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5 mai 2017 5 05 /05 /mai /2017 23:20

Les nouveaux rythmes scolaires ont-ils fait reculer l'encadrement éducatif des jeunes et spécialement ceux des milieux populaires ? La thèse semble osée tant le discours officiel sur le périscolaire souligne que les activités périscolaires ont permis aux enfants de milieu modeste d'accéder à des activités nouvelles.

Elle est présentée par Véronique Laforets dans une thèse soutenue à l'Université Grenoble Alpes.  Pour elle , le développement des projets éducatifs locaux (PEL) s'est accompagné d'une scolarisation de leur contenu qui a laissé de coté des activités plus anciennes davantage tournées vers les familles modestes et les adolescents. Une évolution qui s'est accélérée après 2012 en lien avec l'arrivée de nouveaux élus soucieux d'influer sur l'Ecole. Et qui au final se retournerait contre l'école...

Développement ou appauvrissement des politiques éducatives locales ?

Et si on regardait les périscolaire avec le regard des acteurs locaux et non celui des enseignants ? C'est ce que fait Véronique Laforets dans sa thèse, "L'éducatif local : les usages politiques du temps libre des enfants". Longtemps militante associative, responsable d'un service éducatif local, V. Laforets revient sur 40 ans de politique éducative locale qu'elle regarde à la fois en chercheur et acteur. Et ce qu'elle met en évidence est très éloigné du discours officiel sur les bienfaits du périscolaire.

Pour elle le développement des projets éducatifs locaux (PEL), à partir des années 1980, s'est accompagné d'une profonde transformation des politiques éducatives locales, des personnels politiques chargés de les mener et des services offerts à la population. Et finalement par un appauvrissement des politiques locales.

Une scolarisation de l'offre éducative locale

Elle montre comment , en lien avec la décentralisation, qui a confié la gestion des écoles aux communes et des collèges aux départements, avec les incitations financières de l'Etat, les politiques éducatives locales se sont nettement tournées vers les écoles. L'irruption des nouveaux rythmes et le développement du périscolaire, à partir de 2013, ont accéléré cette transformation.

Là où les communes développaient des services destinés à toutes les tranches d'âge, elles se sont davantage adressées au public scolaire, laissant de coté les collégiens et lycéens. Le développement du périscolaire a souvent obligé les communes à faire des choix budgétaires. Même si les PEL peuvent toucher d'autres publics, les aides financières de l'Etat ont amené les communes à opter pour le public scolaire. Les communes ont souvent fermé les centres de vacances par exemple.

Cela s'est vu aussi dans les horaires des services proposés. Graduellement les communes ont réservé leur offre aux moments qui encadrent l'école. "Les PEL se sont organisés sur une logique de services complémentaires de l’école. Ils se situent avant et après le temps scolaire, étroitement liés à l’école", nous a dit V Laforets. Elles  ont laissé tomber les samedis par exemple ou les activités sur les vacances.

Au détriment des familles populaires

En faisant cela elles changent aussi de public. "Les familles populaires sont demandeuses de départs en vacances et d’ouverture le samedi", nous a dit V Laforets. "Or les projets éducatifs locaux (PEL) se développent sur le temps périscolaire. La réforme des rythmes scolaires a accentué ce mouvement. De ce fait les collectivités ont du mal à financer ce qui relève de la réussite éducative".

Une nouvelle sociologie des acteurs locaux

Cette évolution résulte aussi d'une transformation du personnel municipal que la thèse étudie dans le détail. Au fur et à mesure que les PEL montaient en puissance, elle observe un désengagement des élus du champ éducatif. La question des politiques éducative se "dépolitise" sur le plan local, avec la montée en puissance des politiques nationales qui tendent  uniformiser l'offre éducative locale. Ce phénomène s'accélère avec le périscolaire d'après 2013 et les PEDT tous validés par l'Education nationale.

Cela correspond aussi à un changement du personnel éducatif local. Aux militants associatifs, souvent liés à des mouvements politiques, succèdent des techniciens , sortis des mêmes écoles qui font carrière dans la territoriale. V Laforets les retrouve dans l'Andev, l'association des directeurs de l'éducation des villes. Leurs compétences sont recherchées avec la montée en puissance du périscolaire qui nécessite de nouvelles capacités.

Dépolitisation des projets éducatifs locaux

V Laforets montre aussi le rôle d'une nouvelle génération d'élus liés à la vague rose du tournant du siècle et bien symbolisés par le Réseau français des villes éducatrices. Souvent issus du monde enseignant, ils vivent le développement des compétences communales en matière éducative comme une opportunité de transformer l'école de l'extérieur.

L'école encore plus seule

Au final, pour V Laforets, le développement des PEL paradoxalement aboutit à appauvrissement de l'offre éducative locale. " La question du temps libre des enfants est devenue une non question. Elle n’est pas résolue par le développement du périscolaire qui s’en tient aux tranches d’âge de l’école. Le temps des collégiens est délaissé ou abordé par la politique de la ville avec une préoccupation de maintien de l’ordre", nous a-t-elle dit.

"Cette absence de politique laisse l’école d’autant plus seule. Or les difficultés de l’Ecole se situent au niveau pédagogique mais aussi sur le terrain de la socialisation et du relais éducatif vers les familles. On n’a pas remplacé ce qui se passait en terme de socialisation dans les centres de loisirs par exemple."

François Jarraud

Véronique Laforets. L'éducatif local : les usages politiques du temps libre des enfants. Sociologie. Université Grenoble Alpes, 2016.

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