6 décembre 2012
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Article publié sur le blog Rassemblement des travailleurs, dont les rédacteurs nous ont gentiment autorisé à le reproduire : n'hésitez pas à visiter leur blog !
Dernière heure : Jean Jaurès s’invite chez les fralib !
Les Fralib à Paris à la manif du 30 septembre 2012
Sarkozy voulait nous convaincre que Jaurès était mort et bien mort. Dans ses habits de grand prêtre ultralibéral de la Cinquième République, Sarko voulait le récupérer en s’inclinant devant la relique du grand homme. Jaurès, une relique ? C’est aussi ce que voudraient nous faire croire Hollande, Ayrault et Valls.
Mais Jaurès est bien vivant! Il est pour la nationalisation de Florange et de la sidérurgie Française, il y a deux semaines à peine, on l'a vu se faire
courser par les CRS de Valls et Ayrault à Notre dame des Landes ! Jaurès s’invite même chez les fralib car, à la différence de Hollande, il les soutient totalement dans leur combat contre
Unilever pour remettre en marche leur entreprise sous contrôle ouvrier ! Remettre en marche une usine contre un patron qui veut la fermer, c’est possible !
Pourquoi ont-ils voulu « tuer » une fois de plus Jaurès ? Pour en faire une momie desséchée qui leur ressemble ? Mais Jaurès est vivant et
il ne leur ressemble pas du tout. Voici des témoignages montrant qu'il est bien présent aux côtés des Fralib en lutte. Les "preuves" sont réunies par un socialiste et non des moindres puisqu’il
s’agit de... Vincent Auriol, le premier président socialiste de la quatrième République à la Libération. Alors que François Hollande est en train de nous enchainer au pacte budgétaire d’austérité
européen et qu’il voudrait nous faire croire à la fatalité des restructurations et des fermetures d’entreprises, Jaurès lui tourne le dos à l’Assemblée le 8 avril 1886 en déclarant:
« Nous devons réaliser par la République l’abolition du salariat,
l’affranchissement définitif des cœurs et des bras, la remise graduelle des moyens de production aux mains des travailleurs pour la constitution d’un patrimoine collectif. Si vous n’avez pas un
idéal élevé, si vous ne poursuivez pas une haute pensée de justice sociale, d’égalité sociale, vos petites réformes iront grossir le poids de vos lois stériles »
Mais Jean Jaurès ne se contente pas de belles déclarations à l’assemblée, il sait aussi se battre pour qu’elles se concrétisent, face à la justice patronale et aux
matraques policières :
« 1895 est la grande année de la grève des verriers. Celle-ci est déclenchée le 1eraoût, et sera l’occasion d’un des plus grands combats de
Jaurès. »Jaurès est appelé par les verriers de Carmaux en grève. « L’administration préfectorale soutient à fond Ességuier, le propriétaire de la verrerie, véritable
« patron de combat ». On perquisitionnera dans la chambre d’hôtel de Jaurès à Carmaux et il sera pourchassé dans les rues par les gendarmes à cheval. Après des bagarres qui dureront
plusieurs mois (…) la grève sera vaincue, mais pour peu de temps.
Sous l’impulsion notamment d’Aucouturier, les verriers décident de fonder leur propre
entreprise, et réalise la Verrerie ouvrière d’Albi, qui sera inaugurée le 25 octobre 1986. Ils avaient quitté Carmaux en cortège, en janvier pour aller bâtir leur entreprise. (…) Emporté par la
joie du triomphe, Jaurès monta sur la table et chanta la Carmagnole et le Ca ira. Entre temps, le 20 juillet 1896, la première chambre de la cour d’Appel de Toulouse avait condamné Jaurès et la
Petite République à 15 000 de dommage envers le patron de combat Resseguier »
Mais la verrerie ouvrière autogérée des ouvriers en lutte avait tenue bon.
Vincent Auriol raconte cette promenade à Albi aux côtés de Jaurès, après la victoire de la verrerie ouvrière :
« Je me rappelle cette après midi d’automne, sur les coteaux du Carmausin. Lui, mon beau-père Aucouturier le verrier, Berton le mineur, et moi ; nous
cheminions lorsque Jaurès découvrit Albi, et la massive cathédrale de briques, et les cheminées de la verrerie ouvrière toutes unies dans la pourpre du soleil couchant. Il nous dit d’abord quelle
foi avait animé les artistes et les pauvres serfs qui avaient élevé le somptueux édifice où ils devaient abriter « la vieille chanson qui berça la misère humaine ». Il rappela
ensuite à ses deux camarades comment les verriers, traqués et chassés de l’usine patronale de Carmaux pour avoir revendiqué la liberté syndicale, s’étaient faits maçons, charpentiers, peintres,
pour construire la verrerie qui devait permettre le travail dans la liberté et, les prenant par le bras, il ajouta d’une voix douce : « Sainte-Cécile, la Verrerie Ouvrière, à des
siècles d’intervalle, l’une et l’autre furent un grand acte de foi ».
A lire ce texte si proche de nos propres combats à Fralib, à Lejabi ou aux aciéries de Florange, on se dit que l’intervalle de temps est bien mince qui nous sépare
de Jaurès et de la verrerie Autogérée mais qu’en revanche, ce ne sont pas des siècles mais des années lumières qui nous séparent du « socialisme ultra libéral » des Hollande,
Valls et Ayrault !
José Perez, le cheminot de Sotteville-lès-Rouen
Les citations sont tirées de Jean Jaurès , présenté par Vincent Auriol PUF 1962 (respectivement P. 41 , P26, p.9 du livre)