Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
25 mai 2011 3 25 /05 /mai /2011 07:55

DANS LE QUOTIDIEN "LE MONDE" :

Les contrôles au faciès "menacent le lien social"

LEMONDE.FR | 23.05.11

Une cinquantaine d'avocats vont tenter, à partir du lundi 23 mai, de faire reconnaître le caractère inconstitutionnel du contrôle d'identité, tel que l'autorise actuellement le code de procédure pénale français. Pendant quinze jours, ils vont surveiller les dossiers présentés devant des tribunaux d'Ile-de-France, de Lyon et de Lille, et soulever une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) quand ils estimeront que le délit de faciès est à l'origine du contrôle d'identité.

Pour Me Jérôme Karsenti, avocat au barreau du Val-de-Marne, il s'agit surtout avec cette initiative d'"attirer l'attention des pouvoirs publics et des citoyens sur une problématique qui menace le lien social, à savoir les discriminations dont sont victimes les jeunes des banlieues. On a oublié les émeutes de 2005, alors que la situation est quasiment explosive. Les contrôles au faciès participent au sentiment de rejet, d'exclusion, de marginalisation". Pour preuve, un rapport publié en 2009 par l'Open Society Justice Initiative – une organisation parrainée par le milliardaire américain George Soros et associée aujourd'hui à la démarche des avocats – avait révélé qu'un individu noir ou arabe avait respectivement 6 fois et 7,8 fois plus de chance d'être contrôlé par un policier qu'un blanc.

Concrètement, les avocats, membres pour certains du Syndicat des avocats de France, remettent en cause particulièrement l'article 78-2, qui favoriserait les contrôles au faciès. "Les quatre alinéas de l'article 78-2 permettent actuellement de contrôler toute personne pour lesquelles il y aurait des 'raisons plausibles' de commettre une infraction", explique Me Karsenti. Modifié en mai 2003, l'article permettrait donc au policier d'invoquer des raisons subjectives au contrôle, alors qu'un "indice grave et concordant" était auparavant nécessaire.

"La personne qui a été suspectée devrait avoir droit à un recours effectif. Mais la plupart des contrôles n'étant pas suivis d'une procédure, elle ne peut prouver qu'elle a été contrôlée. Cet article rompt par ailleurs le principe d'égalité et viole le principe d'aller et de venir. Quant au principe d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, il n'est pas respecté", soutient Me Karsenti.

Les avocats qui prennent part à cette opération sont certains de pouvoir soulever plusieurs QPC, mais le parcours judiciaire rend les poursuites incertaines. "Nous pensons que nous avons de bons arguments de droit, explique Me Karsenti. Notre espoir, c'est que pendant ces quinze jours le maximum de tribunaux passent la main à la Cour de cassation", seule à même, avec le Conseil d'Etat, d'enclencher ce processus. Libre ensuite au Conseil constitutionnel de juger ces QPC recevables.

Gaël Lombart

 

Lanna Hollo, représentante de l'association Open Society à Paris

Contrôle au faciès : "Nous voulons un organe de contrôle indépendant"

LEMONDE.FR | 23.05.11 

Contrôle d'identité dans les rues de Lyon, en 2008.

Contrôle d'identité dans les rues de Lyon, en 2008.AFP/JEAN-PHILIPPE KSIAZEK

 

Lanna Hollo est la représentante d'Open Society à Paris. En 2009, l'organisation avait publié une étude démontrant d'importantes discriminations lors des contrôles de police. Elle s'associe aujourd'hui à la mobilisation d'avocats contre le "délit de faciès".

Il y a deux ans, l'Open Society Justice Initiative révélait qu'un Noir et un Arabe avaient respectivement 6 et 7,8 fois plus de chance qu'un Blanc d'être contrôlé par un policier. Le problème que soulève ces chiffres a-t-il été pris en compte depuis ?

Le gouvernement ne reconnaît pas le problème et ne mène pas d'action pour le résoudre. A l'inverse, des organisations non gouvernementales, des associations proches de victimes et des représentants du monde judiciaire se mobilisent autour de ces questions. Côté politique, parmi les propositions formulées par les jeunes socialistes aux candidats à la primaire figure l'attestation de contrôle d'identité, un coupon qui serait remis à tout individu après un contrôle.

Avez-vous essayé d'alerter la majorité sur ce sujet ?

Nous avons établi quelques bons contacts qui n'ont pas été suivis de déclarations officielles. Les syndicats de policiers nient la réalité et assurent que tout contrôle est justifié. Mais nos chiffres ne peuvent pas être ignorés. Le contrôle est la première étape du processus judiciaire. Il y a dès lors plus de chances de reprocher des délits à des Noirs ou des Arabes si ces personnes sont plus souvent placées en garde à vue.

Diriez-vous que la situation s'est aggravée ?

Nous avons les échos de jeunes sur le terrain qui disent être victimes de harcèlement. Nous pouvons dire que les contrôles au faciès ont augmenté à partir des chiffres de garde à vue. Mais la difficulté est qu'il n'y a aucune trace de contrôle, aucun ticket de contrôle qui permette une discussion. C'est pour cette raison que nous avions décidé, en 2009, de faire cette étude avec le CNRS, qui ne soit plus qualitative mais quantitative.

Comment Open Society est-elle impliquée dans la mobilisation des avocats contre les contrôles au faciès ?

C'est un long travail collectif. Nous étions d'accord avec le Syndicat des avocats de France pour dire qu'il y avait un problème et que nous voulions trouver une manière de mener une action en justice. Nous nous sommes rapprochés du constitutionnaliste Dominique Rousseau pour réfléchir sur le sujet. Il a rédigé un mémo qui sera joint aux questions prioritaires de constitutionnalité que soulèveront les avocats dans les jours à venir. Open Society a également rédigé un mémo, reprenant le résultat de nos études.

Quelles seraient les solutions à ces discriminations ?

Commençons par amender la législation pour en finir avec ces contrôles abusifs. Nous appelons également de nos vœux la création d'un organe de contrôle indépendant. Il existe bien la Commission nationale de déontologie et de sécurité, mais elle se confond avec le défenseur des droits. Il faudrait une commission renforcée, avec un pouvoir de sanction. Marie-George Buffet a déposé une proposition de loi pour la création d'un comité national d'éthique de la sécurité, qui a déjà été approuvée par des dizaines de députés. Enfin, il faudrait pouvoir fournir aux personnes contrôlées un formulaire avec la date, l'heure, le lieu, le motif et le résultat du contrôle.

Propos recueillis par Gaël Lombart

Partager cet article

Repost0

commentaires

Recherche

Créer un blog gratuit sur overblog.com - Contact - CGU -