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Le travail acharné en commun et les concerts vont peu à peu souder la nouvelle formation et lui faire franchir un pas supplémentaire. Après une seconde tournée américaine (centrée sur les campus universitaires), qui l'accapare pendant toute la saison estivale (elle sera prolongée de deux semaines du fait de son succès), Pink Floyd termine l'année en parcourant sans relâche l'Angleterre et l'Europe continentale. Au total, le groupe aura donné plus de 100 concerts pour la seule année 1968.
D'un point de vue discographique, les deux années suivantes vont également être marquées par une frénésie d'activité, nourrie en particulier des incursions de Pink Floyd dans le domaine des musiques de films. En novembre 1968, le groupe met au point le concept de son troisième album (qui sera en fait le quatrième, la sortie de More intervenant entretemps), qui doit marquer les esprits. Il sera en effet double : un disque enregistré 'live' pour asseoir la réputation scénique du quatuor, et un album studio mettant en valeur ses individualités.
Initialement, une création collective doit être adjointe aux exercices solitaires des quatre musiciens. Finalement, c'est l'intégralité du second disque qui sera consacré à ces derniers. Le premier morceau envisagé pour le projet, «Embryo», restera ainsi au stade de démo, ne réapparaissant que sur d'obscures compilations sans que le groupe ne soit consulté. Pourtant, sous une forme plus ou moins rallongée (jusqu'à 25 minutes !!), il sera l'un des passages obligés des concerts du groupe pendant plusieurs années.
Ce revirement va s'avérer regrettable, et du reste assez surprenant : Pink Floyd, à l'époque en tout cas, est à l'exact opposé de l'individualisme que suggère ce concept, et comme l'estimera - avec la sagesse qui le caractérise - Nick Mason, le groupe prouva à cette occasion, et de manière éloquente, que chez lui comme bien souvent, le tout est (largement) supérieur à la somme des parties...
Le concert donné le 14 avril 1969 au Royal Festival Hall de Londres donne l'idée d'une solution alternative dont il est permis de penser qu'elle aurait été bien plus satisfaisante que la formule finalement choisie. Sous l'intitulé général de The Massed Gadgets Of Auximenes, Pink Floyd proposa à cette occasion deux suites épiques longues chacune de 45 minutes, «The Man» et «The Journey». Celles-ci recyclent quelques créations passées, présentent des compositions reprises plus tard dans d'autres contextes, mais aussi des séquences restées inédites.
Outre un certain nombre de thèmes de More (les chansons «Cymbaline» et «Green Is The Colour», et des variations d'instrumentaux comme «Up The Khyber» ou «Quicksilver»), on trouve dans ces deux suites les deux morceaux chantés d'Ummagumma, «Grantchester Meadows» (alias «Daybreak») et «The Narrow Way» (première chanson jamais écrite par David Gilmour), et des thèmes plus anciens : «Careful With That Axe, Eugene» est ici proposé sous le titre de «Beset By Creatures Of The Deep», «Pow R Toc H» sous celui de «The Pink Jungle», et le final de «A Saucerful Of Secrets» sous celui de «The End Of The Beginning». On reconnaîtra aussi en «Afternoon» le bluesy «Biding My Time», chute d'Ummagumma réapparue deux ans plus tard dans la compilation Relics.
On le voit une nouvelle fois, Pink Floyd manifeste à l'époque une volonté claire de 'conceptualiser' sa musique, de structurer le déroulement de ses concerts afin de mettre au mieux en valeur la quantité d'idées musicales qui en constituent le répertoire. Cette démarche n'est que le pendant logique d'un souci formel qui va rapidement prendre des proporitions gigantesques, et valoir à Pink Floyd une réputation en grande partie extramusicale : celle d'un pourvoyeur de premier ordre de spectacles 'son et lumière'.
ctacles 'son et lumière'.
Le système de sonorisation utilisé par le groupe est en effet de plus en plus perfectionné. Le célèbre Azimuth Coordinator prodigue désormais en quadriphonie bandes enregistrées de bruitages divers et de dialogues. Parmi ceux-ci, on peut entendre ces bruits de pas qui font le tour de la salle autour des spectateurs médusés, ou le fameux «You won't have any pudding if you don't eat your meat !», recyclé une décennie plus tard dans The Wall, et déjà hurlé par un Waters imitant l'accent écossais.
Sur le plan scénique, c'est d'ailleurs ce dernier qui assure l'essentiel du spectacle, Wright et Mason étant par nature cantonnés derrière leur instrument et Gilmour d'un naturel plutôt réservé. A l'époque, Waters déborde d'énergie et pratique un jeu de scène très physique : déambulant sans cesse d'un bout à l'autre de la scène, il percussionne à tout va (on se rappelle notamment ses violents coups de gong dans «A Saucerful Of Secrets») et casse systématiquement tout ce qui lui tombe sous la main, quand il ne bricole pas - comme lors de ce concert de Noël 1970 où, à l'occasion de l'une des rares interprétations 'live' du fameux «Alan's Psychedelic Breakfast», il va construire une table sur laquelle des roadies viendront servir le thé !...
Hormis l'élaboration de la partie studio d'Ummagumma, la première moitié de 1969 sera donc marquée pour Pink Floyd par l'enregistrement de More, musique du film du même nom réalisé par Barbet Schroeder, qui sera présenté au festival de Cannes, mais ne connaîtra un vrai succès commercial qu'en France, où ce drame aujourd'hui bien désuet sur les communautés hippies d'Ibiza et leur flirt dangereux avec les drogues dures rencontrera un large écho. Considéré bizarrement comme une apologie des stupéfiants mais stigmatisé aussi (et surtout) pour ses scènes dénudées osées pour l'époque, il ne sera jamais distribué en Angleterre (où la B.O. atteindra néanmoins la neuvième place des charts).
Quiconque a vu le film sait qu'il n'y a qu'un rapport assez lointain entre l'album et ce qui figure effectivement dans la bande sonore. Souvent, les versions sont différentes (comme ce «Cymbaline» chanté 'à l'écran' par Roger Waters), certains thèmes du disque sont à peine entendus dans le film, tandis que le cas inverse se présente pour la chanson «Seabirds», jamais publiée commercialement... Globalement, le bilan musical est mitigé. Le principal mérite de cet album est d'inaugurer pour Pink Floyd une dimension acoustique jusqu'ici totalement absente de sa musique, et d'imposer Roger Waters comme véritable auteur-compositeur, capable dès lors de combler le vide laissé par la défection de Syd Barrett. C'est en effet Waters qui signe, seul, la totalité des morceaux chantés, ses collègues n'étant crédités que pour certaines plages instrumentales.
Ces chansons, «Green Is The Colour» (où Lindy, l'épouse de Nick Mason, nous 'gratifie' hélas d'une série de 'canards' de flûte a bec...) et «Cymbaline» en tête, révêlent chez Waters une sensibilité, une simplicité et un talent poétique dont on peut regretter qu'ils aient été par la suite noyés dans le gigantisme de ses fresques conceptuelles. Celles-ci contribueront à donner de lui l'image réductrice d'un écorché vif hanté par les démons d'une enfance traumatique, au point de finir par faire le vide autour de lui faute d'être compris par ceux qui l'entourent. Il y a pourtant chez l'homme une facette beaucoup plus attachante, celle d'un artiste sincère et lucide, dont l'arrogance n'est qu'une façade, un moyen de défense. Ce Waters qui se révélera dans des chansons comme «If» ou au détour des séquences les plus intimistes de The Final Cut.
Pour revenir à More et aux contributions de ses collègues, on signalera le rôle croissant joué par David Gilmour, unique chanteur sur l'album, qui commence à révéler l'étendue de ses possibilités dans ce domaine, sa voix se faisant tour à tour feutrée («The Crying Song») et rageuse («The Nile Song» et son clone «Ibiza Bar»). Rick Wright est plutôt discret dans l'ensemble, en particulier sur les chansons, si l'on excepte le final de «Cirrus Minor», où figure une intervention à l'orgue qui compte parmi ses plus inspirées. On notera pour finir que deux des instrumentaux de la face B, «Main Theme» et «More Blues», seront longtemps joués sur scène par la suite.
Le 1er novembre 1969, quelques jours après l'apparition de Pink Floyd au légendaire festival d'Amougies (le groupe est rejoint par Frank Zappa pour un «Interstellar Overdrive» d'anthologie - hélas, le film tiré du festival sera retiré des salles suite à une plainte du groupe, qui n'avait pas donné explicitement son accord), paraît Ummagumma. C'est cet album qui va véritablement marquer le début en France d'une 'Pink Floyd mania' qui en fera, au tournant de la décennie, le groupe-phare de la scène pop, comme on l'appelle alors. Certes, le succès du groupe n'est encore rien en comparaison de celui qu'il obtiendra après Dark Side Of The Moon, mais cette reconnaissance commerciale se double encore, entre 1969 et 1972, d'un respect quasi unanime de la critique. C'est particulièrement vrai en France, où Pink Floyd prendra les allures d'une véritable institution culturelle, et ce jusqu'en 1974 et la fameuse 'affaire Gini', qui verra la marque de boissons gazeuses sponsoriser une tournée française du groupe. Pris en flagrant délit de matérialisme, Pink Floyd se verra logiquement accusé d'avoir vendu son âme, le succès planétaire de Dark Side... venant évidemment appuyer cette thèse un peu simpliste.
En tout cas, à l'époque de sa publication, Ummagumma sera salué tout autant pour sa partie Live, brillant résumé des attraits scéniques (encore purement musicaux) du groupe, que pour les exercices individuels du second disque, qui passent alors pour une avancée majeure, pour ne pas dire une véritable révolution musicale. Trois décennies plus tard, il est difficile de s'enthousiasmer à ce point, tant ces tentatives apparaissent naïves, mettant plus en évidence les limites et les faiblesses des quatre musiciens que leur supposé génie, en fait uniquement collectif.
Finalement, c'est Waters qui s'en tire le mieux, avec l'acoustique et champêtre «Grantchester Meadows», enchaîné a un incroyable délire bruitiste au contenu aussi surréaliste que son titre à rallonge : «Several Species of Small Furry Animais Gathered Together in a Cave and Grooving With a Pict», qui s'achève sur une déclamation échevelée de Waters dans une langue que certains ont cru identifier comme un patois écossais...
La contribution de Wright, «Sysyphus», est celle qui sent le plus l'esbroufe, l'expérimentation y servant le plus souvent de prétexte facile à une prétention creuse. Celle-ci trouvant un allié de choix dans la conviction d'une bonne partie du public que tout cela doit forcément être très intelligent, puisqu'incompréhensible... Il suffit en fait d'écouter la piètre intervention de Wright au piano solo pour comprendre que tout ceci est loin d'être maîtrisé, et que comme toujours avec le claviériste, c'est avant tout au niveau des ambiances (en particulier l'introduction gorgée de Mellotron) qu'il y a quelque-chose à retenir de l'expérience. Les 'planants' allemands, Tangerine Dream en tête, ne s'y tromperont d'ailleurs pas...
Le morceau signé Mason, «The Grand Vizier's Garden Party» (où l'on retrouve une nouvelle fois la flûte de son épouse Lindy), s'avérant des plus anecdotiques, reste le «Narrow Way» de Gilmour, dont les trois parties manquent de cohérence globale, mais nous valent certains des meilleurs moments du disque (l'introduction et sa guitare acoustique démultipliée, la très belle section chantée), dont on regrette seulement qu'ils n'aient pas impliqué le reste du groupe (le beau Dave tient lui-même batterie, piano, orgue, basse et synthé VCS-3, dont ce ne sera pas la dernière apparition chez le Floyd...).
Reste la partie 'live', et c'est grâce à elle qu'Ummagumma continue de mériter sa réputation. Issue en quasi totalité d'un concert à Manchester le 2 mai 1969 (et, pour la fin de «A Saucerful Of Secrets» seulement, d'un autre donné quelques jours plus tôt à Birmingham), elle nous donne à entendre, dans des versions magnifiées, quatre des morceaux figurant invariablement dans les set-lists de ses apparitions scéniques à l'époque. On notera qu'un cinquième, «Interstellar Overdrive», devait figurer au programme, mais faute de place, ne fut publié que sous la forme d'un acétate distribué à quelques amis du groupe, donc rarissime.
A l'opposé de la sophistication maladroite des velléités d'expression personnelle du disque studio, le versant 'live' d'Ummagumma souligne l'économie de moyens qui préside à l'élaboration de la musique de Pink Floyd à cette époque. En effet, si l'impression générale est déjà celle d'une maîtrise parfaite dans la théâtralisation de la musique, grâce à l'utilisation savante d'effets pourtant rudimentaires (réverbération, delay, traitements divers pour l'orgue), on ne peut pas dire que le savoir-faire instrumental soit époustouflant. C'est particulièrement vrai chez Mason, parfait dans un rôle répétitif (son jeu de toms façon timbales sur «Set The Controls...», sa fameuse descente de toms dans «Saucerful...»), très imprécis lorsqu'il essaie de varier son jeu par des breaks qui tombent plus d'une fois à côté («Astronomy Domine»).
La musique atteint ici sa suprême élégance lorsqu'elle prend son temps, s'étire langoureusement, voire paresseusement, brodant autour d'un thème minimal, et prenant le risque de tout laisser reposer sur la magie de l'alchimie collective du groupe. Ne faut-il pas en effet du génie pour tenir l'auditeur en haleine d'un bout à l'autre d'un morceau comme «Careful With That Axe, Eugene», bâti sur un motif de basse simplissime et invariable, mais théâtre d'une montée de tension irrésistible qui culmine dans une explosion incroyable, ce cri déchirant de Waters qui, dans le Live At Pompeii, sera associé visuellement, avec une grande pertinence, aux images de volcans en éruption... Et que dire de la répétition hypnotique du riff de «Set The Controls...», magnifiée par les broderies arabisantes de l'orgue de Wright, d'une beauté à couper le souffle ?...
Peu importe alors que le son soit loin d'être parfait (surtout lors d'une écoute au casque), ce Pink Floyd là, celui des longues improvisantes planantes, et dont la démarche musicale se prolongera jusqu'à la fin de 1971 (le Live At Pompeii étant envisagé consciemment comme la clôture d'une époque), ne mérite pas d'être laissé dans l'ombre de celui des grands succès planétaires d'après 1973. La période 1969-71 fut pour Pink Floyd un premier âge d'or, dont il est permis de penser qu'il fut, d'un certain point de vue, son apogée. C'est au moins vrai d'un point de vue scénique : reproductions minutieuses et à grand spectacle de ses créations de studio, les concerts ultérieurs de Pink Floyd n'auront plus - c'est le moins qu'on puisse dire !! - cette dimension humaine et ce caractère imprévisible et fascinant. Et malgré l'impression d'une continuité, l'année 1972 marquera bel et bien, comme nous le verrons plus loin, un tournant radical dans sa démarche.
Mais revenons une dernière fois en 1969 pour évoquer l'enregistrement, en novembre et décembre, d'une nouvelle bande originale de film, celle du Zabriskie Point d'Antonioni. Ce dernier avait d'abord pensé à faire appel à Procol Harum, puis à Pink Floyd seul. Les séances de studio, à Rome, seront assez cauchemardesques : Antonioni est toujours présent et jamais satisfait («C'est très beau... mais trop long, trop court, trop compliqué, trop triste, trop...»). En fin de compte, c'est une dizaine d'artistes, dont le Grateful Dead, qui vont se retrouver sur la BOF. Trois titres seulement du Floyd seront retenus : les deux du générique et celui (en fait un décalque de «Careful With That Axe, Eugene», morceau qui avait séduit Antonioni dès le départ) de la fameuse scène finale où l'on voit une villa californienne, symbole absolu du rêve américain capitaliste pour le réalisateur italien, voler en éclat au ralenti et sous tous les angles possibles. Au final, une expérience plus que mitigée pour le Floyd (le film lui-même fait aujourd'hui figure de 'nanar'), mais qui contribue à asseoir sa réputation de groupe «différent». A noter que la version remastérisée, publiée en 1997, comporte près de vingt-cinq minutes de musique inédite, à l'intérêt non négligeable, dont une longue improvisation 100% blues et un très beau piano solo de Rick Wright.