ARTICLE de Jean Quatremer, journaliste spécialiste de l'Europe, pas particulièrement ami du PG, ce qui rend cette analyse
d'autant plus inquiétante : le début de la fin ?
Le scénario du pire est en train de se produire : les banques européennes se débarrassent à tour de bras de la dette
souveraine des pays de la zone euro jugés « à risques », au risque de précipiter la monnaie unique dans le gouffre. Ce mouvement, qui a débuté fin juillet, s’accélère et touche
désormais la dette hexagonale qui n’est plus considérée comme un actif tout à fait sûr. C’est ce qui explique la montée accélérée des taux d’intérêt italien et l’écart de taux de plus en
plus grand entre les obligations allemandes et françaises. Spéculation ? « Les fonds spéculatifs ne sont que des acteurs périphériques d’un mouvement inquiétant, parce
que général : on est face à un désengagement massif des banques du marché des dettes souveraines », analyse un économiste d’une banque française qui a requis l’anonymat.
(...)
Le pire est que cette défiance à l’égard de la zone euro est alimentée pour l’essentiel par des acteurs de marché
européen, banques, assurances, fonds de pension, etc., et non par des établissements non européens. « C’est Cronos qui dévore ses propres enfants », soupire un
analyste de banque. Il ne s’agit pas seulement à un mouvement de renationalisation du marché des dettes souveraines qui s’était largement internationalisé avec l’euro. (...)
La décision de recapitaliser les banques, prise le 27 octobre sous la pression des marchés américains qui se défient désormais de l’euro, a accentué ce mouvement. (...) Plutôt que de faire appel aux marchés et donc de diluer leur actionnariat, elles ont fait le choix de se débarrasser de leurs actifs jugés les plus fragiles, en l’occurrence les dettes publiques : après tout, si on les oblige à se recapitaliser, c’est parce qu’elles ont prêté aux États de la zone euro… Ce qui leur permet au passage de réduire la taille de leur bilan et donc d’adoucir l’augmentation des fonds propres, ce qui leur permettra de continuer à distribuer bonus et dividendes. (...) Selon un économiste d’une agence de notation, « on assiste à un clair retrait du financement de l’économie par les banques dans plusieurs pays de la zone euro ». En clair, un refus généralisé de prêter aux entreprises et aux ménages, c’est-à-dire à un « credit crunch ». Si on ajoute à cela la crise de liquidités qui se dessine, les banques refusant à nouveau de se prêter entre elles, et le désengagement des banques du marché des dettes souveraines, on se dirige tout droit vers une dépression de grande ampleur.