versets sataniques : « La fatwa prononcée en 1989 par l’imam Rouhollah Khomeiny contre Salman Rushdie a transformé « Les Versets sataniques » en un objet de scandale dont on continue de discuter sans l’avoir lu. Or, si cette œuvre de sept cents pages, qui mêle aventures vécues et rêvées, a été jugée blasphématoire, c’est simplement, estime l’écrivain Laurent Binet, parce qu’un bon roman est le contraire d’un texte sacré. »

Agathe Mélinand revient sur la “ génération de l’inquiétude ” après la Première Guerre mondiale : « Mil neuf cent vingt et un. Ouverte deux ans auparavant, la conférence de la paix a redessiné l’Europe ; Paris semble la capitale artistique du monde. La Grande Guerre a massacré dix millions de soldats, la grippe espagnole fait cinquante millions de victimes. « Plus jamais ça ! » La vie humaine ne valait plus grand-chose, les vieilles valeurs s’étaient écroulées. Les Américains entraient sur la scène internationale, la révolution d’Octobre ouvrait un horizon nouveau et annonçait la polarisation des antagonismes. L’horreur des tranchées accouchait paradoxalement d’une explosion de fête et de créativité.

Dans la France du surréalisme et de dada, le neurasthénique président Paul Deschanel venait de démissionner, le premier congrès du Parti communiste se réunissait. Dans l’Amérique de la Prohibition, le président Warren G. Harding se noyait dans les scandales ; sur fond de grèves et d’attentats, un tribunal du Massachusetts condamnait à mort les anarchistes Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti ; une voiture piégée faisait sauter les bureaux de la banque JP Morgan à Wall Street — quarante morts, des centaines de blessés. »

Nathalie Quintane expose les bienfaits de la dictée : « Personnellement, j’ai jamais vraiment arrêté de donner des dictées. C’est un moment vraiment sympa. Les mômes sont extrêmement concentrés, à faire une seule chose à la fois, impossible de lever le nez sinon tu rates un mot, tout le monde est bien aligné dans la même position, on entend les mouches. Bref, c’est très reposant. Et puis ils sentent qu’ils font quelque chose d’important. En tout cas, ils font comme s’ils le sentaient. La tentation, ce serait de tout dicter histoire d’avoir la paix. Mais ça marche pas.

Si tu dictes autre chose qu’une dictée, t’as le bordel. Le bordel, le brouhaha, ou un peu de bruit, c’est ce que tu as quand tu ne dictes pas une dictée, et ça, faut bien se le mettre dans la tête et le plus vite possible si on veut pas être déçu. Après, il y a des moments de concentration très aigus, seuls ou à plusieurs, mais la qualité de silence que t’as avec la dictée, y a rien de comparable. Seuls les profs qui font régner la terreur l’obtiennent. Je suppose qu’on pense que ces profs-là n’existent plus, mais y en a encore, par petites unités, un par bahut.

Y a un deuxième avantage que t’as avec la dictée c’est à la correction. Rien de plus cool à corriger qu’une dictée : ça demande zéro concentration. Tu peux très bien écouter la radio ou regarder la télé en même temps ; c’est de la mécanique. Toujours les mêmes fautes sur les mêmes mots, du coup tu finis par passer à vitesse grand V sur toutes les copies et t’abats un paquet de trente en une demi-heure max. Y a rien de plus rapide à corriger qu’un paquet de dictées.

T’as des notes, tu les rends, les parents comprennent et tout le monde est content. On a pu faire chier des profs pour une phrase dans Artaud ou dans Zola, un geste ou de l’humour mal compris, mais on a jamais emmerdé personne parce qu’il donnait trop de dictées — en tout cas, j’en ai jamais entendu parler

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27 décembre 2020 7 27 /12 /décembre /2020 02:15

Si l’on en croit nos bons médias internationaux, les États-Unis sont déjà en train de revenir à la « normalité » et – évidemment – Donald Trump c’est déjà du passé. Rien de plus fallacieux que cette vision presque idyllique de la présente passation de pouvoir étasunienne car elle n’a absolument rien à voir avec la très redoutable réalité quotidienne de ce pays.

Si l’on en croit nos bons médias internationaux, les États-Unis sont déjà en train de revenir à la « normalité » et – évidemment – Donald Trump c’est déjà du passé. En somme, une simple parenthèse ou plutôt un accident de parcours condamné à être oublié et à ne pas laisser des traces dans l’histoire de « la plus grande démocratie du monde ». Alors, quoi de plus normal que nos médias se désintéressent de ce personnage qui d’ailleurs « vit ses derniers jours à la Maison Blanche » et dont les activités ne présentent plus aucun intérêt et sont donc... passées sous silence.

Rien de plus fallacieux que cette vision presque idyllique de la présente passation de pouvoir étasunienne car elle n’a absolument rien à voir avec la très redoutable réalité quotidienne de ce pays. En effet, comment nos médias internationaux osent-ils parler de « retour à la normalité » des États-Unis quand on sait que Trump vient d’ ajouter 11 millions de voix supplémentaires (!) à son score électoral de 2016 ? Et aussi, quand 72 % de ses électeurs croient dur comme fer que les élections du 3 novembre ont été truquées et 62 % d’eux encouragent Trump à ne pas reconnaître la victoire de Biden ?

Comment ces médias veulent nous faire croire que Trump n’était qu’une malheureuse « parenthèse », quand les sondages que ces mêmes médias publient – sans les commenter – nous disent qu’il y a 52 millions de fanas de Trump qui le considèrent vainqueur des élections présidentielles et dont la grande majorité se déclarent « prêts à donner leur vie » pour le voir continuer à occuper la Maison Blanche ?

Et aussi, comment les mêmes médias peuvent-ils prétendre que le sort de Trump soit définitivement réglé et ses activités soient sans importance (et par conséquent, pas dignes d’être couvertes par la presse) quand ce Trump continue, jour après jour, à inventer des manœuvres putschistes « légales » et moins légales pour rester cramponné au pouvoir ? Comment donc justifier le fait que des « activités » de Trump comme par exemple l’examen, il y a quelques jours au Bureau Ovale de la Maison Blanche, par lui et ses conseillers de l’éventualité d’instaurer la...loi martiale (!) soit présentée comme une simple... « extravagance » ou, pire, soit censurée et passé sous silence, au lieu de faire les très grands titres des médias et faire paniquer les chancelleries de tout le monde ? (1)

En somme, comment justifier la très dangereuse banalisation de ces agressions caractérisées et répétées contre les fondements de la démocratie quand les media, et surtout les élites politiques du pays, ne les prennent pas au sérieux et se limitent à les qualifier systématiquement de ... lubies ou caprices d’un personnage clownesque ?

On nous rétorquera que ce que Trump pense et fait n’a plus grande importance vue qu’il n’a plus les moyens de matérialiser ses plans antidémocratiques. Manifestement, l’argument est de poids. Mais, que dire de ce que pensent et font les dirigeants du parti républicain et les dizaines des millions de supporters décidés et fanatisés de Trump ? Comment, par exemple, justifier le fait que les médias internationaux imposent systématiquement un « black out » total à des informations d’importance capitale concernant ce qui se passe aux tréfonds de la société étasunienne ? Comme par exemple, toutes ces informations des derniers jours ayant trait à la tentation grandissante des républicains et des États fédéraux gouvernés par eux de faire.... sécession et de se séparer des Etats-Unis au cas où Joe Biden devienne président du pays ?

Simples rumeurs fantaisistes ? Pas du tout quand on sait que c’est par exemple le président du parti républicain du Texas Allen West qui s’est ajouté aux autres élus de son parti prônant la sécession des États-Unis, en lançant l’idée d’une « nouvelle Union des États partageant les mêmes valeurs ». Simple vue d’esprit de quelques dirigeants illuminés ? Pas du tout quand on sait que selon un très récent sondage, 53 % des républicains texans se déclarent en faveur de la sécession de leur (grand) État fédéral si Biden devient président des États-Unis !...(2)

Soyons clairs : ni l’instauration de la loi martiale ni la sécession des États Républicains auraient des chances d’être réalisées dans les conditions actuelles. Cependant, il serait non seulement irresponsable mais surtout criminel ne pas en tenir compte et ne pas se préparer pour affronter ces « tentations » de Trump et de son « peuple ». Pourquoi ? Mais, parce que la seule certitude qu’on peut avoir par les temps qui courent, c’est ... qu’il n’y a plus aucune certitude.

Et aussi, parce que tout peut désormais arriver dans un pays comme les États-Unis d’aujourd’hui, traversés par une crise historique de leur bipartisme et de leurs institutions, en proie à un faisceau de crises sanitaire, économique, sociale, politique et morale dévastatrices, et dont la société est divisée, polarisée et radicalisée comme jamais auparavant.

Évidemment, il n’est pas du tout surprenant que tous ceux, médias internationaux inclus, qui, durant ces quatre derniers ans, ont tout fait pour protéger Trump refusant d’informer l’opinion publique de ses innombrables lubies et autres dérives antidémocratiques, racistes, autoritaires, misogynes et fascistes, prônent aujourd’hui l’apaisement au lieu de donner l’alarme. Exactement comme leurs ancêtres de l’entre-deux guerres fermaient les yeux devant la catastrophe annoncée et pratiquaient la tristement célèbre politique d’apaisement envers Hitler. Nul doute que dans les deux cas, cette extraordinaire...discrétion servait et continue de servir le même objectif : éviter de laver en public le trop sale linge des élites au pouvoir et empêcher ceux d’en bas venir perturber le festin de ceux d’en haut...

Alors, circulez, il n’y a rien a voir. Ou comme le disait le premier ministre anglais Chamberlain à son retour de Munich où il avait signé, avec son homologue français Daladier, les si tristement célèbres Accords de Munich qui donnait carte blanche à Hitler, « Mes bons amis,...retournez à la maison et et dormez paisiblement ” (Go home and get a nice quiet sleep. »). Et tant pis pour ceux qui persistent à alerter – malheureusement, en vain – les gauches européennes, les avertissant du danger mortel que continue et continuera a représenter Donald Trump. Ce même Trump qu’un vieillard manifestement gauchiste et libertaire du nom de Noam Chomsky n’hesite pas de qualifier, avec raison, de “plus dangereux criminel de l’histoire humaine” !

Notes

1. Bien révélatrice de la « discrétion » avec laquelle les médias traitent les pires provocations antidémocratiques et putschistes de Trump, est la façon, pour le moins « curieuse » et atypique, choisie par le New York Times pour présenter la nouvelle de cette réunion (semble-t-il orageuse) au Bureau Ovale. Ce grand journal a préféré ne pas trop insister sur ce qui était son propre grand scoop journalistique : son article relatant cette réunion à la Maison Blanche était tout petit et perdu en bas de la première page tandis que son titre ne trahissait en rien que Trump et ses conseillers avaient discuté l’opportunité d’instaurer... la « Loi Martiale » !

2. Il est à noter que la présente résurgence des tentations sécessionnistes de la part des Républicains, suit celles des certains Démocrates aux pires moments du règne de Trump. En Avril 2020, nous avions d’ailleurs insisté sur le cas spécifique de la Californie (voir notre article « Trump le pyromane déjà à l’œuvre incendiant le peu qui reste de la démocratie américaine !”, alors que s’y renforçaient les tendances sécessionnistes. Un récent article du Los Angeles Times relatant les prises de position sécessionnistes des républicains Texans, nous informe d’ailleurs que les tentations sécessionnistes continuent de gagner du terrain chez les démocrates californiens...

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22 décembre 2020 2 22 /12 /décembre /2020 00:30

Les médias bourgeois et le Parti démocrate célèbrent le nouveau gouvernement de Joe Biden comme « le plus diversifié de l’histoire des États-Unis ». Ils clament que la nomination de femmes, d’Afro-Américains et de Latinos à des postes clés du gouvernement est un signe de progrès social considérable. En réalité, la coalition arc-en-ciel de réaction impérialiste de Joe Biden résume et dévoile l’essence de droite de la politique identitaire.

Nulle part l’excitation n’est plus palpable qu’à la rédaction du New York Times, un des principaux partisans de la politique raciale et de genre. Ce dernier a déclaré que le président élu avait « signalé son intention de puiser dans un échantillon représentatif de l’Amérique pour constituer son cabinet ».

Le Times écrit : « Contrairement au cabinet du président Trump, qui est plus blanc et masculin que tous les autres en près de 40 ans, la liste des principaux conseillers de M. Biden promet de refléter les sensibilités du XXIe siècle ». Il cite des déclarations d’assistants de M. Biden affirmant que le nouveau cabinet « ressemblera à l’Amérique ».

Quelle que soit la couleur de peau des membres du cabinet, le gouvernement Biden ne pensera pas comme l’Amérique. La population des EU exige un changement social massif pour faire face à la pandémie mortelle, à des inégalités et à un désespoir social sans précédents.

Bien que plus de sept Étasuniens sur dix soient pour un système de santé universel, on ne trouvera pas pour cela de soutien au sein du cabinet Biden. Il en va de même pour plus de six Étasuniens sur dix qui veulent une scolarité gratuite et l’annulation de la dette pour les étudiants. Ils seront « représentés » par un cabinet où siègent des partenaires de fonds d’investissement de races et de genre différents.

Si huit personnes sur dix sont désormais pour détourner de l’argent destiné à la police et de l’utiliser pour soutenir des programmes sociaux suite aux manifestations multiraciales de cet été, dans tout le pays, contre la violence policière, Biden lui, s’est engagé à augmenter le financement de la police.

Et pour plus de 75 pour cent des Étasuniens qui souhaitent le retrait des troupes d’Afghanistan et d’Irak, et qui soutiennent la réduction des dépenses militaires, le cabinet multiracial de Biden leur donnera exactement le contraire.

Les candidats ne sont pas des pionniers de leur race ou de leur sexe, ce sont des criminels sociaux :

Avril Haines, ancienne directrice adjointe de la CIA, sera la première femme directrice du renseignement national. Haines a été l’architecte du programme d’assassinat par drone de l’administration Obama, qui a tué des milliers d’Africains, d’Arabes et de Centrasiatiques appauvris, sans tenir compte du sexe des victimes.

Alejandro Mayorkas sera le premier Latino à diriger le département de la sécurité intérieure. Cela n’apportera pas de réconfort aux centaines de milliers d’immigrants latinos (et autres) qu’il fera expulser dans les mois et années à venir. Ou encore aux enfants d’immigrants qu’il a emprisonnés dans des cages lorsqu’il était secrétaire adjoint du DHS de 2013 à 2016.

Janet Yellen sera la première femme secrétaire au Trésor, après avoir contribué à la mise en œuvre de la politique d’assouplissement quantitatif. Ce mécanisme a permis de transférer des dizaines de milliards de dollars aux banques tous les mois sous les gouvernements Bush et Obama, tout en n’apportant aucun soutien aux millions de victimes de saisies immobilières.

Linda Thomas-Greenfield, une Afro-Américaine, sera ambassadrice aux Nations unies. Thomas-Greenfield a travaillé au département d’État pour aider les sociétés pétrolières et minières étasuniennes à extraire les ressources des pays les plus pauvres du monde.

Bien qu’elle ne soit pas officiellement membre du cabinet, la vice-présidente élue Kamala Harris – première femme et première Afro-Américaine à occuper ce poste – a fait sa carrière de « procureure noire » en broyant la vie des personnes, pour la plupart démunies, qu’elle a incarcérées.

Et puis il y a les hommes blancs, dont les bilans ne sont ni plus ni moins criminels que ceux de leurs homologues féminins et issu de minorités.

Antony Blinken, nommé au poste de secrétaire d’État, a contribué à l’orchestration des guerres en Syrie, en Libye et au Yémen. Il était partenaire d’une société de capital-investissement et a co-fondé WestExec Advisors, qui travaille avec les services de renseignements israéliens et a contribué au développement des outils de censure de Google. L’ancien secrétaire d’État John Kerry, partisan de l’intervention en Syrie et du coup d’État de 2013 ayant instauré en Égypte la dictature meurtrière d’al-Sisi, sera lui, « tsar du climat ».

Quant aux personnes présélectionnées pour d’autres postes ministériels, le Times retient son souffle à la perspective de voir Tammy Duckworth devenir la première femme thaïlandaise handicapée à occuper le poste de secrétaire à la Défense. L’ancien maire de South Bend, dans l’Indiana, Pete Buttigieg, pourrait lui, être le premier secrétaire aux Transports ouvertement gay.

Ces serviteurs de Wall Street et de l’impérialisme étasunien n’ont rien en commun avec les travailleurs de « leur » race, genre ou orientation sexuelle. C’est la classe, et non l’identité, qui constitue la ligne de démarcation fondamentale de la société américaine.

C’est ce qui était bien visible mardi, à la conférence de presse surréelle annonçant le cabinet. Biden y a très peu parlé de la pandémie de coronavirus, qui ravage actuellement le pays et le monde, se concentrant plutôt sur les « histoires personnelles » des candidats susmentionnés. Lorsque leur tour est venu de prendre la parole, les nominés se sont félicités, ainsi que leurs proches, de l’avancement de leur carrière.

En attendant, dans le monde réel, 260 000 Étasuniens sont morts de la pandémie et un hiver désastreux est aux portes. Parmi ces morts, on compte un nombre disproportionné de pauvres et de travailleurs de toutes origines, que le gouvernement a contraint de retourner travailler pour les profit du patronat. Ils n’ont pas pu se réfugier dans des résidences secondaires ou une troisième villa à la campagne. Ils n’avaient pas les moyens de s’offrir des soins adéquats et pour beaucoup les problèmes de santé sous-jacents (maladies cardiaques, obésité, tabagisme) sont la marque de générations de pauvreté et d’oppression.

La politique bipartite de la classe dirigeante consiste à alimenter les marchés avec de la mort comme le charbon alimente le train à vapeur. Biden a assuré au patronat qu’il n’y « aura pas de confinement national », tandis que démocrates et républicains ont conspiré pour s’assurer qu’il n’y n’aurait pas d’augmentation substantielle des allocations pour les chômeurs.

Dans les deux jours qui ont suivi l’annonce par Biden de ses choix ministériels, le Dow Jones Industrial Average a grimpé de près de 1 000 points, battant des records et franchissant la barre des 30 000 points. Les couches aisées de toutes origines et de tous genres s’enrichissent de manière obscène tandis que les travailleurs de toutes races sont confrontés à des catastrophes plus graves les unes que les autres.

La sélection du cabinet de Biden montre que la politique fondée sur la race, le genre et l’orientation sexuelle est devenue une partie fondamentale des efforts du Parti démocrate pour diviser les travailleurs, s’enrichir et se présenter faussement comme "représentatif" des larges masses, qui en réalité ont nulle représentation, où que ce soit au gouvernement.

Pendant ce temps, Trump et ses partisans fascistes profitent du mécontentement vis-à-vis des démocrates obsédés par la race. Trump a doublé son soutien parmi les hommes et les femmes noirs lors des élections de 2020 et a triplé son soutien parmi les LGBT. Dans le même temps, l’extrême droite voit des opportunités de recrutement parmi les jeunes blancs qui n’ont aucune perspective d’avenir et sont fatigués de s’entendre dire par les démocrates qu’ils ne sont que de « déplorables » racistes qui méritent bien leur désespoir.

Afin de répondre immédiatement aux besoins sociaux des travailleurs du monde entier, les billions de dollars thésaurisés par les riches doivent être saisis et mis à disposition pour soulager la souffrance humaine. Cela exige le plus grand degré possible d’unité de tous les travailleurs dans une lutte commune.

La classe ouvrière mondiale est constituée de milliards de personnes qui occupent des milliers d’emplois différents, parlent des centaines de langues différentes et ont des centaines de religions et de coutumes locales différentes. Leur peau, leurs cheveux et leurs yeux sont de toutes les couleurs. Pendant des centaines d’années, dans chaque pays, la bourgeoisie a tenté d’apprendre aux travailleurs à se haïr les uns les autres sur la base d’une pseudo-science, du mensonge et de la violence.

La grande tâche historique des socialistes est de combattre le long héritage du communalisme et de la politique raciale afin de faire prendre conscience à cette force sociale massive et hétérogène de son immense puissance sociale. Les riches partisans de la politique identitaire qui se prétendent « de gauche » sont des adversaires acharnés de la lutte historique pour l’unification de la classe ouvrière internationale. C’est pourquoi il faut s’y opposer sans aucun compromis.

26 novembre 2020

(Article paru d’abord en anglais le 25 novembre 2020)

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14 décembre 2020 1 14 /12 /décembre /2020 04:53
Joseph Biden : « les États-Unis sont prêts à diriger le monde ».

Dès qu’un politicien s’installe à la Maison-Blanche, c’est plus fort que lui : il faut qu’il se mette à régenter les affaires du monde, qu’il se coule dans le moule de la vocation planétaire de la nation providentielle.

Dans le discours que les États-Unis tiennent sur eux-mêmes depuis leur fondation, une chose est incontestable : c’est une nation exceptionnelle. Bush ou Obama, Trump ou Biden, rien n’y fait. Enfoui dans l’inconscient collectif, ce postulat identitaire traverse l’histoire.

Comme un témoin qu’on se passe furtivement d’un président à l’autre, il demeure intact, immaculé comme les Tables de la Loi. Car il est bel et bien de l’ordre de la structure, non de la conjoncture. La singularité des États-Unis, c’est qu’ils se croient dépositaires à vie d’un imperium planétaire.

C’est qu’ils se projettent au-delà des mers, au nom d’une vocation civilisatrice qui révèle surtout la haute idée qu’ils se font d’eux-mêmes.

Rien n’est moins laïque, et plus hostile à la laïcité bien comprise, que l’idéologie étasunienne. La nation d’exception drape son appétit de puissance dans les plis de la liberté, de la démocratie et des droits de l’homme, en effet, comme si ces entités abstraites figuraient des divinités qu’elle avait pour mission de servir en pourfendant les méchants.

Puisqu’elle est l’incarnation du Bien, le monde n’est-il pas à sa disposition, objet passif de ses élans salvateurs ? Dispensatrice d’une justice immanente taillée à sa mesure, la nation au « destin manifeste » ne fixe aucune limite à son aura bienfaisante, car elle y voit la conséquence légitime de sa supériorité morale. Sa proximité avec le Bien sanctifiant sa puissance terrestre, elle pourchasse sans répit les forces maléfiques et les immole en expiation de leurs crimes.

Durant la campagne, Joseph Biden a promis qu’il en finirait avec les « dictateurs comme Castro et Poutine ». Revendiquant son élection, il déclare que « les États-Unis sont prêts à diriger le monde ». Dès qu’un politicien s’installe à la Maison-Blanche, c’est plus fort que lui : il faut qu’il se mette à régenter les affaires du monde, qu’il se coule dans le moule de la vocation planétaire de la nation providentielle. Washington vient d’accuser Pékin de vouloir « dominer le monde », mais il faut être frappé de cécité volontaire pour ne pas voir dans cette accusation une inversion maligne.

Car la conviction de l’élection divine, l’identification au Nouvel Israël et le mythe indécrottable de la « destinée manifeste » déclinent, sur tous les tons, la prétention ahurissante de l’oligarchie étasunienne à se soumettre la planète. Se considérant comme le sel de la terre, les puritains avaient déjà donné le signal de la conquête des « terres vierges », c’est-à-dire du massacre à grande échelle des Peaux-Rouges assimilés aux Cananéens et aux Amalécites.

Tout ce qui vient de la nation élue de Dieu n’appartient-il pas derechef au camp du Bien ? Le succès de la conquête du Nouveau Monde, bientôt vidé de ses habitants, a persuadé les Américains qu’ils appartenaient au peuple élu. Elle leur a communiqué la conviction que leur puissance était la récompense divine de leurs qualités intrinsèques.

Une auto-désignation comme incarnation du Bien qui a contribué à accréditer l’idée, bien plus tard, que l’histoire trouvait sa fin avec l’effondrement de l’Union soviétique. Le triomphe des États-Unis réalisait ainsi la forme la plus aboutie de la démocratie libérale. Dans une majestueuse apothéose, il donnait corps au sublime idéal de l’économie de marché. Avec le triomphe de la démocratie libérale, la république universelle, enfin, se profile à l’horizon.

Ce paradis démocratique, dispensateur de ses bienfaits à la planète entière, qui d’autre que l’Amérique pourrait l’incarner ? Ses exploits accomplissent le dessein divin, et la providence conduit au triomphe du Bien sous le regard ébloui des peuples reconnaissants. « Lumière des nations », l’Amérique les guide avec fermeté vers la Terre promise d’un monde réconcilié.

Frappante, chez les Américains, est la façon dont leur bonne conscience coïncide avec leur délabrement. Le PIB par habitant est colossal, mais 20% de la population croupit dans la pauvreté. La violence règne, et les détenus américains représentent 25% des prisonniers de la planète. Plus de 30% de la population est frappée par l’obésité, et la crise sanitaire fait des ravages. L’espérance de vie est passée derrière celle des Cubains.

Mais ces péripéties sont de mesure nulle devant l’essentiel, et le réel a l’obligeance de se faire discret. Moralement parfaite, une Amérique imaginaire se présente alors comme un système achevé, effaçant toute trace de contradiction et envisageant l’avenir avec confiance. C’est étrange, mais même pour évoquer les catastrophes dont ils sont responsables, les dirigeants de ce pays ont toujours le sourire.

La nation exceptionnelle, il est vrai, exerce ses effets bienfaisants quoiqu’il advienne. Parce que l’Amérique est vouée par décret divin à devenir l’empire des temps derniers, son futur et son présent sont déjà compris dans son origine. Investie d’une mission planétaire, elle accueille sa « destinée manifeste » en un geste salvateur qui défie l’espace et le temps. C’est pourquoi une narration édifiante ne cesse d’exalter son génie. Réécrivant sa propre histoire à la façon d’une histoire sainte, l’Amérique percute le droit international avec le droit divin. Le nationalisme américain n’est pas un nationalisme ordinaire : il traduit l’orgueil d’une puissance qui postule sa coïncidence avec l’ordre voulu par le Créateur. Des Pères fondateurs quittant l’Europe pour fonder une société vertueuse aux victoires héroïques remportées sur les forces du mal, l’histoire américaine est plus qu’une histoire : c’est la parousie du Bien.

Le triomphe irrésistible de l’Amérique, dès lors, n’est rien moins que la recréation miraculeuse du paradis perdu. Mais pour accomplir sa mission, la puissance bienfaitrice compose aussi avec l’enfer. Les forces maléfiques, les récalcitrants, les rebelles à l’ordre impérial voulu par Dieu, il faut les soumettre à l’épreuve du feu, à la robuste pédagogie du tapis de bombes et à la didactique virile des supplices made in CIA. La guerre menée au nom du Bien est régie par un principe auquel elle ne déroge jamais : c’est un produit d’exportation.

On introduit la violence dans les autres pays comme on y exporte des marchandises. Cette guerre de l’Occident salvateur vassalisé par Washington est la poursuite de la politique par d’autres moyens, comme disait Clausewitz. Mais qu’elle frappe des populations ou des États, c’est surtout une guerre morale, propre, chirurgicale, celle que l’on mène contre la « barbarie » et la « dictature ».

Forme paroxystique du rapport Nord-Sud, métaphore sanglante du développement inégal, elle frappe au dehors, jamais au-dedans du monde « civilisé ». Reproduisant la dualité du monde, elle épouse docilement la fracture planétaire. Guerre des riches contre les pauvres, elle est à l’image de ces chapelets de bombes largués sur les Coréens, les Vietnamiens, les Cambodgiens, les Laotiens, les Irakiens, les Palestiniens, les Syriens, les Libyens, les Afghans, les Yéménites. $

Son symbole, c’est le B 52, le napalm, le chasseur F-15, le missile Tomawhak, le drone Predador, toute cette machinerie sophistiquée de la mort administrée à distance, sans risque, sans faux frais pour les exécutants de la punition venue du ciel. C’est aussi la guerre par procuration, l’embargo, le blocus, la guerre économique, la déstabilisation insidieuse, l’action clandestine, les coups d’État fomentés par la CIA, la manipulation de la terreur, les Freedom Fighters du jihad global et du takfir sponsorisé, toutes ces guerres du « monde libre » dont les démocraties sont friandes, sous la conduite d’un empire qui se prend pour la puissance vengeresse. L’Amérique, c’est le Fléau du Bien.

Bruno GUIGUE

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11 décembre 2020 5 11 /12 /décembre /2020 05:00

Subventions d’État au grand Capital licencieur, ou le scandale permanent du capitalisme monopoliste d’État à l’heure de la construction européenne

Co-secrétaire national du PRCF,

VOUS AVEZ DIT “LIBÉRALISME” ?

Depuis des décennies, on nous rabâche, du collège à l’Université, sur presque tous les médias, et sur tous les tons, que nous vivons dans une société “libérale” et que le “néolibéralisme” est notre lot. Ceux qui sont un peu plus critiques politiquement, mais qui n’en barbotent pas moins dans l’illusion idéologique, parlerons, pour le condamner, de l’ “ultralibéralisme” ou du “turbo-capitalisme”. En fait, le Traité de Maastricht, relayé par tous les traités européens qui lui ont succédé, définit l’Union européenne comme une “économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée”.

Au nom de cet article inamovible qui forme le cœur de la “construction” européenne et des constructions politico-économiques analogues sur d’autres continents (ALENA, MERCOSUR, ASEAN...), les États nationaux et leur personnel politique dirigeant s’interdisent de nationaliser les grandes banques et les autres entreprises présentant un caractère stratégique pour leurs nations respectives. Interdiction du même coup de planifier scientifiquement et démocratiquement le développement économique, le déploiement du progrès social, la répartition des “gains de productivité”, de stopper les délocalisations industrielles et servicielles ravageuses et, bien entendu, d’interdire les licenciements collectifs relevant de la “loi du marché”.

Pire, comme on le voit en France depuis au moins 1992 (date où le Traité de Maastricht obtint 5O,8% à un référendum où Chirac et Mitterrand appelaient tous deux à voter Oui), les gouvernements français successifs privatisent à tour de bras les prétendus “monopoles publics” (comme EDF, Gaz de France, la SNCF, France-Télécom, la Poste, Air France, l’Aérospatiale, les autoroutes, etc.)... pour mieux créer, en réalité, des monopoles ou des oligopoles capitalistes privés comme SANOFI, Bolloré, ou ENGIE, alias Suez. Et ce fut encore plus vrai à l’époque du gouvernement Jospin, dit “de la gauche plurielle” et flanqué de ministres “communistes” (Gayssot, Buffet, Demessine) et “verts” (Voynet), qui, entre 1997 et 2002, a privatisé plus vite encore que les gouvernements de droite précédents, le secteur public français, des Caisses d’épargne à France-Télécom en passant par Air-France et la SNECMA. C’est d’ailleurs le “socialiste” Rocard, grand “européen” lui aussi qui avait engagé la privatisation de Renault, en profitant au passage pour décapiter la C.G.T. de l’entreprise et pour fermer Renault-Billancourt, épicentre de la grève de 1968...

LIBÉRALISME POUR QUI ?

Il est bien vrai en un sens que cette politique, totalitairement imposée dans toute l’Europe par la Commission de Bruxelles à coups d’amendes et de “sanctions”, est “libérale” ; mais pour QUI l’est-elle vraiment, si ce n’est pour les grands groupes capitalistes de taille continentale ou mondiale qui peuvent ainsi en toute “liberté” démolir les conquêtes sociales des salariés, pratiquer le moins-disant environnemental et social à l’échelle transcontinentale, multiplier les juteuses fusions capitalistes nationales (VEOLIA/ENGIE ?) et surtout désormais, continentales et transcontinentales tueuses d’emplois (Renault-Nissan, PSA-Chrysler-FIAT, Alstom/Siemens ou Alstom-G.E., etc.) : en un mot, piétiner “librement” le monde du travail et l’intérêt national véritable (deux notions qui n’en font qu’une quand cette expression d’ “intérêt national” n’est pas dévoyée dans un sens impérialiste).

Non seulement l’UE permet aux trusts de surexploiter et de déclasser des millions de salariés jugés “trop chers” (délocalisation réelle ou chantage à la délocalisation, c’est tout un), mais elle les aide à écrabouiller de manière ô combien “libérale” les petites entreprises ou à les asservir : car à tout instant plane sur la tête des artisans, des petits industriels, des petits agriculteurs, et plus encore, sur celle des salariés privés de droits de nombre de PME (sans parler de ce patronat fictif que sont les travailleurs ubérisés et autres “auto-entrepreneurs”), une “concurrence” d’extension planétaire dont l’échelle et les règlements volontairement tatillons privilégient les seules entreprises réellement aptes à se livrer à la “concurrence “non faussée”, c’est-à-dire en réalité, les monopoles capitalistes liés aux banques ; les petites et moyennes entreprises sont ainsi priées, en toute “liberté d’entreprendre”, d’écraser leurs prix, et avec eux, les salaires de leurs employés, de ramper pour avoir les marchés, d’entrer en compétition avec des géants internationaux pour la moindre adjudication de ville, de sous-traiter pour des “donneurs d’ordre” tyrannique, notamment pour la grande distribution.

Ou, plus simplement, comme il arrive à des centaines de milliers de “patrons” de TPME ou d’auto-entrepreneurs... de “gicler” purement et simplement (avec des centaines de suicides à la clé chaque année dans le monde paysan).

Ne parlons pas du rôle dévolu par ce système “libérateur” aux ex-pays socialistes de l’Est : leur industrie socialiste et leurs acquis sociaux incomparables ont été liquidés, en vertu d’une “thérapie de choc” terrible, en préalable à leur annexion par l’UE (et dans la foulée, par l’OTAN !). Ni du devenir des pays du Sud, quasi-interdits de développement industriel et agricole, si ce n’est de type néocolonial (fixé par les besoins des trusts des pays riches) : il est clair qu’une jeune industrie nationale partant de zéro, ou disposant au départ de peu de financement, de technologie et peu de débouchés propres, ne pourra pas sérieusement concurrencer, sans droits de douane nationaux, les mastodontes capitalistes des pays dominants déjà installés sur le marché et préemptant les matières premières, les semences agricoles, etc. Ce n’est pas pour rien qu’en France, pour créer l’industrie, Colbert a dû mettre en place une industrie d’État, réglementer fermement les importations : chacun sait que dans notre pays, il n’y aurait jamais eu d’industrie sans l’intervention planificatrice d’un État et que, contre-épreuve de la même hypothèse, notre industrie nationale s’effondre littéralement depuis que l’État français, esclave volontaire de la “construction” européenne, s’interdit à lui-même de nationaliser, de protéger et de planifier...

“LIBÉRALISME” INTERNATIONAL ASYMÉTRIQUE ET BLINDÉ DE CRYPTO-PROTECTIONNISME

Notons aussi que, même à ce niveau continental et transcontinental, le prétendu “libre-échange mondial” est une fiction : en réalité, les États capitalistes les plus puissants, et centralement pour ce qui concerne notre pays, les États-Unis d’Amérique et l’Allemagne capitaliste unifiée (vraie maîtresse de l’UE) se sont dotés par mille moyens d’outils crypto-protectionnistes ou ouvertement tels (droits de douanes antichinois de Trump, “sanctions économiques” prétendument destinées à défendre les droits de l’homme à géométrie variable qui frappent les rivaux actuels ou potentiels du grand capital yanqui, notamment la Chine, embargos divers strangulant la Russie, la Chine, l’Iran, le Venezuela, la Biélorussie, et bien entendu, la vilaine et indomptable “bête rouge” cubaine !). On pourrait aussi invoquer les innombrables normes “sanitaires” (et de plus en plus “écologistes”) imposées par l’Oncle Sam pour fermer son territoire aux exportations des pays dominés. À tout prix, il s’agit de filtrer l’entrée des concurrents réels ou potentiels sur leur marché intérieur et de permettre asymétriquement aux trusts des pays-leaders d’envahir les marchés de l’Est et du Sud sans que la réciproque soit possible.

L’EURO, MONNAIE CRYPTO-PROTECTIONNISTE ; L’ENTENTE MONÉTAIRE INTER-IMPÉRIALISTE GERMANO-ÉTASUNIENNE ET LA CRISE ACTUELLE DE CETTE ENTENTE

A lire : l’euro a déjà coûté 56 000€ à chaque français. Sortir de l’euro, une urgence !

Le principal de ces outils déloyaux permettant la “concurrence” libre (pour les États riches) et systématiquement faussée, est le couple monétaire conflictuel : complice (comme deux mafias peuvent à la fois s’allier pour piller une ville tout en s’attrapant périodiquement à la gorge) que forment...

d’une part le dollar : une étrange monnaie mondiale non convertible en or et gagée, en réalité sur la puissance sans équivalent (80% des armes mondiales sont étasuniennes ! Qui ira jamais sommer l’Oncle Sam de rembourser ses énormes dettes ?) de l’armée des États-Unis ; ce qui vaut bien une guerre par an en moyenne pour soutenir la peur, non du gendarme, mais du voleur. D’autant que des projets de monnaie internationale court-circuitant le dollar courent ou ont couru depuis des années (entente entre la Russie et la Chine pour échanger sans passer par le dollar, projet libyen de monnaie africaine autonome – qui a sans doute largement provoqué le renversement et le lynchage “humanitaire” de Khadaffi...),

et d’autre part la zone euro-mark cœur de la “construction” européenne centrée sur Berlin. Gagée sur le Deutsche Mark fort, la monnaie unique européenne garantit à la RFA une sorte de marché européen captif permanent, tout en laissant – pour combien de temps encore ? – le dollar plus faible dominer mondialement.

Ainsi les “vaches” respectives de l’Oncle Sam et de l’Ami Frantz étaient-elles initialement bien gardées. Car de la sorte, les EU et la RFA impérialistes et hégémoniques peuvent-ils se “répartir” mondialement et continentalement les zones d’influence et les marchés. De cette manière, Berlin “tond” sans cesse l’Europe de l’Est (paradis des délocalisations capitalistes, réservoir de main-d’œuvre bien formée et bon marché pour l’Occident) et l’Europe du Sud, transformé en débouché largement passif et impuissante à pénétrer sérieusement le marché industriel de l’Europe du Nord (les soi-disant “États frugaux” attachés à l’Allemagne capitaliste).

En outre, en raison du différentiel de monnaie entre euro fort et dollar faible, l’Europe allemande promettait initialement de ne pas envahir le marché américain. Bien entendu, ce compromis crypto-protectionniste entre les deux requins impérialistes que sont à égalité Berlin et Washington (et ce compromis crypto-protectionniste, le PRCF est seul jusqu’ici à l’avoir repéré et dénoncé) est nécessairement fragile et c’est ce qui explique les tensions actuelles entre Trump et Merkel : à coup d’euro fort, l’Allemagne capitaliste a tué ou asservi les industries plus faibles des pays du Sud, France incluse, et transformé en néo-colonies de main-d’œuvre les ex-pays socialistes de l’Est, Pologne, pays baltes, ex-Tchécoslovaquie et ex-Yougoslavie.

Les pays sud-européens ne pouvaient en effet contre-attaquer au moyen de “dévaluations compétitives” comme ils le faisaient quand n’existait pas la monnaie européenne calée sur le mark. Mais ce système est nécessairement voué au déséquilibre et à son autonégation dialectique.

Ayant fini par ruiner les pays du sud européen, les prétendus “PIGS” (Portugal, Italy, Greece, Spain), l’Allemagne a changé de braquet ; l’euro a été systématiquement affaibli par la BCE et sa politique faisant tourner la “planche à billets”. Et du coup, les Mercedes ont envahi... le marché étasunien dont la réaction antigermanique et anti-UE, mais aussi anti-chinoise, s’appelle Donald Trump.

Bien entendu ces deux méga-prédateurs qui s’auto-baptisent “Communauté internationale” continue de s’entendre comme larrons en foire pour frapper les pays du Sud, protéger le capitalisme mondial, conjurer le retour toujours possible des communistes et des révolutionnaires, voire préparer ensemble une bonne guerre contre la Chine et/ou contre la Russie.

Mais, l’idylle EU/Europe allemande sous domination absolue du premier – qui durait depuis l’entre-deux-guerres et plus encore, depuis 1945 et le financement américain de la forteresse Allemagne (contre l’URSS, mais aussi, contre la France, cf les livres d’Annie Lacroix-Riz) est désormais terminée. N’en déduisons pas qu’ils vont se prendre au collet, du moins immédiatement, ils ont trop d’intérêts communs pour cela et peuvent, encore une fois, se réconcilier pour agresser la Russie ou la Chine... tout en continuant ensemble à avancer s’ils le peuvent en Ukraine, en Biélorussie, dans le Caucase, etc.

“AIDE À L’EMPLOI = AIDE PUBLIQUE AUX LICENCIEMENTS DE MASSE”. Aberration ou effet systémique ?

Mais il faut voir aussi et surtout l’aspect caché de cette politique économique que révèle crûment la multiplication des licenciements dans des entreprises capitalistes gavées d’argent public par Macron et Cie (et avant lui par le CICE sarkozyste et par le Pacte de responsabilité hollandien), et cela sans aucune contrepartie sérieuse du côté patronal. Cette politique de subventionnement massif du profit privé par l’argent public aboutit à une contradiction potentiellement révolutionnaire quand l’argent du contribuable distribué à tire-larigot au titre de l’emploi sert à... délocaliser massivement et à supprimer les emplois industriels restants. Il faudrait aussi parler de la manière dont en 2008 les États bourgeois, et la France sarkozyste a donné l’exemple, ont sauvé les banques privées de la faillite en s’endettant eux-mêmes colossalement... auprès des mêmes banquiers, faisant ensuite payer les peuples (euro-austérité) au nom du “remboursement de la dette”.

A lire : tout savoir du CICE

tout le monde a en tête Airfrance-KLM, Renault, PSA, Auchan, et maintenant Bridgestone-Béthune. Tous ont touché d’énormes magots prélevés sur nos impôts pour, en réalité, mettre à exécution des plans de licenciements massifs qui étaient dans les tuyaux des conseils d’actionnaires bien avant que quiconque eût seulement entendu le mot “coronavirus”...

Le scandale est énorme et la colère monte de toutes parts car qui ne voit en ce moment que le pouvoir macroniste, même pris “de gauche” par l’escroc politique Xavier Bertrand, ne sait comment justifier le gaspillage énorme d’argent public que constituent ces “aides” au grand patronat sans contrôle public ni “contreparties” en termes d’emploi, d’environnement et de conditions de travail. Chacun voit au contraire qu’il s’agit, sur le plan éthique, d’un énorme détournement de fonds et que les coffres des capitalistes ressemblent de plus en plus à un nouveau “tonneau des Danaïdes” dont la particularité serait d’être privé de fond à défaut d’être privé de fonds publics !

On voit ainsi les mêmes économistes bourgeois qui tonnent contre la “fiscalité confiscatoire” (sous-entendu : sur les riches, Le Point n’a rien contre la TVA payée par les travailleurs bien davantage que par les capitalistes...) et qui considèrent les fonctionnaires (c’est-à-dire les pompiers, les hospitaliers, les enseignants, les chercheurs du CNRS, etc.) comme des parasites suçant le sang de la bourgeoisie, accepter comme allant de soi que les États et les gouvernements “libéraux” versent des dizaines de milliards (et ce sera pire encore avec l’ “emprunt européen”) aux actionnaires d’entreprises privées qui, d’ordinaire, “justifient” leurs énormes revenus par les prétendus “risques” qu’ils encourent. Mais qui “risque” le plus de dormir sous les ponts, l’actionnaire de Bridgestone ou l’ouvrier de la chimie ?

DERRIÈRE LE “NÉO-LIBÉRALISME”, LES FORMES NOUVELLES DU CAPITALISME MONOPOLISTE D’ÉTAT À L’ÉCHELLE (TRANS)CONTINENTALE

Seulement voilà, le “scandale” que feignent de dénoncer des Xavier Bertrand, des dirigeants du PS, etc. qui ont fait et qui feront comme Macron s’ils arrivent au pouvoir, ne tient pas à la “naïveté de Macron qui se serait, en somme, fait rouler par les capitalistes... dont il est lui-même une émanation typique (comme Pompidou avant lui, il était une sorte de fondé de pouvoir de Rothschild avant de devenir ministre, puis président).

Bref, il ne s’agit pas d’une “erreur” (ou alors elle serait diabolique puisque le PCF, alors marxiste, la dénonçait déjà dans les années 1970 en publiant le livre intitulé Le Capitalisme monopoliste d’État : il y démontrait, dans le prolongement d’études avancées par Marx, puis par Lénine, qu’à notre époque, le capitalisme concurrentiel et libéral plus ou moins “pur” (encore que...) du XIXème siècle a depuis longtemps cédé la place : a) à l’impérialisme, où dominent les monopoles capitalistes, où domine le capital financier et où l’exportation massive de capitaux suraccumulés est la cause permanentes de guerres pour le repartage du monde (thèse classique du léninisme) ; b) et que, surtout après la crise terrible de 1929 et la réponse keynésienne du New Deal rooseveltien, s’est mis en place partout un “mécanisme unique État bourgeois/monopoles capitalistes” au sein duquel prédomine, en dernière analyse, le grand capital privé.

Déjà sous De Gaulle et Pompidou, l’État détournait les nationalisations démocratiques effectuées en 1945 par les communistes Marcel Paul, Billoux et Thorez, et il affectait des milliards d’argent public, directement ou indirectement, au grand capital privé fusionnant alors surtout à l’échelle nationale (telle était la base du gaullisme historique dans la haute bourgeoisie). À l’époque, ce capitalisme monopoliste d’État était plus voyant et “revendiqué” qu’aujourd’hui parce qu’il se cachait derrière le patriotisme national (comme si les capitalistes avaient une patrie autre que celle où ils réalisent le profit maximal !) et parce que, force du PCF et de la CGT aidant, le financement des services publics et l’argent allant aux salaires étaient en proportion plus élevés qu’aujourd’hui.

Et les gogos des manuels scolaires d’histoire et d’économie de nous expliquer que le “libéralisme” actuel a détruit l’État-Providence : en réalité, il s’est servi de la fin du camp socialiste mondial et de l’ (auto-)affaiblissement des partis communistes et des syndicats (confondant “modernité” et abandon du combat de classe) pour liquider les services publics destinés à tous et vampiriser comme jamais l’argent des citoyens en le mettant au service des grands capitalistes à une échelle de moins en moins nationale et de plus en plus transnationale.

Bref – et même l’économiste “libéral” le plus sot est forcé de le voir aujourd’hui – le “néolibéralisme” actuel est surtout la liquidation de l’État-“providence” pour les salariés (aucune “providence” là-dedans, mais le résultat de grandes luttes comme celles du Front populaire, de la Libération ou de Mai 68) tout en développant comme jamais l’État-providence des capitalistes ; ce que nous, militants franchement communistes, appelons toujours le capitalisme monopoliste d’État, avec en particulier ce subventionnement systémique et potentiellement mortel du grand capital qu’est la course aux armements fauteuse de guerres impérialistes incessantes et de gaspillages énormes en termes de ressources naturelles gâchées, d’argent soustrait aux productions utiles et de détournement mortifère de la recherche scientifique.

DIALECTIQUE DE LA FORME ET DE L’ESSENCE. LE Capitalisme Monopoliste d’Etat ne “disparaît pas”, il se “déplace” et se continentalise de manière encore plus dangereuse !

eulement bien sûr, les apparences ne sont trompeuses que pour ceux qui sont incapables de distinguer les formes dépassées du capitalisme monopoliste d’État, qui dans les années 1960 étaient encore principalement internes aux États nationaux, et les formes actuelles, de plus en plus euro-régionalisées, continentalisées et trans-continentalisées ; “État” n’est pas synonyme d’ “État-Nation”, et l’empire continental germano-européen, si possible emboîté comme une poupée russe dans une future “Union transatlantique” (c’est le vocabulaire du MEDEF qui parle de “besoin d’aire”, on eût dit jadis, en allemand peut-être, “Lebensraum”) étale désormais sa volonté de puissance. Aussi bien Dominique Stauss-Kahn, du PS, que Bruno Le Maire, exaltent l’un et l’autre ouvertement et publiquement l’ “Empire européen” en construction (avec pour base juridico-économique présente ou future, le CETA, le TAFTA, etc., couronnés par l’OMC et protégé par l’OTAN mondialisé).

Mais que serait l’ “Europe fédérale” voulue par Macron et flanquée d’une “armée européenne” arrimée à l’OTAN et d’une “diplomatie européenne”, sinon un nouvel État expansivement supranational (après l’Ukraine et si possible la Biélorussie, qui y passera ?). Quel abaissement du Q.I. politique moyen que de trouver encore à notre époque des “marxistes internationalistes” qui s’étouffent de rage contre toute idée de patriotisme français, comme si Robespierre, Jaurès ou Politzer n’avaient rien écrit là-dessus, mais qui, comme Arlette Laguiller, se vantent sottement d’être “plus Européens que Français” : comme si le SUPRAnationalisme euro-atlantique n’était pas encore plus dangereux que le nationalisme bourgeois de grand-papa ! Comme si la phrase ravageuse de Mitterrand s’exclamant “la France est notre patrie, l’Europe est notre avenir” (quasiment un éloge funèbre de la République française !) ne sentait pas à mille lieues cette reconfiguration européenne et “transatlantique” de l’impérialisme que le philosophe ultra-réactionnaire (au moins en politique) qu’était Nietzsche appelait déjà de ses vœux à la fin du XIXème siècle (sous le nom de “grande politique” dévolue à l’élite mondiale).

Comme l’a établi Losurdo, ce philosophe de l’hyper-prédation heureuse entrait en opposition avec le nationalisme trop “plébéien”, “chrétien”, “national” et “socialisant” d’un Bismarck ! Rappelons à ces faux marxistes le mot de Lénine critiquant les rêveries européennes pseudo-internationalistes de Kautsky ou de Trotski : “ en régime capitaliste, les États-Unis d’Europe ne peuvent être qu’utopiques ou réactionnaires ”...

Qui pourrait dire froidement, empiriquement, pragmatiquement, en regardant de près ce que l’ “Europe” a apporté aux ouvriers en termes de casse sociale et de déclassement massif, que Lénine s’est trompé dans son diagnostic ? En tout cas, les ouvriers ne se trompent pas : en 1992, ils ont voté non à près de 60% des voix dans le bassin minier de Lens, et en 2005, près de 80% des ouvriers français ont dit non à la constitution européenne. Allez-y mille fois, MM. les bourgeois et petit-bourgeois avec votre propagande euro-douçâtre, vous ne convaincrez jamais quelqu’un sur qui l’on crache de s’exclamer : “voici la rosée du matin” !

L’ÉTAT NE DISPARAÎT PAS, IL SE REDIMENSIONNE À L’ÉCHELLE CONTINENTALE

Car le C.M.E. “moderne” a besoin, non pas de “moins d’État”, mais de plus d’État bourgeois, de police, d’armée, de prélèvements fiscaux (de préférence par l’impôt indirect qui frappe surtout les “petites gens”), et – ça va dialectiquement de pair, de moins de services publics et de protection sociale, pour pouvoir financer l’accumulation du capital ; nous vivons en effet à une époque où la baisse tendancielle inéluctable du taux de profit moyen nécessite que l’exploitation classique se surajoutent le sur-pillage des pays pauvres et un subventionnement massif du capital venant de toutes les échelles territoriales de la puissance publique : État-nation encore et toujours tant qu’il reste aux mains de la grande bourgeoisie, mais aussi “Europe” (qu’est-ce que le grand emprunt européen si ce n’est du CME pratiqué à l’échelle d’un continent ?), “grandes régions” (n’est-ce pas M. Bertrand ?), “métropoles” et autres “communautés d’agglomération” étouffant les communes et les départements républicains.

Encore une fois, la puissance étatique ne disparaît pas : elle se déplace et se transforme de l’échelle nationale aux échelles infra- et supranationales. Et il est triste que l’on trouve encore tant de “marxistes” pour applaudir des deux mains à la mise en place de ces monstres politicard-militaires qui portent en eux la guerre mondiale comme la nuée porte la foudre !

Conclusion

Pour en finir avec le scandale permanent qu’est le subventionnement à fonds perdus du capital privé par la puissance publique, il ne suffit pas de pester contre Macron, ni même d’appeler à le virer, si nécessaire que ce soit aussi ; car tous les partis ralliés à l’UE et à “l’économie de marché ouverte sur le monde” dite néolibéralisme font, ont fait ou feront ce que fait Macron, que ce soit LAREM, les LR, le RN (qui feint d’être “patriote” mais accepte très officiellement le capitalisme, l’euro, l’OTAN et l’UE) ou le PS flanqué de ses éternels satellites euro-“écologistes”, euro-“communistes”, euro-trotskistes et autres bonimenteurs d’ “Europe sociale”.

Pour se débarrasser du scandale permanent que constitue la construction européenne en termes de million d’ouvriers, d’employés et d’ingénieurs flanqués à la porte, de paysans conduits au suicide, mais aussi d’agents publics précarisés et pressurés dans les services publics exsangues, il faut sortir par la voie révolutionnaire, celle des nationalisations-expropriations et de la démocratie populaire en marche, de l’euro, cette austérité continentale faite monnaie, de l’UE, ce dangereux Empire capitaliste en gestation, de l’OTAN, cette machine à mondialiser les guerres étasuniennes et la course aux armement, et du capitalisme lui-même, dont le néolibéralisme et la “construction” euro-atlantique ne sont que les masques actuels.

Car, n’en déplaise aux souverainistes de droite, aux nostalgiques du bon vieux libéralisme idéalisé et aux “eurocommunistes” bateleurs d’Europe sociale, l’évolution du mode de production capitaliste est irréversible : on ne peut revenir durablement ni au capitalisme d’État “national” de l’époque gaullienne, ni remettre en place le “capitalisme concurrentiel et libéral” du XIXème siècle, ni reconstituer gentiment les acquis sociaux en s’épargnant la dure tâche de la révolution.

Une nation vraiment émancipée, égalitaire et fraternelle ne pourra avoir qu’un contenu socialiste et réciproquement, la marche au socialisme a besoin d’une émancipation complète des nations européennes par rapport au carcan européen, et non de 100 000 arguties pseudo-marxistes contre le Frexit progressiste. “Souverainisme” bourgeois et “euro-gauche plurielle” sont deux impasses symétriques : sortons par la gauche, vers la démocratie populaire, vers le socialisme, sans hésiter à exproprier purement et simplement le grand capital, du mortifère euro, de la prétotalitaire UE, de l’OTAN belliciste et du capitalisme monopoliste et impérialiste !

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8 décembre 2020 2 08 /12 /décembre /2020 05:25

Le Monde Diplomatique (décembre 2020)

Pour Serge Halimi, qui présente un dossier sur les États-Unis, la victoire des démocrates aux EU est « amère » : « Les premiers choix de M. Joseph Biden pour les postes-clés de son administration (politique étrangère, finance, environnement) risquent de décevoir ceux qui espèrent des changements profonds à Washington.

Pourtant, même une politique peu ambitieuse se heurtera à un Parti républicain qui n’a pas subi la déroute attendue. »

Timothée de Rauglaudre et Maïlys Khider nous disent ce qui se passe dans les réseaux féministes du CAC40 : « Aussi discrète qu’efficace, l’action de réseaux de patronnes a permis l’adoption en 2011 d’une loi imposant la quasi-parité dans les conseils d’administration des grandes entreprises françaises.

Mais l’influence des femmes d’affaires auprès du gouvernement évince les associations féministes, tandis que leur activisme permet à des multinationales peu soucieuses des droits des salariées de redorer leur image. »

Un article très intéressant de Benoît Bréville sur la revanche des campagnes : « Une maison avec jardin, à l’abri du stress des grandes villes… L’idée séduit de nombreux citadins échaudés par la crise sanitaire. Mais à quelle « revanche des campagnes » assiste-t-on exactement ? Impossible de les manquer dans le métro parisien. « Alès, la capitale qui ne manque pas d’air », « Sologne, de l’air », « Seine-et-Marne, le vrai grand pari »… : depuis mai, ces publicités s’affichent dans les couloirs et sur les quais pour inciter les usagers à changer de vie, avec une insistance toute particulière sur la ligne 1, celle qui mène au quartier d’affaires de la Défense.

Il y a encore un an, Paris affrontait Londres, New York ou Singapour dans la compétition mondiale pour attirer sièges sociaux, grands événements et « cols blancs » surdiplômés. Désormais, des petites villes braconnent ses cadres dans les souterrains du métro. »

Pour Évelyne Pieiller, la bienveillance peut être tyrannique : « La gestion de la crise sanitaire s’est appuyée sur l’obligation pour chacun de se protéger et de protéger les autres, en particulier les « plus vulnérables ». Le gouvernement en appelle à l’altruisme, et à la pénalisation en cas de négligence. Mais cette injonction à la responsabilité relève-t-elle d’une incitation vertueuse ou d’une entreprise de redéfinition du citoyen ? »

Pour Lucie Elven, la monarchie britannique est inoxydable : « Après l’Écosse, l’Irlande du Nord et le Pays de Galles, le nord de l’Angleterre connaît à son tour un mouvement en faveur de l’indépendance. Tensions nationalistes, chaos parlementaire à l’occasion du Brexit, fiasco de la lutte contre le Covid-19 : la tempête semble tout emporter au Royaume-Uni.

Tout, sauf la Couronne, qui continue à offrir un sentiment de cohésion à une majorité de Britanniques. Ayant arpenté les rues en liesse de Londres le jour du couronnement de la reine, en 1953, les sociologues Michael Young et Edward Shils qualifièrent l’événement de « grand acte de communion nationale ».

Il prenait tout son sens, écrivaient-ils, en tant qu’« expérience non individuelle, mais collective », qui fédérait des milliers de familles dans une ferveur populaire rappelant la célébration de la victoire sur l’Allemagne nazie. L’air vibrait de chaleur humaine ; même les pickpockets avaient cessé le travail, et il régnait un esprit de fraternité qui aurait fait horreur à « ceux qui ont le biais rationaliste des gens instruits de notre époque, surtout ceux d’une disposition politique radicale ou libérale ».


Aujourd’hui, alors que les inégalités ne cessent de se creuser au Royaume-Uni, la monarchie semble avoir conservé sa popularité. Presque deux Britanniques sur trois approuvent son existence. Ils ne sont que 22 % à souhaiter sa disparition, les plus hostiles étant les Écossais. Étonnant paradoxe : quand les temps sont durs, la famille royale paraît servir de dérivatif ou de consolation.

Lors des noces royales des dix dernières années, il s’est toujours trouvé un badaud pour clamer que le moral de la nation avait besoin d’un remontant. Comme l’écrivait Walter Bagehot en 1867 dans La Constitution anglaise, le peuple s’incline devant le « spectacle théâtral de la société », dont la reine est le « point culminant ».

La justice est-elle possible au Kosovo, demandent Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin : « L’ombre des crimes imputés à l’ancienne guérilla plane sur le Kosovo depuis deux décennies. L’arrestation, en novembre, du président Hashim Thaçi et de plusieurs de ses anciens compagnons de l’Armée de libération du Kosovo (UÇK) sonnerait-elle enfin le glas de l’impunité ? Jusqu’à présent, les Occidentaux avaient soutenu sans faille le nouveau pouvoir, au nom de la stabilité et au mépris des victimes. »

Igor Delanoë décrit le bras de fer russo-turc dans le Caucase : « À travers son soutien à l’Azerbaïdjan dans le conflit du Haut-Karabakh, la Turquie a enfoncé un coin dans la zone d’influence russe au Caucase, tout en défiant Moscou dans les airs grâce à ses drones de dernière génération.

Cette nouvelle donne stratégique peut-elle conduire à l’escalade ? Pas nécessairement, car, par le passé, les deux puissances ont souvent préféré le compromis à la confrontation. »

Pour Jeanne Hughes, une offensive chinoise aux États-Unis relève du fantasme : « À la suite de M. Donald Trump, de nombreux commentateurs estiment que la Chine est en train de phagocyter l’Organisation des Nations unies.

S’il est difficile de mesurer une influence diffuse, les données chiffrées montrent que la réalité est loin de correspondre aux fantasmes. Pour l’heure, Pékin se contente de cibler certaines directions d’agence, avec un but commercial ou de légitimation de son action. »

Pour Akram Belkaïd, les relations entre les pays du Golfe et Israël sont idylliques : « Rompant avec la politique d’isolement et de boycott d’Israël qui prévalait dans la région depuis plus de cinquante ans, les Émirats arabes unis et Bahreïn ont signé le 15 septembre un accord de reconnaissance mutuelle avec Tel-Aviv. Alors que l’Arabie saoudite hésite à franchir officiellement le pas, d’autres pays arabes sont encouragés par les États-Unis à s’engager eux aussi dans la normalisation. »

Mathieu Rigouste revient sur les soulèvements algériens de décembre 1960 : « Après six ans de conflit, les populations musulmanes des villes algériennes investirent soudain la rue pour réclamer l’indépendance. Les protestations pacifiques de décembre 1960 prirent de court tant les autorités françaises que le Front de libération nationale (FLN). Malgré la répression, le mouvement mit en échec les tentatives du général de Gaulle d’imposer une solution politique aux dépens des nationalistes. »

Séverine Charon et Laurence Soustras envisager une industrie pharmaceutique africaine : « L’Afrique du Sud, alliée à l’Inde, demande à l’Organisation mondiale du commerce de suspendre les droits de propriété intellectuelle sur les vaccins et les médicaments durant la pandémie de Covid-19. Il s’agit d’assurer aux populations l’accès à des traitements peu coûteux. Malgré l’essor d’une production locale, l’Afrique reste dépendante des marchés et des groupes pharmaceutiques étrangers. »

Vincent Sizaire se demande s’il est possible d’enrayer la machine répressive : « Soutenue par les principaux syndicaux de policiers, la proposition de loi relative à la sécurité globale a été votée par l’Assemblée nationale le 24 novembre. Elle prolonge une fuite en avant répressive qui, de la lutte contre le terrorisme à l’état d’urgence sanitaire, indexe la sécurité sur la restriction des libertés. Et si cette stratégie, faite de démesure et d’arbitraire, s’avérait contre-productive ? »

Dominique Sicot explique pourquoi il n’y aura pas d’argent magique pour la santé : « Le Covid-19 aurait dû mettre le projet de loi de financement de la Sécurité sociale au cœur du débat public. Certes, la réforme des retraites est suspendue, malgré le ballon d’essai des sénateurs pour reculer l’âge de départ, et la cinquième branche consacrée à la perte d’autonomie est créée.

Mais le gouvernement se contente de parer au plus pressé, sans aucun changement de cap. Exceptionnel. C’est ainsi que M. Olivier Véran a qualifié le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021, lors de l’ouverture des débats sur le texte en première lecture à l’Assemblée nationale, le 27 octobre. « Il y a encore quelques mois, les chiffres que nous présentons ici seraient passés pour de la science-fiction », a insisté le ministre des solidarités et de la santé.

La pandémie de Covid-19 et ses conséquences ont en effet bouleversé les comptes de la Sécurité sociale. Tout particulièrement ceux de l’assurance-maladie, dont le déficit est passé de 1,4 milliard d’euros en 2018 à 48,4 milliards cette année. La quête de l’équilibre des comptes, unique boussole des politiques mises en œuvre depuis trois décennies, se heurte brutalement à la réalité. »

Julian Misch rappelle qu’il y a 100 ans naissait un parti authentiquement populaire : « Dès qu’il vit le jour, en décembre 1920, le Parti communiste français revendiqua une place singulière dans le paysage politique hexagonal : celle de la seule formation populaire, dirigée par des gens du peuple pour servir les intérêts de celui-ci. À l’heure où le fossé entre classes dirigeantes et classes laborieuses paraît plus profond que jamais, son histoire est riche d’enseignements.

Derrière la tribune, une grande banderole reprend la formule de Karl Marx et Friedrich Engels : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » Elle est surmontée d’une bannière arborant le slogan de la Ire internationale : « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ». En ce 25 décembre 1920 s’ouvre à Tours le 18e congrès de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO), à l’issue duquel une très large majorité des délégués du Parti socialiste (70 % des mandats) décident d’adhérer à l’Internationale communiste (IC). Cette dernière, également dénommée IIIe Internationale, a été créée l’année précédente, en mars 1919, sous l’impulsion de Lénine et des bolcheviks russes dans l’espoir d’étendre leur révolution au monde entier. »

Après le désastre dans le monde de la musique, que va-t-il se passer, demande Éric Delhaye : « Le Centre national de la musique vient enfin d’ouvrir. Chargé notamment de mettre en œuvre une politique de soutien à la création non directement « rentable », il devra affronter les ravages dus à la crise sanitaire et, à plus long terme, la pression des intérêts marchands. Éviter les faillites. » Lors de sa conférence de presse, le 3 novembre 2020, le président du Centre national de la musique (CNM) en vient rapidement à ce qui est aujourd’hui la priorité.

Longuement désirée, juridiquement créée en janvier, cette « maison commune », à peine installée, est sommée de parer au plus pressé, quand, en mars, les concerts sont interdits. Alors que son inauguration marquait le renouveau des politiques publiques de la musique après des décennies de tergiversations, la crise sanitaire vient souffler sur un château de cartes d’autant plus chancelant que l’écosystème de la musique (artistes, techniciens, producteurs, éditeurs, diffuseurs…) était déjà fragilisé par la dégringolade de l’industrie du disque depuis vingt ans. »

Dominique Pinsolle explique que les libertés universitaires sont en grand danger : « Les élucubrations du ministre de l’éducation nationale, M. Jean-Michel Blanquer, au sujet de l’« islamo-gauchisme » à l’université ont eu un effet qui ne déplaît probablement ni à leur auteur ni à sa collègue de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Mme Frédérique Vidal. Tandis que le très décrié projet de loi de programmation de la recherche (LPR) était en cours d’examen parlementaire, la focalisation des débats sur la liberté universitaire a éclipsé les revendications portées depuis un an par un large mouvement de contestation au sein des universités et des organismes de recherche. »

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30 novembre 2020 1 30 /11 /novembre /2020 00:56
La relation authentique entre Diego et la Révolution Bolivarienne au Venezuela

Ceux qui profitent de la mort de Maradona pour dénigrer Maradona et le chavisme ont une stature morale tellement inférieure qu’ils ne comprennent pas et ne comprendront jamais ce que nous sommes, nous les chavistes, ni ce qu’est Maradona.

Le chavisme ne regrette pas l’amitié de Maradona parce qu’il a pris de la drogue. Nous ne nous en soucions pas. Nous l’aimons en raison de sa dimension humaine et réelle. Tout ce que nous pouvons dire de lui, c’est qu’il était génial, merveilleux et authentique. C’était un vrai homme dans la peau du plus grand des footballeurs. Depuis le 4 février 1992 [date de la tentative de coup d’État de Hugo Chávez, NdT], nous, les chavistas, aimons ceux qui tombent et se relèvent.

Nous, les Chavistes, aimons Maradona parce qu’il a résisté aux publicités pour Visa et Coca-Cola. Être une marque comme l’était Pelé. Il a résisté au fait d’être un produit commercial comme les autres joueurs de football aujourd’hui. Les mêmes personnes qui ont critiqué Maradona pour ses problèmes personnels ont proposé de l’acheter, puis de le domestiquer et d’en faire un produit. Il préférait être libre et faire ce qu’il voulait. C’est ce qu’on appelle la dignité, un concept étranger à beaucoup.

Sa vie entre la gloire et la défaite a été marquée par la controverse. Mais peu importe, l’histoire l’absoudra, comme l’a dit Fidel, que Maradona a aimé et toujours remercié pour lui avoir sauvé la vie lors de sa réhabilitation à Cuba.

Maradona n’était pas accablé par toutes les critiques et les menaces qu’il recevait, car il était l’ami de Fidel, de Chavez, de Maduro, d’Evo, de Cristina, de Lula. Il n’a pas été blessé par tout ce qu’il a perdu, ni par les portes qui lui étaient fermées. Il n’était pas accablé par les messages de haine qu’il recevait toujours des récalcitrants haineux. Et nous, les chavistes, nous aimons ça, nous aimons ceux qui jouent avec nous.

Nous avons mis Maradona sur Telesur pour commenter deux Coupes du monde avec Victor Hugo Morales [le presentateur sportif qui avait commenté le fameux but contre l’Angleterre en 1986, NdT]. Nous avons eu l’audace que les autres chaînes de télévision n’avaient pas, car Maradona, c’est du football, mais aussi de la politique. C’était pour ouvrir les portes de notre maison à notre fidèle ami.

Maradona a dit que si Maduro lui en donnait l’ordre, il s’habillerait en soldat et se battrait pour le drapeau vénézuélien, car il a dit que c’est la chose la plus sacrée que nous ayons. Il l’a dit lorsque de nombreux vénézuéliens se sont moqués de lui avec la phrase "mais nous avons une patrie", et lorsque d’autres ont demandé une intervention militaires et des sanctions contre notre pays. Maradona était un de ces hommes qui étaient fous, oui, tendrement fous. Les circonstances ne lui ont pas permis de mettre sa parole à l’épreuve et il était tellement fou qu’il l’aurait sûrement tenue. C’était sa grandeur.

Maradona était détesté par les riches et les conservateurs, dans son pays, à la FIFA, dans la politique régionale. Cela le rendait idéal pour nous, car parfois certaines haines nous montrent la voie pour aimer les bonnes personnes.

Il n’y a pas d’autel moral pour mesurer Maradona. Nous ne sommes pas parfaits pour dénigrer Maradona. C’était un homme ordinaire, qui s’est élevé des entrailles de son pays pour devenir une référence mondiale. Et aucun, aucun de ses détracteurs, n’aura cette grandeur et cette gloire. Il ressemble à Chavez, et c’est aussi pour cela que nous l’aimons.

Nous, les chavistes, nous aimons Maradona parce que nous aimons ce qui rend beaucoup de gens heureux. Et Maradona, qui était argentin, a donné beaucoup de joies dans son pays, mais aussi dans le monde entier. Et nous les avons fait nôtres. Et nous l’avons fait nôtre.

Pour Diego, nous sommes reconnaissants...

Franco VIELMA

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29 novembre 2020 7 29 /11 /novembre /2020 23:46

[…] On m’a demandé si le travail et les actions de Julian Assange pouvaient être considérés comme étant « politiques », une question qui, me dit-on, est importante dans le cadre de la demande d’extradition des États-Unis afin que M. Assange soit jugé pour espionnage pour avoir joué un rôle dans la publication d’informations que le gouvernement des États-Unis ne souhaitait pas rendre publiques.

J’ai déjà parlé du sujet sur lequel on me demande maintenant de faire un commentaire en ce qui concerne M. Assange. Les paragraphes suivants constituent mon point de vue. Je confirme mon évaluation selon laquelle les opinions et les actions de M. Assange doivent être appréhendées dans leur relation avec les priorités du gouvernement.

Un professeur de Science du gouvernement de l’université de Harvard, l’éminent politologue libéral et conseiller du gouvernement, Samuel Huntington, a observé que « les stratèges du pouvoir aux États-Unis doivent créer une force qui peut être ressentie mais non vue. Le pouvoir reste fort quand il reste dans l’obscurité. Exposé à la lumière du soleil, il commence à se dissiper ».

Il a donné quelques exemples significatifs concernant la nature réelle de la guerre froide. Il a parlé de l’intervention militaire américaine à l’étranger et il a fait remarquer que « vous devrez peut-être vendre l’intervention ou toute autre action militaire de manière à créer la fausse impression que c’est l’Union soviétique que vous combattez. C’est ce que les États-Unis font depuis la doctrine Truman » et il existe de nombreuses illustrations de ce principe directeur.

Les actions de Julian Assange, qui ont été qualifiées de criminelles, sont des actions qui exposent le pouvoir à la lumière du soleil – des actions qui peuvent provoquer l’évaporation du pouvoir si la population saisit la chance de voir ses citoyens devenir indépendants dans une société libre plutôt que les sujets d’un maître qui opère dans le secret. C’est là un choix et on a compris depuis longtemps que le public a la capacité de faire s’évaporer le pouvoir.

Le seul penseur de premier plan qui ait compris et expliqué ce fait critique est David Hume, qui a écrit sur les Premiers principes de gouvernement dans l’un des premiers ouvrages modernes de théorie politique, il y a plus de 250 ans. La formulation qu’il a utilisée était si claire et pertinente que je me contenterai de la citer.

Hume a trouvé que « rien de plus surprenant que de voir la facilité avec laquelle le plus grand nombre est gouverné par un petit nombre et d’observer la soumission implicite avec laquelle les hommes ont abandonné leurs propres sentiments et passions à la volonté de leurs dirigeants. Lorsque nous nous demanderons par quels moyens cette merveille a pu arriver, nous constaterons que, la force étant toujours du côté des gouvernés, les gouvernants n’ont rien pour les soutenir si ce n’est l’opinion. Dire qu’un gouvernement est justifié relève donc de la seule opinion et cette maxime s’étend aux gouvernements les plus despotiques et les plus militarisés tout comme aux plus libéraux et plus populaires ».

En fait, Hume sous-estime l’efficacité de la violence, mais ses paroles sont particulièrement pertinentes dans le cas de sociétés dans lesquelles la lutte populaire de longue date a permis d’obtenir un degré de liberté considérable. Dans de telles sociétés, comme la nôtre bien sûr, le pouvoir est en fait du côté des gouvernés et les gouvernants n’ont rien pour les soutenir si ce n’est l’opinion.

C’est l’une des raisons pour lesquelles l’immense industrie des relations publiques est devenue la plus grande agence de propagande de l’histoire de l’humanité, une influence qui s’est développée et a atteint ses formes les plus sophistiquées dans les sociétés les plus libérales, les États-Unis et la Grande-Bretagne. Cette institution a vu le jour il y a environ un siècle, lorsque les élites ont réalisé que trop de liberté avait été gagnée pour qu’il soit possible de contrôler la population par la force, et que donc ce sont les mentalités, les opinions qui devraient être contrôlées.

Les élites intellectuelles libérales l’ont également compris, c’est pourquoi elles ont insisté, pour recourir à quelques citations je dirais, sur le fait que nous devons nous débarrasser du « dogmatisme démocratique selon lequel les populations seraient les meilleurs juges de leurs propres intérêts ». Ce n’est pas le cas. Ce sont des « tiers ignorants et gênants » et ils doivent donc être « remis à leur place » de façon à ne pas déranger les « hommes responsables » qui gouvernent de plein droit.

Un des moyens de contrôler la population consiste à agir en secret pour que les tiers ignorants et gênants restent à leur place, loin des leviers de pouvoir qui ne les concernent pas. C’est le principal objectif quand des documents internes sont classifiés.

Quiconque a parcouru les archives des documents qui ont été rendus publics s’est certainement assez rapidement rendu compte que ce qui est gardé secret a très rarement quelque chose à voir avec la sécurité, sauf avec la sécurité des dirigeants face à leur ennemi intérieur, leur propre population. La pratique est tellement habituelle qu’il est tout à fait superflu d’en faire l’illustration. Je ne mentionnerai qu’un seul cas contemporain.

Considérez les accords commerciaux mondiaux, Pacifique et Atlantique, ce sont en réalité des accords concernant les droits des investisseurs camouflés sous le vocable de libre-échange. Ils sont négociés en secret. Il est prévu une ratification de style stalinien par le Parlement – oui ou non – ce qui signifie bien sûr oui, sans qu’il y ait discussion ou débat, ce qu’on appelle aux États-Unis « fast-track » [procédure accélérée, NdT].

Pour être précis, ils ne sont pas entièrement négociés en secret. Les faits sont connus des avocats d’entreprise et des lobbyistes qui rédigent les détails de manière à protéger les intérêts de la partie qu’ils représentent, et qui bien sûr n’est pas le public. Le public, au contraire, est un ennemi qu’il faut garder dans l’ignorance.

Le crime présumé de Julian Assange, en s’efforçant de dévoiler les secrets du gouvernement, est de violer les principes fondamentaux du gouvernement, de lever le voile du secret qui protège le pouvoir de la curiosité, l’empêche de s’évaporer – et encore une fois, les puissants comprennent bien que le fait de lever le voile peut entraîner l’évaporation du pouvoir. Cela peut même conduire à une liberté et une démocratie authentiques si un public éveillé en vient à comprendre que la force est du côté des gouvernés et qu’elle peut être leur force s’ils choisissent de contrôler leur propre destin.

À mon avis, Julian Assange, en défendant courageusement des convictions politiques que la plupart d’entre nous déclarons partager, a rendu un énorme service à tous les peuples du monde qui chérissent les valeurs de liberté et de démocratie et qui exigent donc le droit de savoir ce que leurs représentants élus fabriquent. Par conséquent ses actions l’ont conduit à être persécuté de manière cruelle et intolérable.

Noam Chomsky

Source

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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15 octobre 2018 1 15 /10 /octobre /2018 23:20

Brésil. Sur la voie du fascisme ?

147 millions de Brésiliens ont voté dimanche sept octobre.

Alors que les sondages lui accordaient entre 32 et 36% de voix, ce sont 46,03% d’électeurs qui ont voté pour Jaïr Bolsonaro, candidat de l’extrême droite, de la théocratie évangélique néo-pentecôtiste, des gros propriétaires terriens, des industries pesticides et autres poisons, et des lobbys des armes à feu. Le candidat du Parti des travailleurs Fernando Haddad obtient 29, 28 %. Le troisième candidat, de centre gauche, Ciro Gomez du Parti démocratique travailliste, arrive en troisième position avec 12, 47%. Cela s’annonce très mal pour le second tour pour les forces de progrès et les démocrates de ce pays.

Candidat de la bête immonde, dont le ventre est encore fécond, cet ancien capitaine de 63 ans radié de l’armée en 1988 pour infraction grave au règlement disciplinaire et menaces d’actions terroristes à l’explosif, puis innocenté, est largement favori pour le second tour qui se déroulera le 28 octobre. Face à lui le candidat, par défaut, du Parti des travailleurs Fernando Haddad, en l’absence de Lula emprisonné en avril 2018 sans aucune preuve à charge, de l’aveu même de son juge inquisiteur Moro, et éliminé de facto de l’élection présidentielle, dont il était donné largement vainqueur.

Un psychopathe en politique.

Mais arrêtons-nous sur le profil de Bolsonaro et sur quelques aspect de son projet.
Surnommé Bolsonazi par les forces démocratiques, député fédéral depuis 1988, il ne connaît ni remords, ni retenue, attise la haine et les frustrations, en exaltant les instincts les plus obscurs et « d’insondables pulsions » chez ses partisans.

Lors du coup d’État parlementaire qui destitua, en avril 2016 à mi-mandat, la présidente Dilma Rousseff élue avec 54% des suffrages en 2014, il s’est distingué abjectement en dédiant, euphorique, son vote de destitution au patron de la police politique et des tortionnaires brésiliens de la dictature militaire, le colonel Ustra, qui arrêta en janvier 1970 Dilma Rousseff, et supervisa les tortures dont elle fut la victime.

En 2003 il agressa violemment une députée du PT, en lui hurlant au visage « qu’il ne la violerait pas , car elle était laide ».

Dès l’annonce de sa candidature, il engage une campagne axée sur le racisme, la misogynie, l’homophobie, l’ordre moral le plus réactionnaire, et stigmatise les étrangers originaires du Moyen-Orient, d’Afrique, ou d’Haïti en les qualifiant de « « déchets de l’humanité ». »

Son registre linguistique, élémentaire, indigent, vulgaire et sordide, se limite à des propos quotidiens ignominieux, exaltant la violence, contrôlés et assumés, contre les progressistes, les syndicats, les pauvres, les femmes, les homosexuels , mais aussi les Indiens et les Noirs qui, dit-il, « sont mal élevés » et « sentent mauvais ».

Ardent défenseur du retour de la pratique de la torture du temps de la dictature militaire, il regrette que celle-ci n’ait pas exécuté les opposants emprisonnés et torturés, et estime que les militaires auraient dû liquider trente mille opposants pour pacifier le pays, et qu’il était prêt à le faire.


À propos de l’apologie de la torture par cet ancien parachutiste, rappelons que le Brésil de la dictature a bénéficié pendant de très longues années de la coopération « technique » monstrueuse, très officielle, de la France de Pompidou et de Giscard avec la nomination, en tant qu’ attaché militaire à l’ambassade de France au Brésil, d’octobre 1973 à novembre 1975, du futur général Aussaresses, parachutiste lui aussi, tortionnaire-assassin de patriotes algériens, parmi lesquels Larbi Ben M’hidi, Maurice Audin, Ali Boumendjel.

Bien avant l’annonce de sa candidature à la Présidence de la république, encensée par les classes possédantes, haineuses et revanchardes, il pose sur des photos en ciblant, arme de guerre au poing, les adversaires de son projet liberticide.

Au-delà de son projet de libéralisation du port d’armes, dans un pays où près de 60 000 personnes sont victimes d’homicides volontaires par armes à feu chaque année, il confirme son statut de chef de gang d’une meute de brutes -parmi lesquels ses fils-, mais aussi l’image de sauveur de la nation brésilienne qu’il a construit au fil des mois avec l’aide généreuse et militante de l’empire médiatique Globo d’une part, et de la chaîne de télévision Record d’autre part, qui appartient à Edir Macedo.

Ce même Edir Macedo , théocrate patenté, est le chef des néo-pentecôtistes, un mouvement théocratique millénariste-sioniste, importé des U.S.A dans les années quatre-vingt-dix, qui compte aujourd’hui 42 millions de fidèles, totalement embrigadés et aliénés à et par la « « théologie de la prospérité » », dont le credo est : « « plus on gagne, plus on donne à l’église, et plus on se rapproche ainsi de Dieu » ».

Ces médias, dont Globo, qui forment l’essentiel de ce l’on appelle au Brésil les médias PIG, -porc en anglais-, sigle que l’on peut traduire par « parti de la presse golpiste », diffusent massivement et unilatéralement à l’échelle de ce pays-continent, les discours de la haine et de la régression contre les forces de progrès, et contribuent à la banalisation et à la naturalisation de la violence et de l’idéologie fasciste.

Pinochet comme modèle

Ayant choisi comme vice-président le général à la retraite Mourâo, tout aussi nostalgique de la dictature militaire, cet admirateur de Pinochet, exprime la synthèse parfaite de la terreur d’État, dans laquelle le Brésil a été maintenu de 1964 à 1984, et d’un programme d’oppression économique, sociale, culturelle, élaboré par son conseiller économique, l’ultralibéral Paulo Guedes, un élève des Chicago Boys, sinistre laboratoire d’économistes dirigé par le non moins sinistre Milton Friedman, à qui le Chili doit régression, misère, milliers de morts, de torturés et de disparus, lors du golpe de Pinochet contre le Président Salvador Allende, en septembre 1973.

En accord avec les politiques ultralibérales, il a voté, au lendemain de la destitution de Dilma Rousseff, pour le Projet d’amendement constitutionnel de gel des investissements publics pendant vingt ans, un projet démentiel porté par le vice-président, et néanmoins usurpateur, Michel Temer. Qualifié de « projet de fin du monde » par les démocrates et progressistes brésiliens, l’entrée en vigueur au début de 2017 de ce projet malthusien mortifère, dans les domaines de la santé et de l’éducation, entre autres, a plongé des millions de Brésiliens dans la précarité et l’extrême pauvreté en quelques mois.

Conséquences immédiates : une augmentation spectaculaire, pour la première fois depuis 26 ans, du taux de mortalité infantile, et le retour des maladies éradiquées totalement, depuis deux décennies, suite à l’arrêt du programme fédéral stratégique de santé familiale, et à l’interruption de l’action de plus de quatre mille équipes de Santé familiale, laissant ainsi sans accès aux soins de santé de base plus de 15 millions de personnes.

La rencontre de ces deux figures de la régression, l’économiste ultralibéral et le candidat fasciste, exprime l’alliance, bénie par les U.S.A , des classes possédantes, des fractions réactionnaires des classes moyennes, des fondamentalistes religieux, de militaires hauts gradés et autres nostalgiques de la dictature, et va amplifier tragiquement les inégalités sociales, les injustices, la pauvreté, la misère et le malheur pour le peuple brésilien, indépendamment de la destruction des libertés démocratiques, et barbariser encore plus les rapports sociaux.

Symbolisé par ces deux individus, ce programme porteur d’oppression, de tyrannie, de terreur, a de très fortes chances de devenir le quotidien des Brésiliennes et Brésiliens à compter du 29 octobre 2018. À moins d’un sursaut vital de toutes les forces démocratiques, progressistes et républicaines de ce pays, ce qui pour le moment est loin d’être acquis.

Smaïl Hadj Ali

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