Il y a 50 ans, le 17 octobre 1961, une manifestation à l’initiative de la Fédération de France du Front de Libération Nationale algérien (FLN) fut sauvagement réprimée dans les rues de
Paris.
Ces crimes eurent lieu dans le contexte de la guerre d’Algérie qui avait débutée en 1954. Cette manifestation avait pour but d’abord de protester contre la décision discriminatoire prononcée par
les autorités de la police de la Seine (anciennement Paris et sa banlieue), le 5 octobre 1961, qui avait mis en place un « couvre feu pour les français musulmans d’Algérie ». Cette
formulation, intolérable et directement inspirée du vocabulaire colonial, était celle du Préfet de Police de Paris qui se nommait… Maurice Papon !
Elle était si contraire aux principes fondamentaux de la Constitution de la République que, le lendemain, le Ministre de l’Intérieur M. Roger Frey abandonnait ce terme de « couvre feu » pour lui
substituer, avec une certaine hypocrisie, celui de « vive recommandation » d’interdiction de circuler le soir pour « les français musulmans ». Mais l’idée restait la même : une odieuse
discrimination entre les citoyens et les habitants de Paris, capitale de la République Française.
C’est pour protester contre cela que le 17 octobre 1961 entre 30 000 et 50 000 personnes, à l’appel de la Fédération de France du FLN, voulaient défiler, sans arme, ni drapeau ni banderole, dans
la plus grande dignité.
Il faut rappeler qu’en octobre 1961 des négociations sont déjà engagées entre le FLN et les pouvoirs publics. Il semble désormais officieusement acquis que le Général de Gaulle, Président de la
République depuis 1958, est favorable à l’indépendance de l’Algérie. Mais certains dans son entourage direct et au gouvernement veulent faire capoter ces discussions. Ce sont ces ultras de
l’Algérie Française, aveugles politiquement, voulant conserver un injuste ordre colonial, souvent membres de l’OAS, qui, par leurs actes de violences bestiales porteront la responsabilité du sang
versé il y a 50 ans.
Aussi, il est décidé par cette poignée d’ultras, et en premier lieu par le Préfet Papon, que la manifestation du 17 octobre 1961, au premier prétexte, sera réprimée afin de produire un incident
d’une telle ampleur qu’il bloquera la solution politique. Ainsi, une sauvage répression va s’abattre rapidement sur les manifestants. Des coups de matraques, coups de feu, tabassages vont durer
pendant des heures ce soir là sous la pluie. Les cadavres seront jetés à la Seine pour masquer ces crimes à la population.
Mais, c’est désormais un fait historique établi. Il y a 50 ans, répondant à des consignes politiques précises, des policiers français ont assassiné des femmes et des hommes qui manifestaient
pacifiquement dans les rues de Paris ! Selon les travaux des historiens il y eut au moins une cinquantaine d'assassinats, peut être beaucoup plus cela fait encore débat parmi les
historiens, 11 000 arrestations, des centaines d'expulsions et des plaintes sans lendemain.
Quelques jours plus tard, dans un ordre daté du 1er novembre 1961, le Préfet Papon félicitera ses hommes en ces termes : « Lors des manifestations des musulmans algériens déclenchées par le FLN,
vous avez rempli pleinement votre mission ». (...)
Jamais la justice n’a condamné le moindre policier ou la moindre personne pour ces meurtres. La réponse officielle fut généralement de dire aux familles que les victimes avaient « disparu » ou
qu’elles s’étaient « suicidées ». Dans les semaines qui suivirent on repêcha régulièrement des corps meurtris le long de la Seine, souvent dans une indifférence du reste de la police.
Il faudra attendre le début des années 80, pour que des historiens comme Jean-Luc Einaudi et surtout l’écrivain Didier Daeninckx dans son roman « Meurtre pour mémoire », refassent surgir cette
part sombre de notre histoire. D’autres ouvrages, films, travaux d’historiens ont suivi. Ce massacre est désormais évoqué dans certains manuels scolaires. Toutefois, aujourd’hui encore l’Etat
français ne reconnaît pas sa responsabilité et les archives restent fermées aux chercheurs. En 1998, deux archivistes ont même été condamnés pour avoir témoigné, lors d'un procès voulu par Papon
contre l'historien Einaudi, de l'existence de documents attestants de ce massacre.
De son coté, la Ville de Paris, en 2002, a fait poser une plaque commémorative sur le Pont Saint-Michel où beaucoup de personnes trouvèrent la mort. Chaque année, des associations et des
partis politiques manifestent le 17 octobre pour garder le souvenir.
En 2011, pour le 50e anniversaire de ce massacre, un « Collectif du 17 octobre 1961 » composé de nombreuses organisations associatives et politiques, dont le Parti de Gauche (PG), a voulu donner
une dimension encore plus forte à cette commémoration. Il appelle à manifester sur le même parcours que celui de la manifestation de 1961.