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9 août 2011 2 09 /08 /août /2011 06:40

... Mais ce sont les viols et les violences conjugales qui sont de plus en plus dénoncés (et c'est très bien).

 

SUR LE BLOG "INSECURITE" DE LAURENT MUCCHIELLI, le 27 juillet :

 

27 juillet 2011

La dénonciation croissante des violences conjugales et son impact sur l’évolution générale

Le thème de « l'augmentation de la violence » est omniprésent dans notre société. Entretenu en permanence par les discours politiques et par le traitement médiatique des faits divers, il rencontre aussi le sentiment d'insécurité d'une partie de nos concitoyens. Mais lorsque l'on prouve par les recherches que ce sentiment n'est pas lié fondamentalement au fait d'avoir été victime d'agressions ou de vols, on est immédiatement soupçonné d'angélisme. La croyance en la montée de la violence est si forte que les arguments contradictoires sont à peine entendus et aussitôt oubliés. Ainsi, lorsqu'on fait état de la baisse très importante des homicides au cours des 25 dernières années, d'aucuns s'empressent de répondre que c'est une exception à la règle. De même, lorsque l'on montre que l'augmentation des plaintes pour viols correspond non pas à un changement dans les comportements mais à un changement de statut et une plus forte dénonciation de ces violences principalement intrafamiliales, la chose est entendue mais traitée là encore comme une exception. Et quand on découvre grâce aux enquêtes sur échantillons représentatifs que les victimes elles-mêmes ne déclarent pas plus d'agressions physiques sur les dix dernières années, on constate un étonnement suivi d'un oubli. Non, décidément, de nos jours il faut absolument hurler avec les loups, croire que l'insécurité règne partout et que, bien entendu, « c'était mieux autrefois ». Voici pourtant un nouveau démenti, concernant cette fois-ci les violences conjugales, dont on va voir que la dénonciation croissante constitue un élément très important pour interpréter la hausse générale des atteintes aux personnes dans les statistiques de police.

Le poids croissant des violences conjugales dans les statistiques de police

Dans l’ensemble très hétérogène de ce que la statistique de police appelle les « coups et blessures volontaires » (non mortels) se cachent, chez les majeurs, un sous-ensemble de plus en plus important constitué par les violences conjugales. Dans une étude portant sur 256 dossiers de « coups et blessures volontaires » suivis d’ITT jugés par un tribunal correctionnel francilien au cours de l’année 2000, nous avions montré que les conflits conjugaux représentaient déjà le plus gros contentieux ayant généré ces brutalités (environ 30 % des affaires), devant les querelles de rue, les autres conflits intrafamiliaux, les heurts déclenchés lors des contrôles de police, les conflits de voisinage, les querelles entre automobilistes ou encore les querelles de bar (lire cette étude). Par la suite, l’Observatoire National de la Délinquance (OND) a tenté d'évaluer la part des violences conjugales dans l’ensemble des atteintes aux personnes constatées par la police et la gendarmerie. Cette information n'étant pas systématiquement relevée, la méthode est compliquée et la mesure très imparfaite, elle sous-estime la réalité. On estime néanmoins qu'en 2006, au moins 25 % des homicides et des « coups et blessures volontaires » non mortels sont des violences conjugales (voir le rapport OND 2007). La reconstitution des années antérieures indiquerait en outre une augmentation de ces violences conjugales de 32 % entre 2002 et 2006. En 2009, la même base de calcul imparfaite (sous-estimant toujours la réalité) indiquait que les violences conjugales représentaient désormais 30 % des coups non mortels et que l'augmentation de ce type de violences était plus rapide que l'augmentation du total des agressions (voir la présentation du rapport ONDRP 2010). Retenons donc comme ordre de grandeur probable qu'un tiers de ces plaintes pour agressions enregistrées actuellement par les policiers et les gendarmes sont des violences conjugales.

Une hausse qui contribue largement à l'augmentation des violences enregistrées

Les conséquences de ces indices convergents sont très importantes. En 2010, en France métropolitaine, la police et la gendarmerie ont dressé 192 906 procès-verbaux pour des coups et blessures volontaires non mortels, soit une augmentation de 81 % par rapport à l'année 2000. D'où les discours alarmistes habituels, qui croient - ou font mine de croire - qu'il s'agit d'une mesure de l'évolution réelle des comportements. Or, puisque les enquêtes sur échantillons représentatifs témoignent d'une stabilité des agressions subies par les victimes, il faut conclure que ces statistiques de police enregistrent avant tout une meilleure dénonciation de comportements qui préexistaient. C'est précisément ce que montre le cas des violences conjugales dont on voit donc que la judiciarisation progressive explique sans doute à elle seule environ un tiers de la prétendue « augmentation des violences ». Voici une information de poids qui passe pourtant totalement inaperçue dans les discours médiatiques et politiques, comme du reste dans ceux de la plupart des « experts ».

Ajoutons pour terminer que ce mouvement de judiciarisation croissante n'est pas terminé. 2,3 % des femmes âgées de 20 à 59 ans avaient déclaré avoir été victimes de violence physique de la part de leur conjoint dans l’enquête ENVEFF en 2000, soit près de 370 000 femmes (voir un résumé de l'enquête). Si l'on rapporte ce chiffre à celui des violences conjugales effectivement déclarées, on comprend que le « réservoir » potentiellement « judiciarisable » dans ce domaine est encore vaste. Et tout porte à croire que ce mouvement d'augmentation des déclarations se poursuivra dans les années à venir. En témoigne notamment l'impact de la campagne nationale de dénonciation des violences conjugales déclarées « Grande cause nationale » par le gouvernement en 2010. Dans un communiqué du 25 juillet 2011, la Fédération Nationale Solidarité Femmes indique ainsi que les appels au numéro d'urgence 3919 ont augmenté de 50 % par rapport à l'année 2009 et que « le nombre d’appels par jour pour violences conjugales a été deux fois plus important en période de campagne médiatique ».

Ainsi, il faut bien évidemment se féliciter du fait que les violences conjugales sont de mieux en mieux dénoncées et judiciarisées. Mais il faut aussi comprendre que cela fait automatiquement augmenter les procès-verbaux qu'enregistrent années après années les gendarmes et les policiers.

 

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